Si un seul mot devait caractériser Naamah, ce serait : résiliente. Elle connut les difficultés d'une naissance en cuve, sans parents et sans famille, ce sentiment de n'être rien d'autre qu'un sujet d'études. Puis les traumatismes liés à sa condition d’hybride, les mauvais traitements éventuels et les humiliations pour ce qu'elle représentait. Toutefois, au lieu de s’effondrer et de baisser les bras, elle avait su en faire sa source de motivation. Elle se montrait ambitieuse et semblait prête à beaucoup d'efforts et de volonté pour atteindre les objectifs qu'elle se fixait.

Par ailleurs, sous cette surface dure, une vulnérabilité existait. Elle ne la laissait pas apparaître aux yeux de tous, sa fragilité était pour elle une preuve de faiblesse et ne souhaitait pas que celle-ci fût exploitée par des individus malveillants. Elle se protégeait beaucoup du monde extérieur et des autres, peu confiante en la nature humaine. Elle savait refouler ses émotions et ses ressentis, dissimuler sa sensibilité pour ne pas la voir se retourner contre elle. De ce côté fragile naissait une capacité naturelle à appréhender les émotions de son entourage, mais aussi leurs profondes motivations. Un esprit analytique, observateur et méticuleux, qui marquait davantage son retrait au milieu de la foule. Elle préférait rester à l'écart de l'attention et examiner dans l'ombre le comportement des personnes qu'elle devait côtoyer.
Elle savait être une oreille attentive, aussi bien pour épauler ses alliés que pour espionner et enquêter sur ses opposants. Elle remarquait certains détails, souvent négligés par la plupart et cela lui permettait de mieux les comprendre et d'anticiper, en se fiant à son intuition. Parfois, cela pouvait ressembler à une grande méfiance envers autrui, son esprit ne lui accordait que peu de répit pour tenter de saisir les véritables intentions des gens qui l'entouraient.

Souvent sous-estimée, elle sentait sa fierté se fissurer, bien que ce fût un réel avantage pour son statut d'espionne. Perçue comme trop douce ou trop calme pour représenter un réel danger, elle pouvait passer pour plus naïve qu'elle ne l'était en réalité. Les rares personnes qui la côtoyaient de près, pouvaient se rendre compte de sa force de caractère et sa manière très personnelle de toucher et marquer les esprits. Naamah ne ressentait pas le besoin de prouver qu'elle était brillante, intelligente, déterminée. Elle préférait laisser ses actes parler pour elle, dans le temps. Toutefois, il lui arrivait bien souvent de se remettre en question, de douter de ses propres aptitudes et de son but dans ce monde fait de rivalités. Elle avait alors appris à manipuler sans en avoir l'air, à influencer les autres avec subtilité et finesse en créant une relation de confiance. Cela lui permettrait de gagner l'estime de ses cibles grâce à une approche douce et les amener à lui livrer les informations convoitées.

Donner l'impression à l'autre qu'il restait le maître de la situation, alors que c'était elle qui dirigeait.

I/ La Genèse (2038-2048)

Chroma avait su se développer, gagner le marché et diversifier ses conceptions. L’hybridation et la biologie prenaient le dessus sur la robotisation et la technologie. Une nouvelle ère voyait le jour et Naamah allait être un maillon de cette chaîne.
Sa naissance fut artificielle, sans mère porteuse puisqu’elle fut créée en cuve. La firme proposait tout un panel de races et le mode de création en cuve facilitait les croisements. Ainsi, la nouvelle hybride était un mélange de gènes humain, chauve-souris et tigre blanc. Elle fut façonnée par cet art nouveau de la biologie et perfectionnée durant neuf mois dans un liquide stérile.
Son corps se développa pas à pas. Puis ses ailes, d’abord minuscules, se formèrent afin d’évoluer vers une texture fine et membraneuse. Sa peau était pâle, mais ne possédait pas les caractéristiques du tigre blanc, étant imberbe. De ce félin naquirent des caractéristiques telles que l’agilité, la discrétion et l’endurance, un peu plus développées que chez un individu humain. Elle hérita donc des ailes de chauve-souris qui lui permettaient de planer quelques instants, puis de canines plus longues et pointues que la normale. Ainsi que d’une nyctalopie peu développée. Des attributs qui pouvaient améliorer quelque peu son quotidien ou alors creuser davantage sa différence.

