La démence a dévoré la raison au fil des années passées dans ce laboratoire lugubre, dérobant chaque lambeau de ta mémoire. Il ne subsiste que la folie humaine, un monstre engendré par d'autres monstres. Le bien et le mal ? Des notions que tu ne distingues plus, toi, cobaye sacrifié à la cruauté humaine.

Tu as maîtrisé l'art de manipuler les consciences, en particulier les plus fragiles. Pendant ta captivité, des esprits faibles se sont effondrés à tes pieds, mêlant leurs larmes au sang. Mais tu avais la solution.

" - Ôte-toi la vie. Meurs. Tu n'auras plus mal."

À chaque fois, ces esprits faibles t'écoutaient, et c'est avec un sourire sinistre que tu découvrais leurs dépouilles au petit matin.

" - Te voilà libre, petit oiseau."

Ta capacité à convaincre les autres, à les pousser vers le pire, t'a isolé. Privé de toute compagnie, la folie s'est alors retournée contre toi. Les pensées parasites sont devenues insupportables. "Et si je me brisais les doigts ? Que se passerait-il ?" "Et si je m'arrachais les yeux ? Est-ce que je verrais tout en noir ?" Incontrôlable, tu es désormais camisolé, relié à des perfusions, libéré uniquement pour constater les effets de l'infection.

Ta curiosité morbide te rend plus effrayant encore. Ton intérêt pour la souffrance, qu'elle soit tienne ou celle d'autrui, a forgé une réputation monstrueuse parmi les scientifiques. Mais tu ne chéris pas cette souffrance, elle t'intrigue simplement, une ligne trop fine pour être comprise.

On te qualifie de pyromane, mais tu le sais depuis le début, c'est ce qui a dicté la vie que tu mènes aujourd'hui. Le feu te comble de bonheur, te fascine, et le danger qu'il représente ne fait que t'attirer davantage, tel un papillon de nuit prêt à se brûler les ailes.

Au final, n'étais-tu pas déjà fou avant la maladie?

☾ 2033
Tu ne connais pas l’heure, tu ne connais pas le jour, et tu ne connais encore moins la date. Orphelin, tes parents pour des raisons que tu n’as jamais su n’ont pas pu s’occuper de toi, alors c’est dans un orphelinat que tu as été placé, tu as été abandonné comme des centaines d’autres petits bébé la même année.

☾ 2039
L’un des problèmes les plus récurrents lorsque l’on ne connaît pas l’origine d’un enfant, c’est que le dossier médical n’est jamais correctement rempli, et les maladies héréditaires sont donc découvertes bien trop tard ; ainsi, ton obsession pour le feu est mise sur le compte de la curiosité qui anime chaque enfant de ton âge. “Ça lui passera.” Il n’y a qu’une seule personne qui faisait un peu plus attention que les adultes ; Zhen. Zhen, c’était ton ami, et vous vous connaissez depuis deux ans maintenant.

☾ 2042
Oh non… Qu’est-ce que tu as fait ? Tu n’as pas voulu… Tu voulais juste, tu voulais juste voir le feu, tu avais trouvé un briquet et ça a suffi à changer le cours des choses. Si… Si cet adulte n’avait pas fait tomber ce briquet ? C’est de sa faute, toi, tu n’étais qu’un enfant dérangé. Un enfant dont on a cru que la pyromanie n’était qu’une petite passe. La punition tombe, envoyé à Chroma après trop de bêtises, mais surtout parce que tu n’étais pas assez normal pour être adopté, ton destin fut scellé. Avec toi, ton grand-frère est tombé ; la même sentence… Des conséquences bien différentes. Tu ne l’as jamais revu. L’hybridation n’a pas fonctionné, il a suffi d’une seconde erreur et tu as contracté l’infection. Pas d’hybridation, juste la maladie.

“ - Mais c’est qu’un gosse ! ON PEUX PAS ! ON PEUX PAS LE TUER ! “

“ - Il est infecté ! TU SAIS CE QUE ÇA VEUT DIRE ?! HEIN ?! ON VA PERDRE NOTRE BOULOT ! “

“ - Ce gamin n’a pas… Ce gamin ne peux pas payer NOS ERREURS ! “

Parfois, dans le monde des loups, il y a quelques brebis perdues, et ce fut le cas de ces deux scientifiques que l’on a abattu à ta place ; quelle ironie. Un enfant infecté, c’est le cobaye parfait. Peut-être que tu y résisterais mieux, peut-être que tu développerais des anticorps… Tu étais devenu un sujet important.

☾ 2051
“ - Aucun progrès. Il a dix-huit ans maintenant. Plus besoin de l’épargner.”

Ta minorité t'a préservé de la folie humaine, tu as été traité correctement et les passages au bloc ont été rares, tu as eu même tout le loisir de profiter d’une petite éducation simple mais ludique qui serait la seule bonne chose qui te serait réservée en prévision de la suite.

“ - Aucun changement, pas d’anti-corps, pas d’amélioration, il est toujours aussi malade, et même pire, il est à un stade bien plus avancé. “

Le stade deux de l’infection, à dix-huit ans ; quelle tristesse.

“ - Emmène-le, on a payé trop cher pour abattre le sujet maintenant ; mais on va pouvoir effectuer plus de tests, foutu loi sur les hybrides mineurs. ON A PERDU UN TEMPS PRÉCIEUX ! “

Et parmi les loups, il y a le diable qui n’éprouve pas la compassion. Ainsi commence le calvaire, tous les jours on t’en demande plus, tous les jours on t’en inflige plus ; ta mémoire s’efface. L’infection gagne du terrain. Tu ne développeras jamais d’anticorps, mais tu as montré quelque chose de tout aussi intéressant. Tu ne deviens pas un monstre ; physiquement, seules tes prunelles trahissent le changement qui s’est opéré dans ton corps. L’infection ne dégrade que ton esprit, et une idée nouvelle germe dans l’esprit malade des scientifiques.

“ - Et si on trouvait le moyen d’isoler les gêne animaux, qu’on garde la maladie. On pourrait rendre une armée terriblement agressive, forte, qui n’est là que pour tuer. “

“ - Tu penses à un genre de dopant ? Et comment tu comptes faire ça ? Regarde-le… Qui voudrait de ça comme soldat. “

“ - On a le temps pour trouver, il n'a que dix-huit ans… La science progresse vite. “

☾ 2063
Le scientifique aux idées avant-gardistes mais surtout irresponsables a été arrêté. En douze ans, rien de ce qu’il voulait accomplir n’a fonctionné. Toi… Toi, tu es là, tu es vivant sans être vivant et le plus impressionnant ? Tu n’es toujours pas un hybride. Tous les tests possibles ton corps les a endurés ; il n’y a pas un scientifique au sein de Staten Island qui ignore ton nom aujourd’hui. Le cobaye le plus résistant, mais aussi le plus surprenant de ce putain de laboratoire.

Tu fus baptisé Tom à l’orphelinat, puis Xiao par ton seul ami, et aujourd’hui ; 4568978PM, c’est ce que tu es. Une série de numéros. Tu n’as plus ni nom, ni existence. Un concentré d’horreur et de souffrance qui a éteint définitivement le petit soleil que tu incarnais avant de trouver ce foutu briquet.

Ni humain, ni animal, ce qui te définit c’est le stade de l’infection qui te conduira à l’abattoir bientôt.