- Attention mentions de sujets sensibles /!\:
Meurtre/esclavagisme/souffrances psychologiques/drogues... mais surtout beaucoup d'espoir, d'optimisme et d'amour.
- Résumé de la longue histoire d'une courte vie:
2043 | Naissance de parents hybridés au sein d'un trafic illégal des triades. Ses géniteurs sont punis et elle est confiée à une nurserie clandestine. Elle ne reçois pas de puçage, destinée au marché noir.
2046 | 3 ans- Début de son dressage et de son endoctrinement dans l'arrière boutique d'une animalerie tenue par la mafia italienne.
2050 | 7 ans- Achetée par un riche mafieux (Don Manuele Mancini) et offerte en cadeau à sa femme (Signora Sabrinella Mancini), mentalement souffrante qui l'a prends pour sa fille.
2051 | 8 ans- Première rencontre avec son tuteur, le dernier enfant de la famille (Signore Luca Mancini). Le première personne à qui elle accorde sa confiance et voue une vraie admiration.
2053 | 10 ans- Son premier cadeau, offert par son tuteur. Un couteau noir gravé de ses initiales qui l'aide à traverser les moments difficiles.
2057 | 14 ans- Elle est blâmée pour la mort d'une domestique, causée par sa maîtresse devenue folle. Signore Luca la prends sous son aile au lieu de se débarrasser d'elle. Elle reçoit un nouveau prénom, Fiore.
2058 | 15 ans- Début de son entrainement à l'assassinat et au vol par son nouveau maître. Premiers larcins à succès.
2061 | 18 ans- Voleuse experte qui se vois confiée des missions toujours plus risquées dans une atmosphère tendue sur fond de révolution des hybrides.
2062 | 19 ans- Capturée alors qu'elle volait sans le savoir la famille Mancini. Elle tue son maître (et sa partenaire) quand il la désavoue.
2063 | 20 ans- Fugitive recherchée par les mafieux depuis 6 mois.
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"Cosetta" (Italien, féminin):
petite chose sans importance, négligeable.D'aussi loin que tu te souviennes, tu as toujours été désignée par ce mot. Minuscule autant par ta taille que ta présence, tu es née dans l'indifférence la plus cruelle au même titre que d'autres hybrides malchanceux. Dans les tréfonds du marché noir, enfanter en secret était synonyme de condamnation. Les impitoyables triades en charge du réseau n'offrirent guère de seconde chance à tes géniteurs hybridés. Tu atterrissais entre les mains d'une nourrice surmenée, quelque part dans un vieux bâtiment de Chinatown. Une nurserie clandestine remplie de nourrissons non-humains dont les chances de survie n'étaient pas garanties.
A peine née et déjà achetée. Toi et d'autres. Acquis par la mafia italienne pour alimenter au mieux les fabriques de drogue, au pire les cabinets vétérinaires. Un investissement sur l'avenir de créatures jetables sans destin et sans puçage, à condition de survivre à cette pouponnière délabrée et poussiéreuse. Quand les hybrides les plus fragiles partaient, toi tu t'entêtais. Petite créature tenace qui n'avait guère envie de se faner prématurément. Juste assez pour prétendre à ce centre de dressage clandestin, arrière boutique d'une animalerie italienne douteuse. Là où tu vivras la majorité de ta petite enfance.
Tu as toujours été une solitaire. Silencieuse, discrète, mais jamais isolée. Déjà à l'époque, tu n'avais guère de présence. Sans figure paternelle ou maternelle véritable, il t'était plus simple de te réfugier dans ton petit univers là où d'autres souffraient de ce manque d'affection constant. Le tumulte de cette jeunesse donnait toutes les raisons aux dresseurs de sévir et toi de regarder. Observatrice indifférente bien que tu partageais le même enfer que tes congénères. Tu avais compris qu'il était plus simple d'obéir que d'aller à l'encontre de l'autorité bien que cela rendait tes geôliers perplexes.
« Pourquoi t'essayes pas de t'échapper comme les autres, idiote? »« Parce qu'il est interdit de s'enfuir. »Tu étais en avance sur ton âge bien que tu étais considérée comme une simplette. Sans intelligence, sans personnalité, sans importance, insignifiante.
« Cosetta » devint autant une désignation qu'un adjectif dénigrant. La petite chose qui ne faisait pas parler d'elle et qui était sage. Ta passivité naïve attirait la compassion de tes dresseurs, c'est ce que tu aimais te dire. Ton endoctrinement se poursuivit quelques années durant jusqu'à ce petit matin où tu fus extirpée de ta cage pour être présentée à un homme de forte corpulence. C'était ta première rencontre avec Don Manuele Mancini. Un cinquantenaire affublé d'une moustache blanche au regard glacial. Un simple échange monétaire et ton futur d'ouvrière clandestine n'était plus.
« Vous pouvez envoyer les autres à la fabbrica quand ils seront prêts. »Tu laissais dans cette vieille cage tes 7 premières années pour découvrir un tout nouvel univers. Au revoir animalerie sale, dressage à base de privations et d'endoctrinement. Tes lendemains prendraient désormais place dans un grand
palazzo luxueux de Little Italy, dans des couettes chaudes et des vêtements sentant la lavande. Tu fus accueillie par une Dame en pleurs qui remerciait Dieu de t'avoir ramenée à elle, retrouvant son unique fille partie trop tôt. Tel était désormais le rôle que le destin t'adressait, te promettant des jours heureux où tu serais couverte d'un amour jusqu'alors inconnu.
Tu as eu du mal à t'acclimater à cette nouvelle vie. Apprendre à bien te tenir, à être présentable en toutes circonstances, à tenir des couverts correctement. Au sein de la famille Mancini, tu n'avais pas un moment à toi, il te fallait devenir une fille de bonne famille très vite. Quand tu n'étais pas en train de rattraper ton retard éducatif dans la bibliothèque avec ton tuteur, tu étais entre les mains habiles de la maîtresse de maison, pouponnée, choyée, écoutant en boucle les mêmes histoires de ta turbulente enfance. Tu te sentais presque coupable de recevoir autant à la place d'une autre. Presque. Les autres étaient en cage, toi dans un lit douillet. Dans des draps brodés en satin de coton, confortables et parfumés. Tu avais juste à fermer les yeux pour avoir l'impression d'être dans un doux jardin de fleurs.
"Le bonheur forcé est un cauchemar", tu as lu dans un livre.
La réalité te rattrapait au fil des mois tel un lent poison. Dans cette immense demeure trop luxueuse, dans cette riche famille aux activités douteuses, tu n'as jamais été considérée comme une enfant adoptée. Non, ton rôle se résumait à servir de poupée à Signora Sabrinella, la matriarche de maison. Une cinquantenaire élancée dont la beauté n'avait rien à envier à la folie. Ses sautes d'humeurs imprévisibles faisaient d'elle un monstre, une sorcière au visage défigurée qui était capable de casser tout ce qui lui passait sous la main, de déchirer les rideaux à coups de ciseaux ou de briser les porcelaines contre les murs avec rage. Tout cela pour s'excuser quelques minutes après, et redevenir cette mère chaleureuse et attentionnée que tu n'as jamais eu.
Chaque jour qui passait la rendait toujours plus terrifiante, te donnant un prétexte pour jouer à cache-cache dans cette immense demeure. Une nécessité pour éviter le courroux d'une sorcière que tu retrouverais inévitablement en pleurs entre deux meubles brisés. Don Manuele fermait les yeux sur le mal-être de sa femme, se contentant de lui offrir médicaments ou drogues pour
"retarder l'inévitable". Quant à toi, tu étais sèchement rejetée, toisée par ce regard glacial qui n'exprimait jamais d'émotions.
"Contente de jouer ton rôle" ou encore
"essaye de ne pas finir comme la précédente". Autrement dit, tu n'étais pas la première à être façonnée sur mesure pour incarner ce rôle. Une poupée achetée pour les besoins d'une mascarade, sans avenir ni destin.
« Même les humains ont besoin de s'accrocher à quelque chose pour survivre »Dans la paume de ta main, un couteau. Noir, avec des initiales gravées.
"Tu n'as qu'à dire que tu me l'as volé", disait-il de son air hautain. L'unique fils de la famille et ton tuteur, Signore Luca, venait de t'offrir une arme. Pendant des heures, des jours, tu as cherché le sens véritable de ce cadeau. Signore Luca ne vivait pas dans la résidence mais venait pratiquement chaque jour pour parfaire ton éducation.
Un air froid mais une attitude bienveillante. Tu lui vouais une grande admiration. Intelligent, cultivé, charismatique, plaisant à regarder. Le trentenaire était un peu ce prince charmant qui te sauvait des griffes de la sorcière. Qu'il soit un mafieux ou un criminel t'importait peu, aussi, tu chérissais plus que tout au monde ce cadeau qu'il t'avait fait, cette petite lame sombre au destin funeste. Le simple fait de la tenir dans tes mains te réconfortait, te donnait la force d'endurer une énième partie de cache-cache avec la folle aux ciseaux. Tes phobies, tes peurs, tes doutes et tes craintes. Tout s'évanouissait quand tu pensais à lui.
L'indifférence familiale finissait par rencontrer ses limites durant ta quatorzième année, lorsqu'une domestique fut poignardée à mort par Dame Sabrinella. Tout le monde savait que cela finirait par arriver, tout le monde espérait juste que ce soit toi. Don Manuele était fou de rage, obligé de dépenser de grandes sommes d'argent pour étouffer cette affaire embarrassante.
"Cela aurait dû être cette fichue hybride!" hurlait-il encore et encore. Ta maîtresse fut confinée dans sa chambre comme si on cherchait à dissimuler au monde un secret gênant. Ton rôle touchait à sa fin.
« Vous pouvez la considérer comme morte, Padre. »A la façon d'une poupée usée que l'on jetait à la poubelle, tu n'étais plus. Condamnée à disparaître par le père tandis que le fils mènerait à bien la sentence. Tu quittais le
palazzo familial pour la première et la dernière fois, découvrant l'inconnu de cette ville ténébreuse que l'on nommait New-York. Tu ne savais guère si tu devais être résignée, révoltée ou soulagée. Cet enfer au goût de paradis que tu laissais derrière toi avait nourrit aussi bien tes cauchemars que tes rêves. Tout ce qui comptait à tes yeux désormais, c'était cette main masculine qui tenait la tienne dans ce froid nocturne.
« Fiore. Ton nouveau prénom. »Un petit appartement de Little Italy dont tu ne sortais jamais sauf la nuit. Telle serait ta demeure pour les années à venir. Tu tâtais du bout des doigts le bonheur en compagnie de Signore Luca, ton sauveur, la seule et unique personne de valeur à tes yeux. Un homme énigmatique que tu ne comprenais pas toujours. Corps et âme, tu as tout fait pour le satisfaire, que ce soit dans les tâches communes ou dans tes obligations. Tuteur un jour, tuteur toujours, bien que ton éducation de bonne famille était révolue.
« Corrige ta position. Tu n'y arriveras pas si tu lances avec un angle. Recommence. »Toutes les façons de se servir d'un couteau. Les méthodes pour crocheter des serrures et entrer sans y être invitée. Tout ce qui avait un lien de près ou de loin à l'assassinat ou au vol, tu devais l'apprendre. Ton professeur était dur et les premières années te semblèrent bien longues. Tu n'avais pas le physique d'une tueuse mais tu pouvais définitivement devenir la parfaite petite voleuse. Ton agilité et ta petite stature te permettait de te faufiler partout. Pour le reste, c'était comme une partie de cache-cache où il ne fallait pas se faire attraper. Un peu comme avec ton ancienne maîtresse, en somme.
