- Récap':
+ Scénario: le cartographe
+ Pré-lien de Yuwol Kim: son ami, désormais hybride
2035: Naissance en Corée du Sud
2053: (18) Exécute son service militaire
2055: (20) Arrivée à New York
2059: (24) Rencontre avec Yuwol
2062: (27) Hybridation forcée
Début 2063: Fuite, extraction de la puce, adhésion au groupe déviant
I.Lake est né humain, en Corée du Sud, dans une petite ville rurale à deux heures de train de Séoul. Il a grandi entouré de ses parents et de sa sœur aînée, avec qui il s'est toujours très bien entendu. Il n'a jamais été le petit dernier pourri gâté et a toujours fait en sorte d'être respectueux pour être accepté et chéri, vis-à-vis de ceux avec qui il partageait le même toit.
Par ailleurs, ses parents étaient fleuristes et avaient pour habitude d'inclure leurs deux enfants dans le business familial. Il était hors de question d'en faire des paresseux, l'argent de poche n'étant que récompense après un effort fourni. Donc quand son aînée se devait de tenir la boutique juste en bas de chez eux, Lake avait pour obligation de jouer les livreurs en bicyclette. Il ne s'est jamais plaint de ce genre d'éducation, étant plus que ravi de pouvoir jouer les grands princes, en payant des glaces à l'eau à ses camarades, lorsque venaient les vacances d'été.
Au début de son adolescence, son temps libre était plus rare, entre ses études et activités extra-scolaire, telle que l'athlétisme, l'apprentissage de la basse ou les cours particuliers d'anglais. Donner un coup de main à l'entreprise familiale fut plus compliqué. Au même moment, les hybrides de Chroma commençaient à sérieusement faire parler d'eux partout dans le monde. D'abord très réticents à cette idée, les parents de Lake cédèrent finalement au besoin d'en posséder un, et il fut voté à l'unanimité d'avoir un Jindo coréen. Mais le jour de l'adoption, le cadet de la famille fut pris d'une crise d'éternuement sans précédent. Il n'avait jamais eu de problème avec les animaux, et encore moins avec les humains, alors pourquoi ne pouvait-il pas supporter le peu de poil présent sur un hybride ? La famille rentrait donc bredouille, la question étant définitivement close: si la boutique avait besoin de bras, il faudrait embaucher un salarié parfaitement humain.
II.La première fois qu'il est tombé amoureux, Lake ne s'est pas posé mille questions. Qu'importait si son crush était un garçon, qu'importait l'avis de ses amis, de son école ou même de sa famille... C'était le moment de sa vie où il s'était probablement montré le plus égoïste, n'avait pensé qu'à son propre bonheur et de comment l'obtenir, jour comme nuit. Il faut dire que ce garçon là avait tout pour lui: un sourire à tomber, un rire craquant, apprécié de tous sans être monopolisé, drôle sans être cruel, sérieux dans ses études, appliqué en sport, bienveillant avec tout le monde... Lake ne lui trouvait aucun défaut, amoureux transi qu'il était et se confiait rapidement auprès de l'intéressé, sans le moindre détour via connaissance commune ou petits papiers dans un casier. Il était étonnant qu'il ne l'ait jamais remarqué avant, et ce le fut d'autant plus lorsqu'il lui était demandé d'attendre une longue semaine pour une réponse définitive.
À ses 15 ans donc, il estimait que sa vie était parfaite. C'était comme être en couple avec son meilleur ami. Ils avaient appris à connaître les habitudes et les goûts de l'autre, pour ne plus avoir besoin de poser la moindre question quand la réponse était limpide. Il s'était d'abord confié à sa sœur, puis rapidement à ses parents, qui priorisaient finalement son bonheur à quoique ce soit d'autre. Il lui semblait avoir passé de longues après-midi d'été à s'assoupir contre lui, sous l'ombre des ginkgo. À tenter de l'étouffer alors qu'il cherchait lui-même à se faire une petite place dans son écharpe. À lui réchauffer les mains lorsque la tasse de café ne suffisait pas. À l'attendre lorsque son bus était en retard. À lui coller des stickers sur son visage ou ses affaires. À lui affirmer qu'il ne souhaitait pas être remboursé lors d'un concert ou cinéma improvisé. À faire le poids mort sur ses épaules quand leur ballade durait plus d'une heure. À lui dessiner des constellations avec les infimes imperfections de sa peau.
Il y a un dicton qui dit que l'amour dure 3 ans. En réalité, il y a un fait d'avantage scientifique derrière, quelque chose d'hormonale, de vérifiable. La raison qu'on avait donné à Lake était vague, à l'image de celle qui submergeait son cœur, noyait ses prunelles et faisait chavirer sa vie. Ils allaient devenir adultes après tout, cela n'aurait pas duré éternellement quand même. Était-ce la vérité ? Il lui était impossible de la concevoir ainsi. Mais qu'importait la sincérité des sentiments lorsqu'ils n'étaient pas écoutés.
Sa sœur avait tenté de le consoler avec des phrases toutes faîtes. Que le premier amour faisait toujours très mal, qu'il finirait par l'oublier et qu'il en rirait plus tard. À 18 ans, on n'a encore rien vécu, donc tout parait insurmontable. Mais les jours passaient, chaque journée étant désormais sans-éclat, et les nuits douloureusement humides, lorsque venait le moment de chercher le sommeil.
Car Lake a un cœur mou, dans lequel il est difficile de déloger les flèches.
Le jeune homme n'avait jamais aimé ainsi, pourtant, il renonçait à l'idée de faire le moindre forcing et se faisait alors plus discret, plus silencieux, moins souriant. Plaisanter devenait difficile, réalisant tristement que ses amis n'avaient pas la moindre valeur émotionnelle en comparaison de ce qu'il avait pu vivre avec
lui. Personne ne veut rester avec quelqu'un qui ne sait pas vivre autrement qu'en couple, mais qui paradoxalement, ne repart pas "en chasse". Et puis, qui y avait-il de plus triste au monde qu'une relation pansement ?
Pour les derniers mois avant sa majorité, Lake finissait par s'isoler, moins sortir, moins partager, d'avantage étudier. Il n'était cependant pas idiot, se rendant clairement compte de cette situation sans issue, où il ne faisait plus confiance à qui que ce soit pour s'investir dans une relation, autre que familiale, qu'importe le genre ou l'âge de ses interlocuteurs.
Aussi, lorsque la plupart des lycéens coréens partaient après leur concours, pour profiter de leur première année dans le supérieur, Lake préférait s'enrôler directement pour son service militaire obligatoire. C'était un choix peu conventionnel, surtout pour faire parti de l'armée terrestre qui était le parcours le plus court, et dont le lieu d'affectation n'était pas à la carte. Il avait prétexté à ses parents qu'il avait pour projet de partir à l'étranger, et donc qu'il souhaitait être "débarrassé" de ce fardeau patriotique le plus rapidement possible.
Avec le recul, Lake se dit aujourd'hui qu'il s'était engagé aussi tôt, uniquement pour se punir. Il s'était coupé volontairement de toutes ses relations importantes, de ses études et du monde en général. Il s'attendait à ce que ce service militaire le violente sévèrement, esprit masochiste qu'il possédait à cette période. Mais ce fut tout le contraire, avec grand étonnement. Déjà, il faisait parti des plus jeunes, ce qui lui valu d'être autant chambré que couvé par ses ainés. Et puis, l'ambiance avait beau être très stricte, c'est durant son temps libre, et avec ses compagnons d'arme, que "Flower-boy" apprit à re-aller de l'avant.
Au cours de ces 18 mois, Lake apprit à mieux se connaître lui-même, à dépasser ses limites physiques pour donner à nouveau le meilleur de lui-même. En parallèle, il s'appliquait à jouer le rôle d'éclaireur, à analyser un terrain et ses dénivelés, pour mieux le baliser et transmettre les informations. Ses spécialisations étaient donc baser sur le repérage. Il apprenait à cartographier, utiliser un radar et réparer des antennes radio.