Son enfance se déroula dans le laboratoire de Chroma à New-York, où elle apprit les bases de l’éducation. À savoir la lecture, l’écriture, un peu de logique et de mathématiques. Elle était studieuse et montrait beaucoup d’intérêt aux apprentissages, frustrée de ne pas avoir la possibilité d’étendre davantage ses capacités intellectuelles. Une hybride devait être préparée à rester en dessous de l’humain, ne pas être plus qualifiée que lui. Ainsi, les dix premières années de sa vie furent contrôlées par pléthore de scientifiques, dans un cadre aseptisé, froid et sans émotions. Elle ne connut jamais de liens familiaux, elle évolua sans repères. Le laboratoire la préparait à cette vie d’asservissement et de soumission.


II/ L’Exode (2049-2055)

Il fallait par la suite lui donner un modèle de vie, une utilisation pratique. Les rudiments du métier de gouvernante lui furent appris, au vu de ses capacités. Elle se montrait tout à fait capable de gérer une maison et servir ses futurs maîtres. Elle était disciplinée, obéissante et rigoureuse. Ainsi, même gérer une petite équipe de domestiques hybrides semblait être dans ses cordes. Elle pouvait s’occuper des courses du foyer, de la préparation des repas que ce fût délégué ou non.
La sylphide fut placée en animalerie, elle ne trouvait pas sa place auprès des autres et restait solitaire. Elle échangea quelques mots avec ses congénères, mais elle ne semblait pas douée dans sa relation aux autres. Elle sentait qu’elle devait travailler cette faille. Quelques temps plus tard, une famille aisée de personnes assez âgées décida de l’adopter. Le couple ne possédait pas d’enfants et accueillait avec lassitude leurs vieux jours. Ils se laissèrent tenter par cette nouveauté dont tout le monde parlait depuis quelques années, posséder un hybride domestique. Cela pouvait leur faciliter le quotidien et briser leur ennui déjà bien installé. Naamah occupa le poste de gouvernante de la maison et logea dans le Queens. Même si elle avait été préparée, c’était nouveau pour elle et l’hybride ressentait un mélange d’excitation et d’inquiétude. Elle se demandait si elle allait se montrer à la hauteur des attentes du couple et si elle arriverait à s’acclimater à ce nouveau cadre de vie.

L’homme, Thyles, se montrait doux et accueillant envers elle. Alors que son épouse, Jodie, affichait des signes d’aversion pour la jeune hybride, elle pouvait être acerbe et tenir des propos humiliants. Naamah comprenait bien que tous les humains ne se valaient pas et certains paraissaient plus hostiles que d’autres. Toutefois, sa place lui avait été dictée dès la naissance, elle ne ressentait pas l’envie de se rebeller ou de contredire les ordres. Si elle était frappée, rabaissée, cela ne pouvait que signifier qu’elle avait fauté. C’était ce que les personnes du laboratoire lui avaient toujours appris, c’était dans la norme des choses. Elle devait mieux se comporter, redoubler d’efforts. Pourtant, même si elle s’efforçait à combler les attentes de ses maîtres, la sylphide n’était jamais récompensée par Jodie. Cette dernière trouvait toujours un prétexte pour la gifler ou la punir, se montrer dure et impitoyable. Lorsque Thyles mourut, les choses n’allèrent pas en s’arrangeant. La femme la rabaissait davantage, elle n’avait plus l’homme bienveillant pour la rassurer. Jodie ne dissimulait plus son mépris et sa cruauté et fit de Naamah sa cible principale.


