Le point le plus important du caractère de Katherine, et qui n’est pourtant pas le premier à être remarqué, est son respect absolu de la hiérarchie. Même si elle grince des dents et serre les poings, elle donnera toujours le change et sera toujours obéissante face à un supérieur. Cela lui a été inscrit dans le cerveau bien trop jeune. Cependant, elle n’a aucun problème à appliquer cette même domination aux personnes qui se trouvent plus bas qu’elle sur l’échelle sociale. Et elle a passé toute sa vie à grimper les échelons. Il n’y a plus grand monde, aujourd’hui, qui peut lui être strictement supérieur, sans devoir jongler avec l’influence qu’elle possède.

Pour en arriver jusque-là, la scientifique a fournie énormément d’efforts. Elle est travailleuse et obstinée. Tant qu’elle n’a pas obtenu le résultat escompté, elle peut insister lourdement, à de nombreuses reprises. Il sera très difficile de lui faire lâcher le morceau et elle donnera tout pour réussir. Elle fait également preuve d’une très grande créativité pour trouver des solutions inédites à ses problèmes... Ou pour créer de nouvelles substances aux effets étonnants.

L’un des plus grands leviers de son influence est bien sûr l’argent, et toutes les possessions matérielles possible. Katherine est cupide. Aujourd’hui, elle croule sous l’argent, mais cela ne l’empêche pas d’en vouloir toujours plus lorsque la situation se présente. Elle ne sera jamais la première à proposer de payer au restaurant. Si tant est qu’elle prenne le temps d’aller au restaurant. Son travail est plus important.

La seule chose qui peut l’arracher facilement à son travail, c’est son fils. Elle lui donne tout, mais souhaite également le former à être son parfait successeur. La famille, de manière générale, est extrêmement importante pour elle. Cela dit, on ne parlera ici que de famille choisie. Son mari pourra témoigner depuis la tombe qu’elle ne le considérait pas vraiment comme faisant parti de la famille. Elle est exigeante, sans toutefois blâmer ses enfants. De manière générale, elle exige tellement d’elle-même qu’elle en attend également beaucoup des autres.

En filigrane de tous les autres points de son comportement, suinte un immense égoïsme. Cette femme cossue ne l’est pas devenu en donnant. Elle a tout gardé et s’est bien assurée que personne ne vienne toucher à son trésor. Aucun cadeau que Katherine fera ne le sera sans arrière-pensée. Elle ne s’en cachera d’ailleurs pas, en général. Elle est plutôt franche. Même si bien sûr, pour servir ses intérêts le mensonge est un outil comme un autre. Un autre outil qu’elle utilise d’ailleurs beaucoup est son talent d’oratrice. Elle parle bien, avec beaucoup de charisme. Il est difficile de ne pas la remarquer dans une assemblée, d’autant que son immense confiance en elle irradie comme un soleil.

Cela lui permet de guider facilement les plus effacés. Cela dit, vous n’apprécierez guère être guidé si vous êtes hybride. En effet, elle a pour passion de se venger des sévices qu’elle a subit plus jeune sur ses meubles. Or vous faites parti des meubles. Katherine n’a aucune pitié et peut faire preuve d’un sadisme effrayant dans ce contexte.

Chronologie:

2024 - 8 ans

- Aïe !

La jeune fille percuta un autre élève de l’école. Ce dernier s’écroula au sol, faisant tomber tous les papiers qu’il transportait. La jeune fille, elle, fit tomber son cartable qui se répandit au sol.

- Regarde ce que tu as fait ! Ramasse moi tout ça !

Le jeune garçon qui remettait ses lunettes regarda la pile de document sortie du cartable de sa camarade. C’est évidemment vers ce point que Katherine pointait son doigt accusateur. L’air légèrement effrayé, il se mit immédiatement à remettre les cahiers dans le cartable, faisant fi de ses propres affaires. Puis, il se mit à genoux pour le tendre à la jeune fille. Elle l’arracha d’un geste rageur avant de se détourner.

