- Chronologie:
2026-2044 : Matias grandit au Pérou et ne côtoie pas les hybrides durant son enfance. Ses parents décident de l’envoyer étudier et travailler à l’étranger avec son frère, notamment aux Etats-Unis.
2044-2046 : Matias arrive et étudie à New-York pendant deux années. Il croise des hybrides pour la première fois de sa vie et rencontre sa compagne sur le campus.
2046-2052 : Matias devient papa et décide d’arrêter ses études pour entrer dans la police, tandis que sa compagne poursuit son cursus de droit et soutient ouvertement la cause des hybrides. Matias passe rapidement officier et maître-chien.
2052-2055 : Sa compagne est arrêtée et transférée dans les laboratoires de Chroma pour y être hybridée pour corruption. Il s’occupe seul de son enfant pendant son absence et mène l’enquête pour la retrouver et la racheter en animalerie. Il est muté à la BTD pendant ce temps.
2055-2063 : Bien que sa compagne soit revenue à la maison, elle n’est plus la même et sa relation avec Matias commence à s'effriter. Avec les tensions présentes à New-York, il préfère vendre son hybride à son frère vivant au Canada et lui confier la garde de son enfant et de sa compagne pour leur faire passer “légalement” la frontière. Préférant conserver son emploi dans la brigade, Matias retourne vivre seul à New-York et consacre tout son temps et son énergie à son travail. Il deviendra par la suite sous-lieutenant, puis lieutenant et perdra son bras gauche lors d’un raid contre les déviants. Aujourd’hui, il continue de s’habituer à son nouveau bras mécanique et à rassurer ses supérieurs pour conserver un poste sur le terrain.
2026 - 2044, PÉROU - Loin des lubies naissantes qui entouraient l’apparition des hybrides ainsi que de l'expansion des laboratoires de Chroma à travers le monde, tu avais grandi dans un village modeste et paisible du Pérou, entouré de tes proches et des traditions locales. Fils cadet de trois jeunes sœurs et d’un grand frère, tu étais l’enfant d’un couple d’artisans tisserand dont la réputation n’était plus à prouver - ajouter à tout ce beau monde la présence de deux grand-mères dans le salon, on pouvait dire que la casa était plutôt bien remplie. Lorsque tu n’étais pas à l’école, tu t’occupais des alpagas ou travaillais la terre du grand potager familial avec tes frères et sœurs. C’était une vie rurale qui ne vous empêchait guère de bénéficier tout de même de l’eau courante et de l'électricité, sans pour autant profiter de la présence d’une télévision ou de téléphones portables au sein du foyer. C’était un luxe encore dispensable aux yeux de tes vieux que tu ne connaîtra qu’après tes années d’internat pendant tes études secondaires dans la capitale.
Petit enfant turbulent, puis adolescent bavard et énergique, tu étais parvenu à obtenir des résultats scolaires suffisamment corrects - si ce n’était excellents - pour envisager la possibilité d’étudier à l’étranger selon le souhait de tes parents. Ces derniers avaient investi toutes leurs économies pour que vous puissiez partir lors de votre dix-huitième anniversaire, toi et ton frère, aux Etats-Unis dans l’espoir de décrocher un meilleur emploi ainsi qu’un meilleur salaire qui vous permettrait d’aider financièrement la famille restée au pays. Tu te sentais éternellement redevable envers tes parents de t’avoir offert cette chance inestimable - malgré la pression qui accompagnait leur volonté.
2044 - 2046, UNIVERSITÉ DE NEW YORK - Tu avais assurément changé de continent et de culture, mais tu ne t’attendais certainement pas à changer d’univers en débarquant sur le campus lors de ta première année de droit. Outre le rythme new-yorkais qui différait de celui de Lima, c’était la première fois que tu voyais et côtoyais des hybrides. D’abord méfiant vis-à-vis de ces mutants étranges et inhumains, tu finissais par accepter leur présence au fil du temps, les trouvant de plus en plus intrigants. En réalité, tu ne savais pas trop comment appréhender ce nouveau phénomène, un peu comme d’autres humains lorsqu’ils faisaient face à des technologies trop avancées par rapport à leur quotidien.
Au cours de cette même année, tu avais fait la rencontre d’une jeune femme aussi touchante qu’admirable avec laquelle tu avais trouvé quelques atomes crochus. Votre relation était devenue rapidement fusionnelle et c’était une évidence de finalement vous mettre ensemble. Lors de ta deuxième année d’études, durant laquelle tu commençais à lâcher doucement l’espoir de répondre aux attentes de tes parents en devenant avocat, ta compagne était tombée enceinte malgré toutes les précautions prises. D’un commun accord, vous avez pris la décision de garder le bébé et tu en profitas pour mettre tes études de côté et postuler dans les forces de l’ordre. Après une formation intensive, tu étais embauché en tant que cadet par la police de New-York.