III/ La Passion (2056-2062)

Avant que la situation ne vînt à dégénérer, Naamah fut approchée par une délicieuse inconnue alors qu’elle assistait à une soirée près de sa maîtresse. Jodie ne semblait pas être une femme à apprécier les évènements mondains, pourtant elle avait fait un effort ce soir-là. L’hybride se tenait la plupart du temps assise près de Jodie, mais elle disparut quelques instants pour aller lui chercher une boisson. La femme prénommée Yin l’approcha à cet instant. Leur entrevue fut brève, mais même si elle ne le savait pas encore, allait marquer un tournant dans l’existence de Naamah. La femme restait pleine de mystère et énigmatique, mais elle parvint à faire germer les graines du chaos dans l’esprit de la jeune hybride. Elle évoqua des esprits libres et rebelles, lassés de la maltraitance et de la domination humaine. Percevait-elle l’air résigné de l’hybride, ses douleurs et ses blessures masquées, après tant de coups, de commentaires dégradants et de réprimandes constantes et injustifiées… Cette violence verbale et physique qu’elle encaissait sans jamais se plaindre. Le processus allait être long, compliqué, mais quelque chose était né cette nuit-là.

Durant cette période de trouble interne et de questionnement, la sylphide fit la rencontre d’un autre hybride tandis qu’elle faisait des courses pour sa maîtresse. Il travaillait dans une maison luxueuse voisine et elle chercha bientôt quelques occasions volées pour le retrouver. Elle n’avait aucun critère physique concernant ses éventuels partenaires, elle ne s’était d’ailleurs jamais posé la question. Elle se sentait simplement attirée et en confiance et elle en avait besoin. Dans un moment d’égarement et de quête de tendresse, elle se laissa aller avec cet individu. Holias semblait doux, attentionné et il lui faisait du bien. C’était si plaisant de se retrouver dans ses bras et profiter de quelques instants cachés.

Hélas, l’hybride disparut de manière spontanée et elle ne sut jamais ce qui lui était arrivé. Elle connut un sentiment d’abandon profond, avant que d’autres symptômes ne vinrent entacher son quotidien. Elle oubliait des aliments sur le feu ou des produits qu’elle devait aller chercher, elle se faisait réprimander sévèrement, mais rien n’y faisait. Elle se sentait lassée, déprimée et morose. Ce garçon l’avait marquée plus qu’elle ne le pensait et elle ne supportait pas son absence, elle ne voyait pas d’autres explications. Pourtant, elle ressentait un mal-être inexplicable qui l’angoissait beaucoup.

Peu de temps après, la femme acerbe finit par renvoyer la gouvernante, en vue de choisir un nouvel hybride, fatiguée de ses propres frustrations. Pour Naamah, cela marquait le début d’une toute nouvelle destinée au goût de liberté, même si elle restait amère.


IV/ L’Ascension (2063-)

De retour en animalerie, l’idée d’une lutte contre l’oppression lui apparut de plus en plus séduisante. La servitude n’était pas la seule voie envisageable pour une hybride. Elle possédait beaucoup de capacités et elle ressentait l’envie de les mettre à l’épreuve. Elle comprit avec la médiatisation des cas qu’elle était contaminée. Son infection n’avait qu’un faible impact et elle s’efforçait de la dissimuler, pour garder sa liberté. Enfin, ce qui pouvait perdurer de liberté dans sa condition.

Elle fit la connaissance d’une camarade qui possédait bon nombre de points communs avec elle, Elisa. Elle rejoignit donc les Deviants, après le contact qu’elle avait eu avec la mystérieuse femme quelques temps auparavant. Elisa restait une alliée fidèle, qui pouvait comprendre son état d’esprit et sa position, vu qu’elles se trouvaient dans des situations similaires. La volonté de la sylphide se renforça, elle possédait une ambition solide à présent, elle devait aider la cause hybride et récolter des informations importantes pour leur transmettre, dans le but de se libérer du joug humain. Sun-hi devint son contact privilégié chez les Deviants, Naamah restait pucée et sous surveillance, donc traîner trop souvent dans le Bronx restait source de danger.
Elle devint une espionne sous couverture, il lui fallait intégrer une famille riche et influente chez les Humanis. Ses qualités et son expérience en tant que gouvernante reflétaient ses aptitudes et sa manière de se démarquer pour plaire à des clients fortunés.

Un objectif clair se dessinait : influencer dans l’ombre et récolter les secrets.

Résumé rapide: