Doux - Possessif - Attentionné - Maladroit - Joueur - Angoissé - Tête en l'air - Jaloux.
Il y aurait tellement d'adjectifs pour qualifier Minji que le résumer en quelques mots est difficile. Peut-être est-ce à cause de son hybridation, peut-être est-ce simplement dans sa nature, mais c'est un être d'une douceur extrême, attentionné et à l'écoute de son entourage. Il fera toujours tout son possible pour aider les gens qu'il aime et ne supporte pas de les voir malheureux. Il a même tendance à s'oublier, à se mettre un peu en retrait pour être sûr que les gens vont bien. Leur bonheur importe bien plus que le sien. C'est faux, mais il voit les choses ainsi.
Par contre, vous n'avez sans aucun doute jamais vu quelqu'un d'aussi maladroit que lui. Il casse absolument tout ce qui lui tombe sur la main, a tendance à tomber sans obstacle sur sa route et se blesse à retour de bras. Ce qui devrait lui servir de leçon n'est absolument pas le cas, car il a tendance à... n'en faire qu'à sa tête. Même s'il sait qu'il ne faut pas toucher à telle ou telle chose, sa curiosité le poussera toujours à y aller malgré tout et à... pleurer... une fois que l'objet sera brisé à ses pieds. Saorsa en a fait les frais plusieurs fois. Autant qu'Ae à chaque fois qu'elle a ramassé Minji tombé sans raison apparente.
Son hybridation lui a donné plusieurs points qui peuvent être surprenants : il dort peu la nuit, mais vous avez de grandes chances de le trouver roulé en boule dans un petit coin la journée pour faire la sieste. Ses griffes poussent plus rapidement que les humains, il doit donc souvent se limer les ongles pour éviter de blesser les autres, et lui par la même occasion. Il feule quand il est énervé ou qu'il veut qu'on lui fiche la paix. Il est extrêmement joueur, et a tendance à vite être stimulé bien malgré lui, ce qui lui donne souvent le tournis. Autant le dire, il traverse parfois l'appartement en courant en pleine nuit, pris par un soudain besoin de jouer. Il y en a un qui doit taper de sacrées nuits blanches avec deux chats à la maison. Il déteste être seul, aussi. Parfois, il se glisse dans le lit de l'un de ses colocataires pour éviter les nuits cauchemardesques.
Minji est d'un naturel très anxieux. Il est stressé constamment, même s'il tente de le cacher. Il n'y a que face à son entourage qu'il se montre sous son vrai jour, et peu de gens sont capables de le maîtriser dans ces moments.
Lorsqu'il s'attache beaucoup à quelqu'un, il peut se montrer très possessif et jaloux. Il déteste qu'on touche à ce qui lui appartient, en quelque sorte. Oui, les gens qu'il aime en font partie.
Depuis la mort de sa mère, il a peur de la pluie. C'est un point peut-être étrange, mais son cerveau a relié la pluie à cet évènement. Vous avez donc très peu de chance de le voir sortir lorsqu'il pleut, préférant rester en boule avec de la musique dans les oreilles pour oublier.
À regarder d’un point de vue extérieur, il ne sait plus quand sa vie a basculé. À quel moment les choses ont commencé à déraper ? Pourquoi et comment s’est-il retrouvé dans une telle situation ? Il ne sait plus. Finalement, sa vie n’a jamais rien eu de simple. Pourtant, on lui avait promis que les choses se passeraient bien, c’est ce qu’on répétait toujours chez Chroma.
Chroma. Aujourd’hui encore, sa gorge se noue ne serait-ce qu’en pensant à cette firme. De son enfance, il ne se souvient plus grand-chose. Né en cuve, commandé par un couple riche pour une raison obscure qu’il ne connaîtra jamais. On ne lui avait jamais trop parlé de tout ça car il était trop jeune. Avec du recul, il se dit que ça n’aurait sans aucun doute rien changé.
Éduqué, car il n’est pas bon d’être inculte pour s’insérer dans une société, qu’importe la place que vous tentez de vous faire, les enfants suivaient des cours pour ne pas ressembler à de bêtes animaux à la sortie. De cette époque, il se souvient surtout de la monotonie de ses journées. De ce temps passé à regarder par la fenêtre en se demandant quand viendrait-on le sortir de là. Certains enfants se plaisaient plus que d’autres, mais ce n’était de toute manière pas ce qu’on leur demandait. Certains scientifiques étaient plus doux que les autres, mais même lorsqu'il s’agissait de test ou d’expérience, on ne leur demandait pas non plus leur avis.
Parfois, on les emmenait d’un centre à un autre pour différents examens. Toujours dans les mêmes fourgons, on faisait monter les enfants en leur disant que s’ils se comportaient bien, ils auraient une récompense. Lui était de ces enfants sages qu’on n’entend pas, discret et en retrait. Toujours monté en dernier dans le van pour ne pas déranger les autres.
Un jour, il y a eu un problème. Pourtant, ils ont pris le même chemin que d’habitude. Mais il y a eu des bruits de coups de feu, et on les a violemment sortis du fourgon. Tous embarqués dans des voitures au hasard à la hâte avant qu’elles ne démarrent en trombe. L’attaque s’était faite à une vitesse folle. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, tous les enfants avaient été enlevés. C’est ce qu’il se murmurait, mais on préférait dire qu’on les avait libérés.
Lui n’était pas bien sûr de ce qu’il se passait en réalité. Il n’avait même pas dix ans, et se retrouvait dans un endroit qu’il ne connaissait pas, avec des gens qu’il n’avait jamais vus. Le petit chat qu’il était aurait bien creusé un trou pour disparaître.
Les enfants furent conduits dans des endroits différents. Certains étaient fortement désappointés au vu des cris qu’ils poussaient, lui ne faisait pas le moindre bruit. On le mit face à une femme pas bien grande qui pourtant fit l’effort de se mettre à genoux face à lui pour atténuer son inquiétude. Elle lui prit les mains en douceur, et lui promit de bien s’occuper de lui désormais. Elle n’a pas menti, d’ailleurs aucun des enfants n’a souffert de cette attaque. Le terme délivrance était une réalité presque totale finalement.
Il a dû apprendre à voyager léger. Contrairement à sa vie chez Chroma, il était constamment obligé de se déplacer. Malgré tout, sa mère s'occupait de son éducation en lui faisant l'école à la maison. S’il ne comprenait pas bien pourquoi lorsqu’il était encore enfant, c’est en grandissant qu’il comprit que sa puce était et resterait un problème pendant un bon moment. Grâce à ça, Chroma tentait encore et toujours de récupérer ce qu’on leur avait pris. Il ne se faisait que peu d’espoir sur ce qu’il pourrait bien se passer si on le retrouvait, et ce qu’il adviendrait de ces parents qu’on avait pu leur offrir.
Le chaton était pourtant bien plus heureux aujourd’hui. Et à chaque déplacement, son estomac se nouait sous l’angoisse. Constamment pendu à la main de sa mère adoptive, caché dans ses jambes par peur de la voir disparaître. Grandir n’est pas fait pour tout le monde.
Mais l’enfant devint rapidement adolescent, puis jeune homme. S’il n’était plus aussi craintif, il restait toujours autant sur ses gardes avec les êtres humains. Entouré d’hybride depuis son enfance, on lui avait finalement appris que ce qu’on lui avait répété chez Chroma était faux, et qu’ils avaient le même droit de vivre que n’importe quel être humain. Qu’il n’était pas normal qu’on veuille leur passer un collier autour du cou. Qu’ils n’étaient ni des jouets, des objets de décoration ou des serviteurs améliorés. Et même s’il a dû bouger tout au long de son enfance, il fut bien plus heureux que ce qu’il aurait pu l’être auprès de ce couple qui l’avait commandé.
Commandé d’ailleurs… n’est-ce pas un terme grossier quand on parle d’un être vivant doté de sentiments ? Qu’est-ce qui n’allait pas dans ce monde pour que les gens ne réalisent pas à quel point c’était inhumain de les traiter comme ça ?
Pourtant il resta sagement à sa place pendant des années. Sa mère était médecin, elle s’occupait d'aider les hybrides lors de ces interventions éclair. Maintenant qu’il était assez âgé, il fut dépucé pour sa propre sécurité. On ne pourrait plus jamais savoir qui il était à l’origine, et pour qui était-il destiné. De toute façon, les années sont passées, on a dû l’oublier quoi qu’il arrive. C’est ce qu’il se disait pour se rassurer, et surtout pour protéger sa nouvelle famille. Tous ces gens qu’on qualifiait comme des déviants étaient devenus son point d’ancrage dans cette vie bien compliquée. Si seulement ils pouvaient tous comprendre qu’ils n’étaient pas des monstres… Il n’y avait bien qu’avec eux qu’il se sentait à sa place, finalement.