Lui qui s'était rêvé hacker ou artificier, pour finalement se faire à l'idée qu'il reprendrait le commerce déjà mis en place de ses parents, le voilà qu'il rentrait complètement changé à la maison. Il faisait alors part à sa famille de vouloir s'engager dans la protection d'autrui, et que cette excuse de partir à l'étranger, était finalement devenue une motivation supplémentaire, social qu'il était à nouveau devenu. Il passait donc près d'une demi-année chez ses parents, à chercher une possible école de police susceptible de le prendre à l'étranger, en profitant par la même occasion pour passer son permis.
III.La situation géo-politique de New York n'était pas une chose à laquelle il s'était intéressé. Lake comprenait néanmoins pourquoi la police avait besoin de bras, quitte à former elle-même de nouvelles recrues. Sans surprise, il commençait tout en bas de l'échelle, en tant qu'agent d'intervention. Il a donc longuement patrouillé dans New York, de jour comme de nuit, à visiter de nombreuses habitation de la grande pomme, pour débusquer un intrus ou mettre fin à un conflit domestique. Il a fréquenté bon nombre de commerce, en raison de la criminalité plutôt importante... Sans être insurmontable. Car malgré le fait qu'il rentrait tout les soirs complètement lessivé, avec toujours un peu moins de foi en l'humanité, il aimait ce qu'il avait choisi de faire, se consolant avec l'idée de rendre le monde un peu meilleur, idéaliste. Il était toutefois si loin de sa famille, la satisfaction de son métier ou les appels en visio' ne suffisant pas toujours pour combler le manque qu'il ressentait. Le service militaire n'était rien en comparaison, car ici, la distance élargissait ce fossé plus que Lake ne l'aurait pensé.
Il se faisait doucement mais sûrement à la langue, à la ville, à la nouvelle culture du pays... Et à ses hybrides, êtres qu'il ne pouvait pitoyablement pas approcher à cause de ces éternuements... Mais de toute façon, il n'avait en général pas le temps de sortir un mouchoir, qu'une police spécialisée leur demandait bien souvent de débarrasser le plancher.
Cela faisait un peu plus de deux ans qu'il s'était installé à New York, avec l'idée désastreuse pour ses parents d'y rester. La séparation était compliquée mais cela faisait désormais un moment que Lake avait appris à être un indépendant. Sa sœur elle, ne se faisait pas prier pour venir passer de longue semaine chez lui et profiter de la vie américaine... En peu de temps, le petit dernier de la famille avait pris son envol, il gagnait sa vie convenablement, avait intégré un groupe d'ami et s'était fait accepté par ses collègues qui lui certifiaient qu'il aurait prochainement une promotion, grâce à son sens du travail bien fait.
Lake était donc fait pour protéger autrui. Peut-être à l'excès, car il lui arrivait d'avoir une déformation professionnelle en dehors de son service. Comme un certain soir, où il s'était dressé entre une jeune femme livrant bataille contre trois assaillants. On a beau être aussi féroce qu'un lion face à l'adversité, le nombre l'emporte sur la plus grande des détermination. Le coréen avait donc prêté main forte pour rééquilibrer la balance, pour que tout deux s'en sortent, sans grandes difficultés.
Le jeune policier était de suite tombé sous le charme de Yuwol, se faisant immédiatement la réflexion que les années n'avaient rien appris à son cœur à propos des coups de foudre. Il s'était fait à cette idée au fils de leur discutions, autour d'un verre ou de soirées fraîches à marcher dans les rues toujours bruyantes et éclairées de New York. Ils avaient parlé, de tout, de rien, au point de devenir proche comme des amis, heureux coup du hasard. Lake imaginait parfois la présenter à ses parents, mettant la charrue avant les bœufs, persuadé qu'elle et sa sœur s'entendraient bien. Même si cette possibilité lui semblait impossible, lui avait eu la chance de faire la connaissance de son jeune "frère", avec qui Yuwol vivait en colocation et à qui il demandait souvent comment était la météo, du haut de ses 2 mètres...