La nuit devint ton véritable royaume. Tu ne comptais plus les soirées passées en compagnie de Signore Luca à arpenter les ruelles secondaires de Little Italy et de Chinatown, mémorisant chaque raccourci, chaque recoin où se faufiler. Tu es vite passée de la théorie à la pratique, tu voulais répondre aux attentes de ton maître en dépit des innombrables risques, en dépit de tes peurs et de tes craintes. L'admiration aveugle que tu lui vouais te poussait à agir bien au delà du raisonnable. Tes cibles? Des malfrats, très souvent. Mais aussi des mauvais payeurs, des rivaux, et tout ceux qui avaient des comptes à rendre à la famille Mancini. La moralité de ce que tu faisais importait peu. Seul comptait la joie d'être utile à Signore Luca. Un outil si utile et si précieux que tu serais éternellement sien, plus jamais jetée comme tu ne l'as été auparavant.
Tu étais devenue une voleuse à succès au fil des années mais pour combien de temps? Le monde devenait de plus en plus dangereux, New-York était en train de s'embraser. Les violences dans le bronx, la rébellion des hybrides, cette rumeur concernant la 'maladie'. La dangerosité grandissante de tes missions ne te donnait pas le droit à l'erreur. Tu savais qu'il suffisait d'une fois pour que ton monde ne s'effondre, mais tu ne t'es pas arrêtée pour autant. Cette obstination obsessionnelle ne pouvait que garantir ta chute.
Tout s'était joué en une fraction de seconde. Couteau à la main, tu avais hésité. Immobilisée par un esclave de maison, capturée par de sombres individus aux visages familiers. Tu ignorais totalement que tu avais passé ces dernières années à voler la mafia italienne. Sur un moment d’inattention tu étais parvenue à t'échapper mais le mal était fait. Tous les regards étaient sans doute tournés vers ton maître, que tu rejoignais après une courte cavale. Tu étais soulagée de voir qu'il allait bien et qu'il faisait ses valises. Fuir ensemble était ce qu'il restait de mieux à faire!
Sauf que tu n'étais pas invitée. La dame blonde à ses côtés l'était. Toi, ton rôle était de te rendre chez Don Manuele pour plaider en la faveur de ton maître. Tu n'avais qu'à avouer avoir commis ces vols pour te venger des Mancini et en endosser toute la responsabilité.
"Tu es la cause de cette situation", disait-il. Il ne tenait qu'à toi de sauver la vie de ton maître et prouver ta loyauté, à condition de surmonter ton état de choc.
Trahison et désillusion. Tu sentais ton cœur se briser en mille morceaux, tu découvrais une émotion jusqu'alors jamais ressentie. La haine. L'envie de te venger, de commettre l'irréparable.
Tu étais finalement devenue une meurtrière, mais à quel prix? Debout au milieu de tes rêves ruinés, tes phalanges rouges tenant ce téléphone portable à la voix brisée.
"Ti ucciderò con le mie mani.", disait-il, te promettant la mort. Tu ne comprenais pas, tu pensais pourtant qu'il serait satisfait que son fils ne soit plus. Il s'était fait traitre, avait volé les siens, s'était enrichi sur le dos de sa propre famille. Sans autre option à ta portée, tu as fini par t'évanouir dans l'obscurité étouffante de la ville tel un fantôme, sac sur l'épaule. La mafia italienne, les triades, les yakuzas. Tu es parvenue à leur échapper ces six derniers mois, naviguant de squats en résidences inoccupées, telle une parfaite fugitive. Tu es très douée à cache-cache, après tout.
Ton espoir ne s'est jamais éteint. Tu ne désespère pas de trouver un nouveau propriétaire. Toi qui as été façonnée avec soin par les humains, tu as juste besoin de la bonne personne. Un homme, de préférence. Les femmes sont terrifiantes, mais tu as l'habitude d'avoir peur. Au pire, tu en changeras. Tu l'as déjà fait.
Il faut savoir souffrir pour être heureuse.