Que pouvait-il faire d’autre ? Le père de Katherine possédait littéralement l’école. Et si cette menace ne suffisait pas, l’attroupement de groupies qui accompagnait toujours Katherine fixait l’importun avec un air carnassier. Déranger la petite princesse, c’était s’exposer à de terribles représailles. La petite princesse, justement, se dirigeait vers la sortie de l’école. Sous les regards désabusés de tous les observateurs, et les regards envieux de ses accompagnatrices, la jeune fille monta dans la limousine qui l’attendait à l’entrée. Elle appréciait tous ces petits moments de gloire. Certes, ils lui étaient apportés par son père, mais cela n’en était pas moins agréable ! Elle était la princesse de l’école et personne ne pouvait dire le contraire.

Cependant, à la maison, elle n’était pas autant une princesse. Dans la voiture, Katherine prit le temps de se calmer et de se forger l’air le plus modeste possible. Face à tous ses frères et sœurs plus âgés, paraitre arrogante était la pire chose à faire. Elle se composa donc, comme chaque jour, un air de petite fille bien élevée. Arrivé au manoir familial, elle descendit de la voiture et commença à se rendre à sa chambre d’un pas distingué. A l’entrée, elle fut interceptée par une domestique qui l’interpela.

- Mademoiselle, votre père souhaite vous voir dans le bureau atlantique.

- C’est noté, je m’y dirige de ce pas.

Katherine infléchit immédiatement sa trajectoire pour aller voir son père. Lorsque ce dernier appelait, il fallait obéir immédiatement. Malheureusement, contrairement à sa mère, il appelait rarement pour parler de choses positives. Sans lâcher son cartable, la jeune fille se présenta rapidement au bureau où il l’attendait. Elle donna trois coups sur la porte avant de pénétrer dans la pièce. C’était une très grande salle avec un immense aquarium. Son père était assis face à un bureau ouvragé qui supportait un amoncellement de papiers et un ordinateur.

- Bonjour père. Vous m’avez fait mandé.

- Bonjour Katherine, oui viens donc t’assoir par ici.

La jeune fille se dirigea vers le bureau et s’assit là où on le lui avait indiqué. L’homme fouilla un instant parmi les papiers éparpillés et en sorti trois feuilles qu’il glissa vers sa fille. Il s’agissait d’évaluations que Katherine avait faites la semaine précédente. Toutes ses évaluations étaient directement envoyées à son père sans passer par ses yeux. Katherine frissonna.

- Je vois là un 17, un 15 et un 14. Ces notes ne sont absolument pas suffisantes pour une jeune fille de ton rang. Il me semble que j’avais été clair. Rien, en dehors de l’excellence, n’est tolérable dans notre famille. J’espère qu’il ne s’agit là que d’écarts ponctuels, et non d’une quelconque forme d’opposition aux règles de notre famille.

- Non père. Excusez-moi père. Je n’avais pas assez travaillé ces matières.

- Ah oui ? Eh bien il me semble de bon ton de te rappeler qu’il n’est pas tolérable de ne pas donner ton maximum. Tu seras privée de sortie pendant deux semaines. Et ce soir, tu dineras dans ta chambre. Marianne te donnera deux nouvelles interrogations sur ces matières après-demain. Je compte sur ta parfaite assiduité.

- Oui père.

- Tu peux disposer.

Bien qu’elle sortît dignement de la pièce, des larmes coulaient sur les joues de la petite. Elle avait prévue d’aller au cinéma avec ses copines le weekend suivant. Au lieu de cela, elle allait le passer à réviser des mathématiques et du français. Elle était dégoutée et triste, mais pas en colère. Elle savait qu’il lui fallait donner le meilleurs pour être digne de sa prestigieuse famille. Quoi qu’il en soit, c’était toujours la règle : travail et famille. Rien d’autre ne comptait, pour son père, sa mère, mais également pour elle.


2039 – 23 ans

Une petite goutte de sueur se glissa le long de la nuque de la femme. Certes, elle n’avait aucun problème à se présenter en public. Mais là, toute sa famille était présente. Son discours, comme son attitude, se devait d’être impeccable. Finalement, on l’appela pour se présenter sur scène. Sous un tonnerre d’applaudissement, Katherine White se leva de son siège. Avec un port altier, elle s’avança vers la scène et se présenta face au micro. Elle était vêtue d’une grande toge noire et du chapeau traditionnel des nouveaux diplômés.