2046 - 2052, BROOKLYN - Suite à la naissance du petit bout de chou, ta compagne réintégra les bancs de l’université afin de poursuivre ses études et de décrocher son master en droit, tandis que de ton côté, tu étais devenu officier de police et maître-chien. La profession s’étant ouverte aux hybrides, il était étrange d’avoir l’une de ces créatures sous ta supervision lors de tes patrouilles ou des enquêtes. Ces êtres n’étaient pas des outils, ni des animaux, ni même des humains à proprement parler… Ils étaient tellement bizarres que tu ne savais pas vraiment sur quel pied danser lors de tes premiers mois de fonction.
Quelques années plus tard, une rumeur commençait à courir dans la ville et gangrénait certaines affaires sur lesquelles tu avais été mobilisé : les premiers signalements d’hybrides difformes ou enragés, les prémisses d’une catastrophe sanitaire sans précédent dont la menace n’avait pas été prise avec assez de sérieux. A cette époque, tu ne prêtais pas une grande attention sur ces bruits de couloir ou ces légendes urbaines - ne les ayant pas observé de tes propres yeux - tu préférais te concentrer sur les affaires impliquant des hybrides en fuite ou des assassinats de maîtres humains supposément maltraitants. La récurrence de ces cas devenait inquiétante et tu sentais le vent tourner. New-York changeait, mais ce n’était pas forcément pour le mieux…
Du côté de ta compagne, elle agissait activement pour la protection des hybrides et exerçait sa profession d’avocate en ce sens. Elle était très impliquée dans cette cause et bien que tu ne comprenais pas toujours son point de vue, tu la soutenais tout de même dans ses démarches et jonglais entre ton travail et l’éducation de ton enfant pour alléger son quotidien chargé. Malgré vos emplois du temps respectifs, vous parveniez toujours à trouver un peu de temps à passer en famille au parc, au cinéma ou au restaurant. Parfois même, il arrivait que vous partiez quelques semaines en vacances ensemble. Enfin… Jusqu’à ce jour fatidique.
2052 - 2055, BROOKLYN - Tu n’avais pas eu l’occasion de fêter ta récente promotion au grade de sergent avec ta famille et tes amis, car une personne manquait à l’appel. Ce jour-là, tu n’avais pas sabré le champagne et elle n’avait pas préparé ton gâteau préféré ; ta compagne venait d’être arrêtée pour
conspiration contre l’Etat et la sécurité des citoyens. N’ayant pas été mis au courant, tu avais signalé sa disparition avant d’apprendre la terrible nouvelle quelques semaines plus tard de la bouche de l’un de tes supérieurs. Tu ignorais qu’elle avait été envoyée dans les laboratoires de Chroma pour y être hybridée sans la moindre forme de procès, notamment en raison de son affinité avec le groupe d’Unity et des hybrides dangereux. En tout cas, c’était ce qu’on t’avait brièvement expliqué. Tu comprenais qu’en tant que proche, on t’avait écarté de l’enquête, mais pourquoi ne pas t’avoir prévenu plus tôt ?... Ta compagne avait-elle vraiment vrillé à ce point ?...
Après avoir fait marcher tes relations et passé plusieurs coups de fil à ta liste de contact, tu étais finalement parvenu à remonter jusqu’à sa piste et avais obtenu son matricule ainsi qu’une date de sortie estimée dans les prochaines années - tu ignorais cependant dans quelle animalerie elle serait vendue. Alors, à défaut de pouvoir la sortir de cet enfer, tu attendais… Tu attendais cette date avec impatience et un poids sur l’estomac, prenant toujours le soin de t’occuper de ton précieux marmot qui souffrait tout autant de l’absence de sa mère. Tu ne pensais pas que la vie de père
célibataire serait à ce point éreintant et chronophage, mais tu ne baissais pas les bras. Tu aimais trop ton enfant pour le délaisser. Tu aimais trop ta femme pour l’oublier.
Au cours de ces interminables années d’hybridation, tu avais accepté une mutation vers la BTD qui t’était proposé, notamment pour le salaire attractif ainsi que le réseau qui pourrait te permettre de retrouver ta compagne plus facilement - tu l’espérais. Recruté en tant que brigadier, mais n’ayant pas servi à l’armée, tu avais suivi une mise à niveau musclée sans broncher. En 2055, tu étais enfin arrivé à localiser l’animalerie dans laquelle se trouvait ta compagne et tu sacrifiais plusieurs pensions à destination de ta famille au Pérou pour la racheter aussi rapidement que possible.
Le petiot avait retrouvé sa mère et tu avais retrouvé ta belle, mais les retrouvailles n’étaient pas aussi chaleureuses que tu l’avais espéré. Une drôle d’ambiance planait dans l’air depuis son retour et elle avait drastiquement changé. Tout particulièrement son regard. Ce n’était plus la même personne…
Plus rien ne serait jamais comme avant.