Elle était d'un an sa cadette et travaillait dans le même corps de métier que lui, ce qui justifiait le fait qu'elle n'avait pas froid aux yeux et savait tenir tête aux hommes. Elle était maligne, mignonne et bienveillante, le genre de cocktail qui rendait Lake bien peu objectif sur tout le reste. Se rapprocher sans espérer le moindre lendemain, telle devait être sa psyché, quand bien même tous les astres semblaient alignés. C'était malgré tout une situation qu'il jugeait agréable, songeant au fait que ne jamais se déclarer ne troublerait pas cette petite vie tranquille qu'il aimait mener à ses côtés. Il appréciait l'amitié, là où l'amour paraissait plutôt casse-gueule, poltron qu'il était. Pourtant, ce sentiment sommeillait en lui, garçon trop émotif qu'il pouvait être. C'est probablement à cause de cette émotion, qu'il s'était vu pousser des ailes, pour ne plus jamais voler.
IV. twIl y avait bien une chose qui tourmentait Yuwol, qui avec les mois passants, avait fini par être remarquable. Un lent poison qui obsédait son esprit et qui la mettait en danger tous les jours un peu plus. Lake avait fini par avoir l'honneur d'être le confident de cette préoccupation. L'histoire d'une famille séparée, d'un carnet ayant survécu aux années et d'un cheval de bataille avec lequel, l'espoir d'un futur plus juste. Tout était rassemblé pour que le jeune homme veuille prêter main forte, peut-être dans la précipitation. Mais les cœurs amoureux font gonfler les poitrines durant les jeunes années, au détriment de tout bon sens.
Quelques recherches mises en commun, pas mal de fausses pistes... Lake n'était pas enquêteur mais s'attelait à la tâche sans rechigner. Néanmoins, enquêter sur Chroma, c'est s'attaquer à un empire. Peut-être n'avaient-ils pas été assez vigilants, trop empressés ou peu discrets. Mais dès lors qu'il se retrouvait attaché et cagoulé, l'apprenti brigadier su que cela sonnait comme un game over. Ils allaient se faire remonter les bretelles, peut-être menacés pour espérer les effrayer et, dans le pire des cas, faire remonter cette affaire à leur brigade respective. En sentant Yuwol proche de lui, Lake ne pu que lui murmurer un faible "désolé", pour cette mission fiasco, qui risquait de rendre leurs prochaines recherches bien plus compliquées...
Le jeune homme subissait un long, très long, interrogatoire. Lui qui pensait rester quelques heures, cessait finalement de compter les jours pour en avoir perdu le fil. Il donnait des réponses brèves, floues, à l'image de l'enquête qu'il avait mené. Il pensait qu'ils auraient pu trouver quelqu'un, mais s'était tout bonnement trompé, réclamant qu'on les libère avant que cette affaire n'aille trop loin. Les coups au visage ou dans son ventre ne faisaient que le rendre d'avantage muet. Il ignorait où se trouvait Yuwol, où se trouvait-il lui-même, si ce n'est perdu dans le noir et le froid. Et puis finalement, il passait d'attache assise à couché, apeuré par une seringue dans son bras, qu'il allait apprendre à préférer à tous les autres traitements qui lui étaient réservés.
Dès que Lake ouvrait les yeux, c'était pour apercevoir de vives lumières blanches. Ses membres ne lui répondaient plus, sa tête était lourde, sa vue floue et son ouïe une succession de bruits stridents. Ses phases de réveil ne duraient jamais bien longtemps, quand bien même elles furent innombrables. À chaque fois, son corps lui prodiguait une douleur supérieure à la précédente. Son "sommeil" était secoué par des crises violentes de rejet, de migraine, de tremblements, de fièvre ou de tétanie. Il s'agissait là d'une boucle infinie, semblable à son enfer personnel, où son cerveau était trop épuisé pour lui permettre d'avoir une dernière pensée pour ceux qu'il avait aimé, mais pas suffisamment chéri. Lake aurait voulu prier pour ne jamais se réveiller la fois prochaine, cesser de jouer les cobayes et disparaître dans l'oubli général.
