On dit que l’amour dure trois ans ; pourtant à tes yeux, il s’agit là du plus beau sentiment que puisse ressentir un être humain. L’amour prend bien des formes, mais à travers des yeux de l’être qui nous est le plus cher, on pourrait refaire le monde et le peindre de mille et une couleurs. C’est ce sentiment tout particulier, que tu chéris comme aucun autre. Mais tristement, sans amour, il n’y aurait pas de haine. Et en chaque humain sommeille sa part d’ombre. Tu n’es pas exempt de ce vice, il y a bien des choses qui te mettent en colère et te font sortir de tes gonds et pourtant, tu t’évertues toujours à garder ton calme autant que possible. Car comme tu aimes le dire ; les autres n’ont pas à payer le prix de tes propres erreurs.

Aimant donc, mais colérique. Passionné, par tant de choses que tu as perdu le compte. Tu ne supportes pas l’inactivité ; tu as besoin d’action, d’adrénaline, d’imprévus ! Tu aimes bouger, courir, autant que rester sur ton canapé à jouer aux jeux vidéo ou à regarder une série. Seul ou accompagné, tu n’es pas du genre solitaire sans pour autant avoir besoin d’être constamment entouré. Comme certains aiment à le dire ; tu aimes être seul, mais tu ne veux pas te sentir seul. Car il y a une différence entre la solitude, et la tranquillité ; tu détestes la première, là où tu chéris précieusement la seconde.

Un peu renfermé, peut-être, pas des années à changer de maison encore et encore. Ta famille t’a élevé comme ça après tout ; chez les militaires, on n’a que très peu d'attaches. Alors les liens se font et se défont à grande vitesse, même quand ça doit faire terriblement mal. Le cœur humain est capable de bien des choses. On peut aimer mille personnes d’un amour totalement différent, et pourtant ne jamais oublier son tout premier amour. Tu en sais quelque chose, n’est-ce pas Eliott ?

Ce manque, tu ne l’as jamais vraiment comblé. Tu as tenté de le retrouver dans les bras d’autres personnes, ou plutôt, de le réinventer. Car il a eu une place particulière dans ta vie, que tu ne laisseras jamais à personne. Lui, ou personne d’autre. Et tristement, tu sembles être un homme de parole, car si tu as connu quelques conquêtes, aucune d’elles n’a réussi à te passer la corde au cou. Jusque-là, tu as continué à parcourir le monde sans jamais te retourner.

Sans joie, la vie ne mérite pas d’être vécue. C’est sans aucun doute pour cette raison qu’il est très rare de ne pas te voir avec un grand sourire sur les lèvres. Tu es du genre à avoir le rire qui porte ; on t’entend de loin, tu n’as aucun mal à rire à gorge déployée et en plus, c’est contagieux. Mais tu aimes voir le bonheur dans les yeux de tes camarades, peut-être parce que comme ça, tu te sens un peu plus vivant. Faire le clown pour amuser la galerie, rendre les autres heureux, t’occuper d’eux… C’est une manière comme une autre de ne pas penser à tes propres problèmes. Car quand on te demande, tout va toujours bien.

Mais dans le fond, toi-même, tu ne sais plus vraiment ce qu’il en est. La guerre laisse des traces, des traumatismes que tu as décidé d’ignorer, mais ce n’est pas pour rien que tu as mis ton uniforme au placard. La guerre, tu ne veux plus en entendre parler. Tu voudrais juste… que tout se calme. Vivre une vie paisible, dans un contexte favorable aux hybrides, pour qu’ils puissent s’épanouir comme vous. Mais, était-ce une bonne idée de revenir à New-York ?

Avez-vous remarqué que lorsqu’on demande à quelqu’un de nous conter son histoire, la seule chose qui nous intéresse réellement est de connaître ses malheurs ? Car l’humain ne sait faire que ça ; se battre, encore et encore, pour des miettes de bonheur qu’on pourrait lui retirer sans avertissement. Triste constat pourtant réaliste pour bien des personnes. Le malheur de certains fait le bonheur des autres. Après tout, il est toujours plaisant de se dire qu’il y a pire que soit. C’est dans le drame que les humains se révèlent le plus ; face à l’adversité, on finit toujours par dévoiler ce petit point noir qu’on aurait voulu cacher aux yeux du monde.