2055 - 2063, MANHATTAN - Dehors, les hybrides commençaient à se révolter contre leurs homologues humains et la violence se propageait rapidement dans certains quartiers comme le Bronx. Tu étais souvent mobilisé sur place pour éradiquer ce mal naissant afin de protéger tes concitoyens, mais tu le faisais surtout pour protéger ta famille. Le climat s’assombrissait à New-York et tu avais peur pour tes proches.
Ne pouvant plus exercer sa profession d’avocate, ta compagne avait été reléguée au rôle de femme de foyer malgré elle et tu ne pouvais t’empêcher d’éprouver une pointe de culpabilité lorsque tu croisais son regard après avoir neutralisé des hybrides indisciplinés à tour de bras. En tant qu’hybride domestique, elle n’était pas toujours aussi docile et obéissante qu’elle ne devrait l’être. Tu sentais la colère et l’injustice qu’elle cachait derrière son regard morne et ses silences. Tu la laissais vadrouiller où bon lui semblait et c’était souvent dans les locaux d’Unity qu’elle se rendait. Tu te doutais qu’elle fréquentait très certainement des déviants lors de ses promenades, mais tu te mettais des œillères et te trouvais des prétextes pour ne pas devoir l’arrêter de tes mains. Tu en étais parfaitement incapable et elle le savait. Tu l’aimais toujours. Elle aurait pu te quitter pour rejoindre les siens et s’éloigner d’un homme qui contribuait à la souffrance des siens, mais elle s’inquiétait trop pour son enfant pour partir sur un coup de tête.
Et toi, tu voulais
les protéger tous les
deux.
Alors, tu te décidais de composer le numéro de téléphone de ton grand frère parti vivre au Canada pour conclure une vente à l’amiable et préparer la paperasse pour lui transmettre ton
hybride à prix coûtant. Bien entendu, tu n’avais pas demandé l’avis de ta compagne dans cette démarche, ni même celui de ton enfant ; tu voulais simplement leur faire passer la frontière en toute légalité et en toute sécurité. Le Canada offrait bien plus de liberté et de droits aux hybrides qu’aux Etats-Unis, tu ne pouvais rêver d’une meilleure occasion pour les éloigner de tous ces conflits. Tu entamais les démarches nécessaires en ignorant le souhait de ta femme de rester, tu usais de ton autorité à contre-coeur, sachant pertinemment qu’elle ne te pardonnerait jamais.
La vente était conclue dans les plus brefs délais et tu laissais ta famille aux soins de ton frère au Canada avant de repartir pour New-York. Tu aurais pu démissionner de ton travail, tu aurais pu continuer de vivre à leur côté, mais une part de toi se refusait à laisser derrière toi un salaire aussi conséquent que celui que tu possédais actuellement ou laisser les déviants terroriser les habitants. C’était des terroristes et tu avais à cœur de les arrêter. Tu avais aussi à cœur de tenir la promesse faite à tes parents qui avaient sacrifié toutes leurs économies pour toi.
Ton départ du Canada n’était qu’un au revoir et tu profitais généralement de tes congés pour retrouver ta famille quelques jours lorsque tu n’étais pas contraint de rester à New-York pour une urgence. Tu voyais ton enfant grandir à chacune de vos retrouvailles et tu devinais que ton ancienne compagne prenait toujours plus de distance avec toi et avait refait sa vie de son côté. Tes relations s’effritaient avec le temps, mais tu les avais mis à l’abri. C’était tout ce qui comptait à tes yeux.
En 2056, tu passais ton concours pour devenir sous-lieutenant de la section d’investigation de la BTD et en 2061, tu étais finalement promu au grade de lieutenant. Maintenant que tes proches se trouvaient loin de toi, tu comblais leur absence et le vide en te démenant au travail et en enchaînant les missions - et ces trois dernières années ne t’avaient pas vraiment fait de cadeaux. Cette petite “guerre civile” n’en finissait pas et la progression de l’infection ne présageait pas des années radieuses à venir. Lors du Raid de mai 2063, tu perdis malencontreusement ton bras gauche lors des affrontements contre les déviants dans le Bronx et dus te résoudre à t’éloigner du terrain le temps de t’habituer à ton nouveau bras mécanique et à la rééducation qui s’y accompagnait. Tu te vantais de pouvoir parer les balles ainsi que les morsures avec cet artefact, tant l’acier qui le composait était solide et de bonne facture - certainement un prétexte pour pouvoir retourner progressivement sur le terrain lorsque ta présence était requise et qui pouvait t’épargner une journée de paperasse administrative par la même occasion.
Dans tous les cas, tu continuais de garder quand même le sourire.