Résumé:

Certains diront que tu es né dans la misère, que tu n’as pas eu de chance, que ce n’est pas ta faute.
Toi, tu répondras simplement que l’on ne choisit pas sa famille, mais que c’est bien elle qui t’a menée à ta fortune, aujourd’hui.
Une mère prostituée, pour réussir à finir les fins de mois, un père violent, qui vous nourrissez avec des vols, ce n’est pas le luxe, clairement, mais chaque soir, tu avais de quoi manger, avec une claque sur la joue de ta mère au passage.
C’était pourquoi, cette fois ?
Aucune idée.
Tu ne te posais plus la question, tu ne cherchais plus à savoir qui était la personne qui rentrait avec ta mère, tu ne cherchais plus à savoir pourquoi ton père t’attrapait pour te faire des reproches : l’être humain s’adapte à toutes situations, si cela peut lui permettre de survivre.
Et toi, c’était ton seul but.
Si cela voulait dire serrer des dents, voler, ou harceler à l’école, alors soit.
Tu étais de ces rejetons qui font peur au coin de la rue, parce que malgré le fait que tu n'avais même pas encore 11 ans, tu étais déjà leur reflet.
Instable, violent, dangereux, tu n’as connu que trop peu la joie, parfois dans les bras de ta mère, à te faire caresser les cheveux pendant que tes larmes coulaient, à entendre ta conscience te demander ce que tu as bien fait pour mériter ça, à part venir au monde, hein ?
Rien.
Tu n’as rien fait pour mériter ça.
Tu n’as rien fait pour avoir le droit de subir les vices de tes parents.
Malheureusement, il fallait un miracle pour y échapper…


Et tu en as eu un, d’une certaine manière.
C’est lorsqu’un professeur a décidé d’appeler les autorités pour voir ce qu’il se passait chez toi, avec comme preuve tes bleus et ton manque d’assiduité, que tout a basculé.
Tes parents ont été accusés et se sont fait arrêter, pour plusieurs ordres : entre autres, maltraitance. Mais plus que ça, tu as appris que ta mère était proxénète au même titre que prostitué, tandis que ton père était accusé d’homicide involontaire en plus de vol.
C’est comme si ton monde brisé s’était simplement détruit, comme si le pire… Était encore pire.
D'autant plus lorsque le juge a parlé de toi, a mis devant tout le monde le fait que tu étais leur enfant, qu’ils avaient mal pris soin de toi, qu’ils devaient avoir honte car tu étais désormais à risque.
Tu étais un danger en devenir.
Tu entends encore ces mots résonner dans ta tête, des années plus tard.
Si il savait ce que tu es devenu…
Dans sa bonne conscience, sûrement, tu as terminé dans un foyer à tes 12 ans. Une vaine tentative de te remettre dans le droit chemin : ton enfance et le début de ton adolescence se sont passés au sein d’une famille déviante, tu ne pouvais simplement pas bien t’en sortir alors que…
Tu avais appris à tout avoir.
Car oui, tes parents avaient beau être des monstres aux yeux de l'État, tu avais beau avoir été maltraité, tu avais été nourri, parfois aimé, principalement manipulé, et surtout tu avais toujours eu tout ce que tu demandais. Comme un pardon pour leur comportement, comme un cadeau en échange d’un amour parental inexistant, ton père volait tout pour toi, ta mère payait tout pour toi.
Une mauvaise graine.
Alors quand des inconnus, devenus tes parents sur le papier, ont cherché à t’éduquer, à t’apprendre, à te lessiver le cerveau, à te faire entrer dans la société, en somme, bien sûr que tu t’es rebellé.
C’était trop, d’un coup.
C’était inimaginable, pour toi.
Alors tes vols qui de base étaient minimes avec tes parents se sont empirés : de la marque, des bijoux, de l’argent. Tout pour avoir ce même rythme de vie auquel tu étais habitué, alors que tu étais tout sauf riche.
Tu étais riche de manière matérielle.
Et tu l'avais toujours été.
Peu t’importe les disputes en rentrant, les menaces alors que ton foyer réalisait que tu avais recommencé, t’en avais rien à foutre.