- Je vous remercie tous pour ces années inoubliables. Si j’ai pu terminer ce double master en biologie médicale et en chimie organique, c’est grâce à vous tous ! J’ai travaillé d’arrache-pied pour réussir jusque-là. J’espère que nous réussirons tous avec toutes les connaissances que nous avons accumulées. Merci à tous !

Katherine s’inclina et regagna sa placer avec dignité, toujours sous un tonnerre d’applaudissement. Elle était et avait toujours été la princesse. Cela n’était pas prêt de changer, se disait-elle.

Lorsque la cérémonie prit fin, Katherine rejoignit sa famille. Son père et sa mère était là, ainsi qu’un de ses frères. Le père prit immédiatement la parole, coupant cour aux louanges que se préparait à lancer la mère.

- Très bien ma fille. As-tu un travail en vu à la suite de ces diplômes ?

- Oui père. Une société qui fabrique des médicaments m’a déjà démarchée. Je compte accepté leur proposition qui est financièrement intéressante et intellectuellement stimulante.

- Fort bien ! Cela dit, ne t’investit pas trop dans ton nouveau travail. Je t’ai trouvé un très bon parti. Je te présente Ryan Lockwood.

Le père s’écarta pour laisser passer un homme bedonnant. Il était plus âgé que la jeune femme d’un bon paquet d’année sans être particulièrement trop vieux. Ses yeux étaient fins, surement d’origine asiatique.

- Salut Kath. J’espère que je saurais être un bon mari pour toi.

Et il se fendit d’un clin d’œil. Le sang de Katherine ne fit qu’un tour. « Kath ». Le surnom allait vite devenir insupportable. Mais la diplômée savait pourquoi son père voulait qu’elle se marie avec cet homme. Sa famille faisait parti du nouveau parti qui influençait fortement la scène politique. Humanis. C’était une manière pour lui de lier la famille au pouvoir en puissance. Elle ne pouvait donc que baisser la tête et encaisser.

- Bonjour Ryan. Je serais ravi de faire plus ample connaissance avec vous. Et ultimement, de devenir votre femme.

Cette confirmation étira les lèvres du futur mari de plaisir. Katherine, elle, baissa la tête. De cette manière, on ne pouvait pas voir ses yeux lancer des éclairs ou les traits de son visage se tendre.


2041 – 25 ans

Le sifflement de la bouilloire se fit entendre dans le petit bureau. Il semblait que l’eau était chaude. Katherine se leva du bureau sur lequel elle révisait sa future présentation. Dans une petite tasse, elle mélangea l’eau avec un peu de miel et une poudre qu’elle récupéra dans un petit flacon à côté. Elle retourna s’assoir à son bureau avec sa boisson et attendit quelques minutes avant de le boire rapidement. Les effets se firent rapidement sentir. Tout son corps se détendit, lui apportant une sensation de bien être extrême. Tous ses sens étaient exacerbés, elle continua de réviser sa présentation avec une énergie décuplée et un esprit aiguisé.

Son mari était certes quelqu’un de peu recommandable, mais ses consommations avaient parfois du bon. Elle aurait pu se passer d’une petite addiction à certaines substances, mais au moins c’était agréable. Toujours plus agréable que lorsqu’il quémandait son dû en tant que mari. Dès qu’elle fut prête, la jeune femme finit de se préparer et quitta la pièce. Les effets de son petit remontant commençaient doucement à disparaitre, mais il se passerait quatre bonnes heures avant qu’ils ne disparaissent complètement.

Katherine se dirigea vers la salle de conférence dans laquelle l’attendait son mari et ses amis. L’un des amis en question était même le patron de l’entreprise dans laquelle elle travaillait. Cela ne l’arrangeait pas vraiment, mais elle n’avait pas vraiment le choix. Elle se dirigea vers la place du présentateur et brancha son ordinateur en s’adressant à son audience.

- Bonjour messieurs. Si vous êtes prêts nous allons pouvoir commencer.