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C'était comme émerger d'un long coma et pourtant, ses muscles paraissaient courbaturés, comme ces lendemains après une longue randonnée. Il réalisait être à moitié couché sur un coussin inconfortable, mais à peine eut-il bougé la tête que celle ci, étonnement très lourde, lui faisait perdre l'équilibre et tomber du lit. Il avait suffit d'un miroir pour se rendre à l'évidence de l'horreur qui lui avait été faite. Il avait perdu son droit d'être humain.
Des mois étaient passés, sans que le monde ne s'arrête de tourner pour autant. Des mois sans qu'il ne puisse donner le moindre signe de vie. Si Chroma avait décidé de l'hybrider en guise de punition, alors il devait en être de même pour Yuwol. Elle devait se trouver quelque part, dans une chambre voisine. Comment sa famille avait-elle réagi à son long silence ? Et son travail ? Ses factures ?
« Tu es désormais la propriété de Chroma. En tant qu'hybride, tu vas rejoindre une formation pour devenir agent de la Brigade de Traque des Déviants. Ce groupe appartenant à Humanis, un brigadier te sera affilié à la fin de cette dernière. »
Le sentiment de soudainement devenir un esclave était impossible à imaginer à moins de l'avoir vécu. En quelques mois, il n'était plus personne. Il n'avait plus le moindre papier d'identité, la moindre acquisition matérielle ou d'un minimum de droits. Les coups ou décharges électriques pleuvaient sur tout membre ne voulant pas exécuter les consignes. Lake dû refaire une sorte de service militaire, les mêmes exercices et entrainements physiques, les bons compagnons en moins, les mauvais traitements en plus, mais jamais il ne vit Yuwol à l'un d'entre eux.
La première sortie en dehors du QG fut une vraie torture. Il dû remettre les pieds dans une ville qui ne le respectait plus, désormais affublé d'un collier et d'une puce traçante. BTD ou hybride, les regards sur lui avaient changé. L'hybride cerf avait l'impression de voir tout hors de son corps, corps qu'il ne reconnaissait plus. Lui qui avait été policier, à céder sa place aux forces d'avantage armées d'Humanis, il se retrouvait ici de l'autre côté du plateau, à devoir intervenir de façon musclée auprès d'un pourcentage de la population auquel il appartenait. Triste ironie, que d'être en plus de cela le membre qui se fait cravacher par les supérieurs, mais grogner dessus par ses collègues bêtes et disciplinés. Il ne pourrait jamais continuer ainsi durant des années, à obéir à des humains dont il faisait autrefois parti, réduit à un moins que rien parce que quelques hommes avaient décidé pour lui de l'affliger d'énormes bois. Il ne pouvait pas se résoudre à loger des balles dans des tempes uniquement parce que quelqu'un lui en donnerait l'ordre, Lake ne pouvait admettre que New York était une ville en guerre, et encore moins qu'il ferait parti des soldats actifs.
L'ultime coup de grâce se fit peu de temps après la fin de sa période de test.
On l'avait jugé bon élément obéissant, quand bien même il fallait le pousser avec des menaces pour obtenir des résultats. Dans tous les cas, il échappait à la caste "bon pour la poubelle". Lake tentait de tenir le coup, persuadé qu'il pourrait être d'avantage libre s'il se montrait être le parfait troufion dans un premier temps. Son unité était composée de prédateur pour la plupart, qui aimait lui faire croire qu'il finirait au menu de la cantine, quand ils ne lui accrochaient pas des boules de Noël sur ses bois plutôt handicapants. À aucun moment le jeune homme s'était laissé bercé par l'idée d'avoir un maître, propriétaire, capable de lui rendre l'existence plus douce. Quand à la fuite, il se ferait bien vite retrouvé avec un traceur dans sa chaire...
Lake revit finalement Yuwol, dans un simple couloir, au loin. Mais elle n'arborait aucune queue, fourrure ou griffe. Par contre, son uniforme était reconnaissable entre mille, et l'hybride comprenait, enfin. Il aurait dû se réjouir qu'elle ait échappé au sort que lui, avait enduré. Pourtant, une peine incommensurable prenait possession de son palpitant, préférant alors se dérober au regard de qui que ce soit. Cela faisait atrocement mal, étant à des années lumières d'imaginer qu'il aurait pu se faire trahir ainsi. Il ne souhaitait pas être vu ainsi par quelqu'un qu'il avait pu fréquenter. Eux deux qui étaient pourtant si semblables, ne pouvaient pas être plus opposés désormais.
V.L'occasion s'était présentée sans qu'il ne l'ait programmé lui-même. Après ces derniers mois, le karma décidait finalement de redonner un peu de chance à Lake.
On lui avait appris qu'il serait l'hybride attitré à Yuwol Kim, et il doutait qu'Humanis puisse avoir en son sein, deux brigadières portant ce même nom. Il avait perdu espoir et croisait les doigts pour se prendre un coup fatal au cours d'une mission, le graciant ainsi d'une situation qu'il ne pourrait pas supporter par crainte de ce qu'il y apprendrait. Et alors qu'il était emmené à l'arrière d'un fourgon pour une simple patrouille, il y eut un accident et le véhicule fit plusieurs tonneaux avant de s'immobiliser. Au lourd son d'un "crac", il pensait que sa nuque avait cédé, réalisant finalement que sa ramure s'était vu allégée de moitié. L'agent eut la force de sortir de ce cercueil, cerf s'extirpant des chiens pour rejoindre la lumière. C'est le pas mal assuré qu'il parvenait à se tenir debout face à un groupe rebelle, se contentant de simplement mettre les mains en évidence.
Il aurait probablement dû être abattu à cet endroit, sur le béton qui n'était pas le sien, par des êtres auxquels il était allergique il y a à peine plus d'un an, dans un vaisseau de chaire taillé pour les blagues sur Noël. Il aurait pu bien plus mal tombé aussi. Les déviants avaient été diabolisé durant de sa formation, et lors des quelques missions, ce n'était pas comme si on les invitait à prendre la parole pour défendre leur point de vue. Lake avait décidé de garder son identité secrète, et donc son nouveau nom donné par la BTD, ne comptant pas clamer haut et fort qu'il était autrefois humain auprès d'un groupe qui lui accordait la vie sauve, uniquement en raison de la couronne de bois qu'il portait. À aucun moment, il ne décidait d'être dans la provocation et d'envisager un plan d'évasion, tout comme il ne comptait pas communiquer des informations pour alimenter ce conflit qu'il jugeait sans intérêt, maintenant qu'il se trouvait en son cœur.
À sa grande surprise, on lui fichait la paix, n'ayant pas droit à une séance de torture ou à un retour à l'envoyeur façon mission kamikaze. Il était juste là, d'abord attaché, puis à traîner la patte dans le Bronx tout en étant surveillé, à ruminer son passé et à redouter son futur. Par sa passivité et sa patience à observer les nuages passants, on finissait par le considérer comme un rôdeur, un hybride sans maître et donc sans cause. Ce fut une énorme période de doute pour lui, où il hésitait longuement à revenir vers Yuwol et à se faire adopter pour espérer être un peu plus qu'un futur SDF. Mais la facilité ne l'emportait finalement pas sur son égo.