Ce n’est que lorsque tu t’es retrouvé derrière les barreaux à ton tour dans un foyer de redressement pour mineur que tu as fini par te calmer. De tes 14 à 16 ans, ils t’ont coincé, ils t’ont redressé, et lorsque tu es sorti, c’est comme si tu étais devenu un hybride, ces créatures dont tu as entendu parler de loin, sur les écrans.
Bien sûr que toi ça t’a paru lunaire, quand tu as vu qu’ils avaient réussi à croiser un humain et un animal pour en faire un esclave…
Mais tu étais déjà trop concentré sur ta petite personne pour te pencher plus que ça sur le sujet.
Ils t’ont renvoyé dans ton foyer, et tu as commencé à enchaîner les petits boulots, le manque cruel d’éducation de par tes absences régulières qui se faisait ressentir, mais tu as toujours réussi à palier avec tes connaissances, toujours curieux avec ton téléphone entre les mains, à lire des articles à la pelle sur tous les sujets qui peuvent t’intéresser.
Tu es resté sur le bon chemin pendant deux années complètes, jusqu’à tes 18 ans, âge auquel tu as quitté ce qui était ton nouveau chez toi pour prendre ton indépendance.
Tu as continué un moment, en réalité. Tu as travaillé, simplement, tu t’es pris un petit appartement, tu n’avais aucune raison de dévier encore, hein ?
Mais bien sûr que notre nature première finit toujours par revenir.
C’était trop facile, de voler les affaires de ses collègues pendant les heures de travail.
Surtout qu’avec l’âge, tu as développé cette capacité propre à ton père de manipuler, de faire croire que vous êtes fou, alors que lui, est parfaitement sain d’esprit.
Et cette capacité à ta mère de charmer, pour mieux garder dans la main, alors que dans votre dos, c’est votre fortune et votre santé qui sont à sa portée.
La mauvaise graine est devenue fleur, une fleur mortelle.

Et dès que tu as accumulé assez, tu as su qu’il était temps de partir pour un nouveau départ. Les USA, pays de la liberté, promesse de fortune, c’était bien sûr ce pays qui vend du rêve à qui veut l’entendre, même si une vie peut y tourner au cauchemar, et toi, tu y vois une opportunité sans pareil.
Tu as pris un billet d’avion, toutes tes économies y sont parties, avant de disparaître à tout jamais de ton pays de naissance, abandonnant tes parents au passage…
Mais c’est pas comme si tu faisais même l’effort d’aller les voir.
Quand tu as mis les pieds à New-York, le choc était brutal. Et encore, le mot est doux, par rapport à ce que tu as ressenti.
Tu as tout d’abord, forcément, remis les pieds droit dans la pauvreté, sauf que ici, tu étais face à un désavantage : aucune connaissance du lieu, une connaissance de la langue minime, des difficultés à t’exprimer. Tu étais en territoire inconnu, à ne pas pouvoir travailler, ni à pouvoir voler correctement. Après tout, à quoi ça t’aurait servi, si tu n’as personne à qui revendre derrière ?
Une impasse, voilà dans quoi tu t’es mis.
T’aurais très bien pu crever dans une rue du Bronx sur un coup de tête.
Mais tu as toujours trouvé une manière peu légale de te sortir du pétrin, et ce, même dans un autre pays, visiblement…
Alors c’est vers la mafia que tu t’es tournée. Les yakuza, plus précisément, qui à la base, t’ont ramassé dans le seul but de pouvoir se faire de l’argent sur ton dos.
Ca tombe bien, non ? Tu es capable de leur faire pleuvoir de l’argent en plus grande quantité, sans qu’ils aient besoin de se salir les mains, pour peur qu’ils t’offrent un toit.
Bien sûr, un étranger qui vient et s’impose, tu n’as pas compté sur une quelconque confiance venant de leur part, tu as eu le couteau sous la gorge tout du long, mais c’est lorsque tu as montré un bijou volé au chef de la famille, qui provenait de sa propre trésorerie, que tu as fait tes preuves.
Là où on aurait dû te couper la tête sans y penser à deux fois, ils ont vu ça comme une preuve de tes capacités, et c’est un contrat qui s’est installé entre vous : tu rembourses une dette qui te permet d’avoir un endroit où vivre. Tu restes dans les rangs avec eux, et tu seras libre d’ici quelques années.
Rien à redire, ce n’est pas différent de ce que tu as toujours vécu, hein…