- Salut Kath ! Dis-donc tu es bien maquillée aujourd’hui.

« Kath » l’assassina du regard. Il s’agissait du meilleur ami de son mari, qui échangea un regard malicieux avec ledit mari. La remarque n’était pas anodine. Si elle était énormément maquillée, c’était pour masquer les multiples marques qui auraient pu être visible sur son corps dans sa belle robe beige et échancrée. Les jeux de son mari pouvaient parfois être quelque peu violents, et l’ami le savait très bien puisqu’il lui arrivait d’avoir le droit d’y participer. Tous les autres amis savaient ce qui se passait, et avaient surement des comportements similaires avec leurs femmes respectives. Mais il fallait bien préserver les apparences. Dans la famille, les apparences étaient sacrées.

Katherine ne réagit donc pas plus que cela à la remarque et commença sa présentation. Elle venait présenter les fruits de son travail sur une nouvelle drogue de synthèse. La plupart des amis de son mari faisaient parti du même réseau de trafic de drogue. Or ces derniers temps, l’étau de la loi avait tendance à se refermer autour d’eux. L’avantage des drogues de synthèse, en plus de présenter des effets inédits, était qu’elles étaient le plus souvent légales car pas encore illégales. Les compétences de Katherine les intéressaient beaucoup, et son travail fut largement loué par l’assistance.

La production des drogues signées « Lockwood » allait pouvoir commencer.


2048 – 32 ans

- Maman ! Maman ! Tu veux bien jouer avec moi !

Le regard ombrageux de Katherine glissa vers son fils qui venait de passer la porte. Il avait 6 ans et tentait systématiquement de voir sa mère, qui n’avait absolument aucun intérêt à s’occuper de lui. Trop occupée à travailler pour l’entreprise et faire fructifier leurs actifs à elle et son époux, elle ignorait complètement ses deux jumeaux depuis leur plus tendre enfance. C’étaient les domestiques qui les avaient élevés, une situation qui ne convenait toujours pas au jeune garçon.

- Non je n’ai pas le temps chéri. Va donc jouer avec ta sœur.

Sa sœur, elle au moins, avait compris. Elle était un peu plus dans les pattes de son père, mais beaucoup moins que ne l’était leur jeune fils avec elle. Les deux jumeaux passaient beaucoup de temps ensemble et peu avec leurs parents.

- Mais tu ne joues jamais avec moi ! Et elle a été méchante avec moi !

- Ne me force pas à appeler ta gouvernante !

Cette menace eu l’effet escompté. Le jeune garçon se tut et parti l’air triste. Katherine s’en moquait, elle était clairement mariée avec son travail. Les enfants avaient été voulus par son mari. Il n’avait qu’à s’en occuper. Elle avait suffisamment à supporter de devoir remplir régulièrement ses devoirs d’épouse.


2049 – 33 ans

Les yeux scrutateurs de la femme fixaient une machine, alternant entre l’écran et le récipient qui tournait. La réaction se produisait correctement, il allait bientôt être l’heure du test. Ces derniers temps, Katherine travaillait sur des sédatifs et des anxiolytiques. Elle avait soupé des drogues récréatives et s’intéressait aux effets d’autres substances sur l’organisme. De plus, à sa grande joie une nouveauté s’était invité dans ses recherches : les hybrides.

Voyant que l’expérience se passait bien, elle se détourna pour s’approcher du jeune homme fixé sur une table. Ou plutôt, du jeune hybride. Katherine s’était bien vite accommodé à l’idée de posséder des êtres conscients. C’était de cette manière là que Chroma et les politiques les vendaient, or de toute manière la femme n’avait jamais vu les personnes plus basses dans la hiérarchie comme mieux que des objets.

Ceux-là en avaient en plus le statut juridique.

Il lui était donc possible de tester ses nouveaux produits directement sur des organismes qui ressemblaient fortement aux humains. Cela lui évitait de faire payer des campagnes de tests sur les humains à la société. Campagnes qui étaient à la fois bien trop couteuses et bien trop encadrées. Les hybrides avaient cette grande qualité qu’on pouvait leur faire quoi que ce soit sans être hors la loi. Katherine saisit donc le tube qui dépassait de la machine, le glissa dans une seringue et l’injecta à son cobaye. Ce dernier était bâillonné et bardé d’électrode sur son crâne rasé. De cette manière, la scientifique voyait évoluer l’effet de son activité cérébrale au rythme où l’anxiolytique faisait effet. Malheureusement, ce dernier eu un peu trop d’effet. Les yeux du sujet devinrent rapidement vitreux et son rythme cardiaque descendit en chute libre.

Katherine jura. Elle appela immédiatement un assistant qui arriva avec un défibrillateur. Il réussit de justesse à le réanimer, mais ils avaient failli perdre un sujet. Et ce dernier serait hors d’usage pendant un long moment au vu de la puissance de ce qui courait dans ses veines. Il était dans le coma. Cela ne convenait pas du tout à la scientifique qui se replongea dans ses formules, cherchant à quel moment elle avait bien pu commettre une erreur…


2050 – 34 ans

Un hurlement déchirant éructa des lèvres de Katherine. Son corps tremblait de la tête aux pieds, Ses mains se crispaient sur les draps. Elle ne supportait pas la douleur qui parcourait son être de part en part. Pourtant, elle avait déjà accouché de jumeaux. Elle n’avait pas eu d’anesthésie la première fois non plus et tout s’était bien passé. L’enfer était tel qu’elle finit par tomber dans le coma.

Lorsqu’elle se réveilla, elle se trouvait en salle de réanimation ; La douleur était toujours là, mais bien moindre. Un médecin vint la voir pour lui expliquer ce qui s’était passé. On lui déclara qu’elle avait fait une fausse couche, et que son corps était endommagé. Elle ne pourrait très probablement plus avoir d’enfants. Sur ces mots, le médecin s’en fut. Katherine était seule dans la salle de réanimation. Elle se tata l’entre-jambe, rien de particulier n’était à noter. Les dommages étaient internes. Elle qui n’avait jamais vraiment voulu d’enfants, était pourtant sous le choc. Jamais plus elle ne pourrait enfanter. Une larme coula le long de sa joue.

Lorsqu’elle sortit finalement de l’hôpital. Elle trouva son époux et leurs deux jumeaux. Là, pour la première fois de leur vie, leur mère les enlaça. Elle les enlaça comme si sa vie en dépendait. Tous furent surpris, le mari comme les deux enfants qui ne recevaient jamais ce genre de marque d’affection de la part de leur mère.

A la suite de cet évènement, l’attitude de Katherine envers ses enfants changea du tout au tout. C’étaient les êtres nés de sa chaire, et les seuls qu’elle ne mettrait jamais au monde. Elle commença à s’occuper d’eux. Elle quitta même son travail pour se laisser plus de temps. Bien sûr, elle n’abandonna pas ses recherches pour autant. Mais elle commença à les tenir toute seule, dans un laboratoire construit au sein même de leur manoir. Cela lui laissait plus de temps et lui permit d’en passer beaucoup avec ses enfants. Si la jeune fille restait méfiante et préférait se réfugier dans le bureau de son père, son frère, lui, en fut très heureux. Il commença à passer tout son temps dans le bureau et le laboratoire de sa mère. Tant et si bien qu’il finit par l’assister, elle jouait avec lui, et lui faisait participer à certaines de ses consommations, pas toujours adaptées à son âge.


2051 – 35 ans

Katherine avait toujours eu l’âme d’une collectionneuse. La scientifique collectionnait les substances, les lames. Son mari avait toujours eu un faible pour les reptiles. Une partie de leur manoir était entièrement dédié à de nombreux vivarium pour des espères plus exotiques les unes que les autres. Avec l’arrivée des hybrides, c’était l’occasion de mutualiser leurs passions. Ils décidèrent donc de créer un zoo de reptiles hybrides. C’était une idée formidable mais qui impliquait de réussir à faire de ces jeunes esclaves des animaux dociles. La scientifique se porta immédiatement volontaire pour atteindre ce résultat. Franchement, elle avait assez souffert des mains de son mari. Avoir un cheptel auquel elle pouvait infliger tout ce qu’elle désirait pour les rendre dociles, quel plaisir.