Sa mère lui apprit le métier, pour qu’il puisse prendre sa relève le moment venu. Les hybrides auraient toujours besoin de médecins, quoi qu’il arrive. Que ce soit pour les interventions ou les bêtes dépuçages, on l’emmenait à droite et à gauche pour qu’il se fasse la main. C’était un travail qui lui plaisait, mais qui lui demandait une quantité de concentration parfois bien trop intense. Il faut bien se dire que depuis sa plus tendre enfance, Minji était de nature particulièrement maladroite. Auriez-vous envie de vous faire recoudre par quelqu’un qui aurait fait tomber l’aiguille au sol trois fois avant de vous toucher ? Voilà ce qui compliquait sa tâche. Mais il parait que c’est une des tares de son hybridation.
Il venait d’avoir vingt et un an quand sa vie a basculée. Sa mère était partie en intervention, mais pas lui. Il était malade ce jour-là, couché au lit avec de la fièvre. Il avait fêté son anniversaire quelques jours plus tôt et avait pris froid, rien de grave. Un peu de repos, quelques médicaments, sa mère s’était occupée de prendre soin de lui avant de s’absenter. Ce n’était ni la première, ni la dernière fois. Seulement ce soir-là, elle ne rentra pas. Il ne le vit pas tout de suite, non. C’est quand il se leva le lendemain matin qu’il comprit qu’il y avait un souci. Pensant d’abord qu’elle avait dû rentrer tard, il lui prépara le petit-déjeuner, pour lui faire plaisir. Mais quand il alla dans sa chambre toujours plongée dans le noir et qu’il s’approcha du lit pour découvrir ce dernier vide, il se raidit.
Personne. Il n’y avait personne dans ce lit. Il n’y avait personne d’autre que lui dans cet appartement. Sa mère n’était jamais rentrée, il était totalement seul. L’incompréhension et la surprise cédèrent vite du terrain à l’angoisse et la panique. Il attrapa son téléphone pour joindre tous les gens qu’il pouvait, mais ces derniers semblaient s’être donné le mot. Tous, sauf un. Quelqu’un de l’équipe de sa mère finit par décrocher, la voix tremblante. Il n’avait visiblement pas prévu que son fils l’appelle pour lui demander des comptes, pour sûr.
L’intervention avait mal tourné. L’autre lui énonçait les faits comme il lirait un article dans un journal. Minji lui, venait de voir tout son monde s’effondrer. Un peu comme si son cerveau s’était brusquement débranché pour le protéger, le téléphone lui échappa des mains, puis plus rien.
Il pleuvait des cordes ce jour-là. Il n’était même plus sûr de comment il était arrivé jusque chez Saorsa. Ce dernier était ce qui se rapprochait le plus d’un frère pour lui. Alors c’était naturellement qu’il était allé frapper à sa porte en ce jour de pluie pour tenter d’y trouver refuge.
“Ils l’ont exécutée.”
Les mots étaient sortis sur un ton monotone, comme s’il s’était entraîné tout au long de la route à le dire avec le plus de calme possible. Là, sur le pas de la porte de Saorsa, le chat de race était redevenu un pauvre chaton agonisant. Détrempé, tremblant, il venait de perdre le seul vrai repère qu’il avait dans sa vie. Et maintenant quoi, alors ? Comment était-il censé avancer avec tout ça ?
Il a fallu du temps et beaucoup de patience à Saorsa pour le remettre sur pied. Jamais Minji n’est rentré chez lui après ça. Il n’est retourné chercher aucune affaire, rien. Il voyait cet endroit comme un repère empli de souvenirs qu’il n’était plus sûr de pouvoir affronter.
Pourtant un jour, Sao aussi a disparu. Une nouvelle fois, il eut peur d'avoir tout perdu. Les jours se sont transformés en semaines, puis en mois. Cet appartement qui était devenu son refuge se transformait peu à peu sa prison. Il savait qu'il était là, quelque part, mais il n'était plus près de lui. Et le petit chat se renferma sur lui-même, peu à peu. Il ne sortait que si on avait besoin de lui, dormait peu et oubliait de manger. Il avait besoin de retrouver un équilibre qu'on lui avait encore volé, encore oui.
Heureusement, cette période ne dura pas, et l'hybride revint à la maison. La famille était de nouveau réunie, enfin.
Trois ans après la mort de sa mère, il est toujours sur pied. Si à l’époque il avait émis des réserves sur le fait de vouloir ou non faire partie intégrante des déviants, l’assassinat de sa mère l’avait aidé à se décider. Il ne pardonnerait rien à Humanis et soutiendrait toujours sa famille. Œil pour œil, dent pour dent.