Lake avait constaté des allés et venus, dans des rues sans intérêt, ou des hangars vides, où les hybrides passaient énormément de temps. Même le plus crétin de la ville aurait compris qu'il y avait là-dedans des passages, susceptibles de servir d'espace de stockage ou de portes de sortie d'urgence, la preuve étant qu'ils n'en ressortaient pas toujours. Le cervidé se refusait à aller jeter le moindre coup d’œil, jusqu'au jour où il remarquait une patrouille qu'il connaissait bien, pour avoir un jour porter le même uniforme.
Peut-être n'aurait-il pas dû s'en mêler. Mais depuis peu, Lake lui-même se trouvait plus actif envers des situations où il se faisait pourtant la promesse de ne pas mettre son grain de sel. Et en moins de deux, voilà qu'il se retrouvait dans un sous-terrain, face à trois duos de la BTD, qui priorisèrent le fait de lui faire la peau. Le noiraud apprenait la vraie définition de la chasse à courre, se faisant poursuivre dans un dédale sombre qu'il mémorisait lors de sa fuite, tout en évitant les balles dans d'étroits couloirs. Après une heure à fatiguer ses poursuivants, ces derniers se laissèrent bêtement conduire dans une cave sans issue, où Lake n'eut qu'à les enfermer, les laissant dans le noir complet tandis qu'il remontait à la surface.
En bon hybride qu'il était, le cerf dû immédiatement tenir informer ses "geôliers" à propos cette histoire qui avait failli lui coûter la vie. Mais lorsqu'ils revinrent vers lui après avoir fouiller les tunnels, ils lui apprirent que cette fameuse équipe avait été retrouvé morte, les yeux grand ouverts. Aucune tâche de sang, aucune trace d'altercation et pas même la présence d'un possible gaz. Un mystère s'était formé autour de cette sinistre découverte. Lake ne su expliquer la raison, promettant d'avoir uniquement pris au piège ses poursuivants, et on le cru, du moins c'est ce qu'on lui fit comprendre. Et si même maintenant, il ignorait toujours ce qu'il était advenu des dépouilles, on prenait rapidement l'initiative de le faire passer sur billard pour lui retirer et détruire définitivement sa puce.
Une fois débarrassé de son traceur, le cerf fut d'avantage accepté au sein de cette nouvelle faction. Ayant été impressionné par sa facilité à se repérer malgré l'obscurité, ou à avoir réussi par on-ne-sait quel moyen à tuer ses ex-collègues, on lui proposait d'être un membre actif de la cause. Lake fut donc placé sous la responsabilité d'un cartographe hybride, qui ne le lâchait pas de la journée et le fouillait régulièrement. Ce dernier était en charge de lui montrer toutes les planques et passages traversant New York qui pourraient être utiles, dans l'urgence ou non. La différence était qu'il avait besoin de se représenter le réseau via des plans, quand Lake avait un don pour se les figurer et les mémoriser dans sa tête, rendant la chose beaucoup plus sécurisée en un sens.
Au fil des semaines, il se faisait à son nouveau mode de vie, finissant par partir seul des journées entières pour étendre le réseau et débusquer de possibles nouvelles planques, curieux d'aller partout pour augmenter sa banque de donnée. Sans être mendiant de quoique ce soit, le nouvel hybride se faisait doucement une place de confiance jusqu'à devenir en quelques mois le référent quand il s'agissait de lieux propices à certaines opérations ou conseils pour fuir une situation fâcheuse.
Aujourd'hui, Lake tente de se faire oublier, et pourtant. En soi, il n'est qu'un hybride de la BTD en fuite depuis plusieurs mois, mais comme beaucoup d'autre, il apprend à vivre au sein de New York qui ne veut plus de lui. D'abord pacifiste, il a fini par mettre la main à la pâte pour la cause déviante. D'abord par reconnaissance de l'avoir aider à ses débuts, puis par conviction, s'il veut un jour arrêter de vivre dans la peau du gibier à abattre. Il lui arrive fréquemment de participer à certaines opérations et travaille le reste du temps dans un fast-food où il est multi-tâche.
Il ne souhaite plus participer à la recherche du frère de Yuwol. Il ne cherche pas à joindre sa famille.