Tu t’es donc installé dans un appartement, simple, dans le Bronx. Au départ, tu n’as fait que des vols, par ci par là, mais très rapidement, tu as découvert le système de têtes recherchées.
De quoi se faire de l’argent rapidement, en échange de se salir un peu.
Pas que ça te dérange, tu es habitué à vivre dans la crasse.
Alors tu as commencé par une petite frappe, un hybride qui ne te faisait pas peur pour deux sous. Tu l’as traqué, et lorsque tu l’as coincé, tu l’as frappé, encore et encore, jusqu’à ce qu’il perde connaissance.
Tu t’es découvert une troisième nature, la tienne.
La violence.
L’adrénaline, l’odeur du sang, la chaleur de l’effort, la joie d’avoir l’impression d’avoir bien travaillé, et surtout… Le plaisir de toucher de l’argent en échange.
Un hybride, une paie.
Une paie, une partie pour la mafia, une partie pour toi.
C’est ça, maintenant, ta vie, ton business.
Tu as enchaîné les primes, parfois avec un besoin de ramener les cibles mortes, parfois vivantes.
Tu as commencé à rendre service aussi aux Yakuza, à t’y faire un nom (en tant que Luna et reconnaissable par ce masque), à te faire reconnaître, alors que chez Humanis, tu en avais déjà un.
Des chasseurs de primes, il y en a.
Mais toi, tu reviens toujours.
A tel point, que l’on a fini par te parler du marché noir. Pas chez Humanis, mais chez les Yakuza : une manière comme une autre de se faire de l’argent sur les autres, une manière comme une autre de mettre à bon escient tes capacités à ne plus rien ressentir.
C’est tout en cassant le bras d’un hybride quelconque que l’on t’a proposé d’y faire un tour, ce à quoi tu as répondu avec enthousiasme avant d’abandonner ta cible là, à pourrir, dans un entrepôt abandonné.
On viendra le chercher, toi, tu as d’autres chats à fouetter.

Quand tu es arrivé là-bas, tu as découvert que l’on connaissait déjà ton faciès. Après tout, à l’image du dark web, que tu connais bien à force, tout se sait. Alors un humain qui chasse sans se faire prier, qui ne fait que demander un paiement en échange d’un travail, sans poser de questions, c’est une pépite que l’on s’arrache avec plaisir.
Et toi, c’est de l’argent que tu prends sans te plaindre.
Au contraire.
Plus de travail pour toi, plus d’hybrides à trouver, à décimer, et plus d’argent à empocher.
Ta réputation grandit, on te propose des contrats, avec la MDA, notamment. Tu acceptes, une nouvelle fois, pourquoi irais-tu refuser ? Ca n’a beau pas être le genre d’endroit où tu traînes car tu tiens à ton argent, tu sais que tout le monde est friand de voir deux animaux s’entretuer.
Tu pourrais même peut-être y faire des paris en envoyant la-bas quelqu’un en ton nom, tiens…
Mais en attendant, tu préfères leur trouver des bêtes à abuser. Tu t’entretiens avec les gros noms de la scène illégale, et on commence à te connaître partout, dès lors que l’on tombe dans les tréfonds de New-York.
Comme dans chaque ville, des failles se créent, et dans ces failles, toi, tu t’y glisses.
L’argent tombe dans tes mains, on vient te demander personnellement pour chasser certains hybrides, et même après quelques années, des humains.
Tu es un chasseur de primes qui n’a ni foi ni loi, qui a son nom imprimé dans l’esprit de sa famille Yakuza, qui s’est fait tatouer pour prouver son allégeance. Tu es celui que les grosses têtes viennent chercher pour régler des problèmes qui ont besoin de rester cachées, des maîtresses qui ne doivent jamais parler des déviances sexuelles, des hybrides qui ont fuit pour se faire dépucer après un meurtre : que ce soit personnel ou professionnel, tout se fait, moyennant finance.
Tu n’es qu’un avare intrépide.
Pourtant, alors que les demandes affluent toujours sans fin, que ta fortune s’élargit, que ton réseau s'agrandit, tu as pris deux jeunes sous ton aile, afin qu’ils t’aident dans ton business. Eux, ne touchent pas aux cibles, car ils ne le souhaitent pas, mais ils touchent aux demandes, et se déplacent en ton nom.
C’est la seule preuve que tu as encore une part d’humanité alors que le diable lui-même habite ton esprit, le sang qui s’est accumulé sur tes mains et ton or, à l’image d’un dragon qui garde jalousement son trésor.
Plus personne ne peut échapper à ta sentence désormais.
Même si tu sais très bien que le karma finira par te retomber dessus, mais jusque là…
Tu n’es qu’un monstre assoiffé de violence.