Pour ta part, ton enfance a été classique. Si tant est qu’on peut parler de classicisme lorsque, en tant que fils de militaire, tu as parcouru bien plus de pays que tous tes camarades d’école réunis. Habitué à changer de maison tous les deux ans environ, tes parents t’ont tristement appris à ne pas nouer de liens trop fort, pour éviter de souffrir. Eux aussi, changeaient souvent de base, mais eux… Ils étaient ensemble. Toi, tu étais fils unique et à chaque fois que tu t’attachais… tu devais partir.
Cette partie de ton enfance a été très compliquée à gérer. Les séparations sont toujours on ne peut plus dramatiques lorsqu’on a moins d’une dizaine d’années ; tout est prétexte aux larmes et aux cris pour exprimer son mécontentement autant que son incompréhension.

L’adolescence a été un peu plus compliquée, disons. Cette fois, lorsqu’il fallait partir, tu n’hésitais pas à montrer ton mécontentement en levant la voix ou en claquant des portes. Tu n’étais plus un enfant, et les séparations faisaient de plus en plus mal. Rendu à l’âge où les sentiments sont à fleur de peau, où tout est exacerbé… Rien ne fut simple à tes yeux. Rien du tout. Tu as crié, plus d’une fois, mais ce n’est pas pour autant que tu as été entendu ; le travail de tes parents primait sur le reste quoi qu’il arrive. Ce sont eux qui font vivre le foyer… Alors tu n’avais rien d’autre à faire que suivre, voilà tout.

La famille du côté de ton père vivait en Corée, celle de ta mère du côté des USA. Alors, lorsque tu étais en vacances, on te trimballait à gauche et à droite, encore et encore. Un coup d’un côté, un coup de l’autre… Et tu te souviens de tous ces copains qui trouvaient ça tellement génial de voyager autour du globe comme tu le faisais ! Parce que d’un point de vue extérieur tu avais la vie rêvée alors qu’en réalité… Tu étais rongé par la solitude.

C’est pour tes quinze ans, que tes parents se sont posés, pour discuter avec toi. Ils se faisaient du souci, parce que tu te renfermais de plus en plus. Mais la réalité était telle que tu en avais simplement assez, de ne pas pouvoir créer de véritables liens ; on dit toujours qu’on peut garder contact mais finalement, les gens finissent tous par disparaître un jour.
Alors ils t’ont proposé un marché ; tu peux aller vivre chez ta grand-mère en Corée, pour toute la durée de ta scolarité au lycée, mais rejoindrais les rangs une fois diplômé. Trois ans c’est peut-être court… Mais trois ans sans avoir à bouger, pour toi, c’était terriblement long. Et surtout, une véritable nouveauté.
Comment dire que tu ne t’es pas fait prier ; tu as emballé toutes tes affaires, embrassé tes parents et es grimpé dans l’avion direction la Corée !

Une nouvelle vie, une nouvelle école. Tu n’étais pas effrayé pour si peu en réalité, tu avais l’habitude. Et c’est avec aisance que tu t’es rapidement intégré dans ta nouvelle école, et que tu t’es fait cette super bande de potes et… Et tu es tombé amoureux. Si vite, si fort que tu as eu l’impression de te faire percuter par un bus.
Il avait un an de moins, mais aussi peu d’expérience que toi. Le premier, l’un pour l’autre. Vous avez dû apprendre ensemble, en cachette au début car vous aviez un peu peur du regard des autres, peut-être. Il a été le premier à en parler à sa famille là où toi, tu traînais un peu des pieds par peur du rejet de ta grand-mère… Qui t’a bien mis une grande claque derrière la tête, mais pour avoir cru qu’elle allait t’en vouloir pour une raison aussi stupide.