C’est là qu’elle tomba sur Saorsa. Ce petit husky était si mignon. Il n’y avait que son fils pour être plus mignon, mais ce n’était pas la même chose. Là, elle avait un jeune hybride reptile au sang chaud qui était si prêt à se soumettre. Il avait tout de désirable. Malheureusement, son attachement pour cette alligator insupportable, Ha-neul, l’empêchait d’être totalement dévoué. D’un côté, elle était un très bon moyen d’obtenir tout ce qu’elle souhaitait de lui, d’un autre, elle l’empêchait de lui être complètement dévoué.

Katherine joua un moment avec ce duo, puis se fit malheureusement avoir. Ha-neul lui détruisit les yeux en lui crachant du venin au visage. Elle se retrouva en convalescence pendant des mois avant de retrouver la vue, ce qui l’empêcha de s’occuper du zoo, de voir son inauguration ou même de profiter de Saorsa.

Lorsqu’elle revint finalement, elle commença par aller visiter le zoo. Elle contempla le fruit de son travail et en fut largement satisfait. Les hybrides étaient beaux, bien mis en valeurs. Tout était parfait. A un détail près. Elle ne retrouvait plus Saorsa. Elle se dirigea vers le bureau de son mari, et lui demanda ce qu’il avait fait de son hybride chéri. Le mari lui répondit avec flegme qu’il l’avait revendu car il n’avait rien de spécial. En plus de cela, l’autre alligator aux yeux jaunes qui l’accompagnait s’était enfuit. Katherine resta calme en sortant du bureau. Elle savait qu’il ne fallait pas exploser en face de son époux. Cependant, en arrivant dans sa chambre, elle hurla. Son fils qui venait la voir se cacha en laissant passer la vague de colère qui envahissait la pièce. Ce bâtard avait vendu son petit protégé et avait laissé s’évader sa truie de compagne. Elle se jura de les retrouver et de leur faire payer.


2052 – 36 ans

Le divorce. C’est ce que monsieur Lockwood allait demander. Katherine n’était pas dupe. Elle avait son réseau, surtout parmi les amis de son mari. Entendant la nouvelle, elle sut qu’il lui fallait agir vite. Bien qu’elle ne puisse être totalement laissée à la, rue, elle allait perdre une grande partie de ses possessions. En effet, même si à ce jour l’entreprise des Lockwood et son trafic dépendait à 80% d’elle, son mari restait propriétaire de la majorité des actifs. S’il s’en allait avec, il lui faudrait reconstruire beaucoup. Cela ne convenait pas à la scientifique.

Une fois que son plan fut mis en place, elle le déclencha. En utilisant certains hybrides de la maison, elle s’arrangea pour empoisonner son époux. Le poison était de sa confection : indétectable. Son mari mourut quelques jours après l’avoir ingéré, avec les symptomes d’une puissante angine. La police eut beau tenté de trouver une origine non naturelle à la mort, l’affaire fut classée sans suites. Katherine Lockwood hérita de l’ensemble des possessions de la famille Lockwood. Elle consola ses enfants du mieux qu’elle put. Son fils pleura toutes les larmes de son corps mais finit par se calmer dans les bras de sa mère. La fille resta prise d’un doute, bien plus consciente des enjeux que son frère. Elle restait méfiante vis-à-vis de sa mère, mais cela ne posait aucun problème à cette dernière. Le plus important, c’était son fils.


2055 – 39 ans

C’était une confortable matinée d’été. Katherine venait de faire l’ouverture de son zoo et en parcourait les allées. Elle s’arrêtait devant quelques spécimens particulièrement beaux qui lui faisaient des signes et lui souriaient. Tous ces hybrides étaient divertissants. Certains posaient pour les photos, pouvant même accepter des humains dans leur vivarium pour cela. D’autres racontaient des histoires ou faisait gentiment la conversation.

Tout cela, c’était dû au travail de la scientifique. À la suite de sa mésaventure avec Ha-neul, elle avait mis tout son savoir et son expérience dans cette mission : faire des hybrides des êtres dociles et obéissants. Chacun se voyait mélanger à sa nourriture un cocktail de substances de sa confection, et tous savaient ce qu’ils encouraient en cas de non-respect des règles. La plupart étaient même heureux de le faire. Le petit iguane qui racontait des histoires par exemple, il n’avait pas besoin de les inventer. Il était juste sujet à des hallucinations très créatives qu’il lui suffisait de raconter, et il adorait cela. Pour tous ces hybrides dont le cerveau était conditionné, la pire punition était de se retrouver priver de certains composants essentiels. Bien entendu, les méthodes étaient diverses, adaptées au sujet, mais le résultat était là.

Alors qu’elle était perdue dans ses pensées, un homme vint l’aborder.

- Bonjour madame Lockwood. Vous avez un bien beau zoo.

- Bonjour monsieur, je vous remercie du compliment. A qui ai-je l’honneur ?

L’homme tendit sa carte immédiatement, comme s’il n’attendait que cette question pour le faire.

- Arthur Schopenhauer, enchanté. Il se trouve que je suis fasciné par vos méthodes. J’aimerais beaucoup savoir de quelle manière vous réussissez à avoir autant d’hybrides si dociles.

- Enchanté monsieur Schopenhauer. Malheureusement il s’agit là d’informations confidentielles. Je ne voudrais pas que tous mes secrets soient reproduits chez d’autres voyez-vous. Mon zoo est unique.

- Est-ce que des substances étranges seraient impliquées dans…

- N’insistez pas monsieur où je me devrais de vous demander de sortir.

L’homme sembla assez renfrogné de cette réponse. C’était un connaisseur. En effet, la seule chose qui permettait de savoir que tous ses hybrides étaient sous l’effet d’une drogue était la dilatation de leur pupille. Une dilatation qui n’affectait pas tous les hybrides car cela dépendait des substances. Il n’avait pas dit son dernier mot.

- Et que penseriez-vous de venir travailler pour nous ? Je suis manageur pour la branche éducation hybrides de Chroma. Vos compétences pourraient être extrêmement utiles à notre organisation. Nous pourrions vous mettre à disposition un environnement de travail parfait et vous octroyer une rémunération substantielle.

- Ah oui ? Que diriez-vous de me donner plus de détails.

Les deux échangèrent un long moment, mais Katherine finit par accepter le poste. Cela faisait un bon moment que les entreprises Lockwood s’auto-géraient, et elle avait fini de peaufiner le zoo. Ce poste lui fournissait un nouvel objectif tout à fait intéressant et lui permettait d’étendre son influence à d’autres sphères. Mr Schopenhauer et la scientifique finirent par tomber d’accord sur le détail des conditions. Elle devint ainsi éducatrice pour Chroma.


2062 – 46 ans

Cela faisait sept ans que Katherine était éducatrice pour Chroma, lorsqu’elle entendit à nouveau parler de Saorsa. Durant toutes ces années, elle avait continué de perfectionner son art. Son nouveau travail lui avait permis d’étendre ses contacts. L’une de ces contacts, en l’occurrence, lui avait loué Ha-neul pour une brève période un an seulement après sa prise de poste. Elle l’avait payé le prix fort, mais un prix tout à fait valable. Elle lui avait fait payer. Que ce moment était jouissif. Certes, la scientifique avait un peu abusé des bonnes choses. Elle n’était pas si violente à l’accoutumé. Mais ce duo d’hybride lui donnait vraiment des pulsions incontrôlables. Elle ne regrettait absolument pas sa vengeance.

Entre temps, Saorsa était réapparu. A priori, il avait rejoint les déviants et commettait des assassinats. Imaginer le jeune chiot qu’elle avait recueilli tuer quelqu’un dérangeait Katherine. Il fallait absolument qu’elle lui mette la main dessus, pour lui apprendre le comportement convenable d’un hybride. Elle qui avait globalement oublié son fantasme durant les années qui avaient suivis sa vengeance sur l’alligator, cette nouvelle information ravivait la flamme. Elle commença à fomenter les méthodes qu’elle allait utiliser pour le briser. Mais rien que le revoir serait en soit déjà fort agréable…