Ces quelques mots qu’elle a prononcés, en te couvant d’un regard aimant, t’ont permis d’avancer et de voir la vie sous un nouvel angle. Tu n’avais pas à te sentir coupable, et tu avais le droit d’aimer qui tu voulais, comme tu voulais.

Lui en avoir parlé a changé ta vie, réellement. Il n’était plus question de se cacher et de s’aimer en secret, tu voulais que le monde entier sache à quel point tu l’aimais, à quel point il comptait pour toi. Alors autant que possible, tu étais sur son dos, ou il était dans tes bras. Tu avais besoin de sa présence pour pouvoir respirer, pour te sentir enfin complet. Tu avais besoin… De sentir son cœur battre au rythme du tiens. De sentir son souffle contre ta peau. Ses mains autour des tiennes, pour te tenir chaud. Tu avais besoin de lui, tout simplement.

Pourquoi rien ne dure jamais ? Le lycée a touché à sa fin, et il était temps pour toi de partir. Les adieux, tu ne sais pas les faire, tu n’as jamais réussi. On pourrait croire que trois ans d’amour auraient changé la donne… Mais tu as pris la fuite. Lorsque tes parents t’ont rappelé, qu’ils t’ont demandé de rentrer car tu avais terminé tes études et qu’il était temps pour toi de rejoindre les rangs… tu as abdiqué. Stupide, n’est-ce pas ? Tu aurais dû leur en parler, leur dire la vérité. Même ta grand-mère n’a pas compris ta décision, mais la vérité n’était autre que tu n’avais pas d’autres buts dans la vie que suivre la voie que tes parents avaient préparé pour toi, et que l’amour ne paye pas les factures. Tu es tellement crétin…
Tu as souffert, et c’était totalement mérité. Cette douleur t’a maintenue debout, longtemps. Tu t’es puni, beaucoup, t’empêchant d’être heureux car tu jugeais ne pas l’avoir mérité. Personne ne fait ce que tu as fait, sombre andouille, alors tu fais bien de te punir comme tu le fais.

Sans surprise, tu étais doué dans ce que tu faisais ; tu as trouvé tes marques sans difficultés dans la Navy, tu t’es fait d’autres amis, et tu as grandi, un peu plus encore. Les responsabilités n’ont pas tardé à arriver, avec des missions de plus grandes envergures. Tu as repris tes voyages autour du monde, comme si ta vie n’était désormais plus sur pause. Mais cette fois, tu allais de zone de guerre à périodes de trêve bien trop courte. Et les années à subir ce rythme ont fini par t’user à la longue. Dix ans, c’est tout ce que tu auras fait avant de tout stopper après une énième mission trop dure à supporter. Tu ne voulais plus enlever de vie, à personne. Tu ne supportais plus les conflits, ni même le simple fait de devoir te battre pour des gens qui n’ont même pas conscience de votre simple existence. Les tout-puissants sont dans leurs bureaux pendant que vous essuyez les balles et autres conflits. Tu ne voulais plus de cette vie, terminé.

Lorsque tu en as parlé à tes parents, ils ont compris, sans surprise d’ailleurs. Finalement, leur petit n’était pas fait pour cette vie, et ils ne t’en ont pas réellement tenu rigueur. Tu as décidé de rentrer du côté de New-York, dans ta famille maternelle, pour construire ta nouvelle vie. Et tu y as trouvé un véritable cocon auprès de cette autre grand-mère que tu n’avais pas vu depuis tant d’années.
Cette dernière était férocement engagée dans la protection des hybrides et embrassait la cause d’Unity, dont tu n’avais que vaguement entendu parler. Ah, mais tu es facile à convaincre toi… Sa conviction et sa soif d’enseigner a eu raison de toi, et ensemble, vous avez décidé de monter un refuge pour ces êtres malmenés. Tu as rejoint les rangs, mais cette fois-ci pour une cause qui te parle réellement. Et s’il est encore question de guerre… Cette fois tu ne blesseras plus, mais tu protègeras.