Il fut un temps où ton nom faisait frémir les propriétaires les plus audacieux. Tantôt objet de convoitise, tantôt monstre incontrôlable qu'on ne pouvait stopper que par la force. Un mental tellement solide qu'il entraînait ton propre corps dans une démesure que peu comprenaient : une force brute, dévastatrice, qui eut le mérite de te sauver à plus d'une reprise.

Cependant, depuis ton expérience comme cobaye pour Humanis, ton tempérament n'est plus celui qu'il était. Des excès de colère ravivent parfois cette bête qui ne voulait qu'oeuvre pour le bien, mais désormais, la peur paralysante peut aussi contrôler tes gestes. Comme un animal brisé, tu vis désormais avec ce trauma qui n'est pourtant qu'une brève illustration de ce que l'humain peut faire endurer à une race qui jauge inférieure.

Une partie de toi voudrait créer cette arche de Noé contemporaine et ramer à mains nues pour emporter loin de cet enfer tout tes semblables; une autre partie a abandonné. Ta sortie est encore trop récente pour que l'oubli s'efface, et que tes valeurs les plus enfouies décident de refaire surface.

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- Tu verras, un jour on sortira de cette galère et on pourra vivre loin de toute cette merde

Ses yeux humides et aussi clairs que la lune te donnent tout ce dont tu avais besoin : Une confiance aveugle, ta raison d'être.. Une survie pour l'espoir, le renouveau, le retour d'un monde plus juste. Saorsa n'avait alors que des rêves pour s'élever, et cette naïveté était ta plus puissante arme. Il te donnait malgré lui une force viscérale qui sortait droit de tes entrailles. C'était alors l'époque de l'alligator, fort, inébranlable.

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Toujours les mêmes regards. Emplis de vices. Emplis de désirs. Ton esprit s'échaude alors à ne pas faiblir; parce que tu devais survivre, parce qu'un jour, c'est eux qui finiraient entassés dans des cages en verres, exhibés comme des trophées vivants (ou pas encore morts). Les zoos privés étaient monnaie courante pour les plus riches : et une belle façon d'afficher sa fortune. Des propriétaires bien gras s'évertuaient à faire l'apologie de votre beauté froide (reptilienne) mais étaient incapables de s'entretenir eux même. Comme tout homme possédant tout, ils se lassent rapidement, finissent par exécuter ceux qui ne les intéressent plus, renvoient les autres quand le coeur leur en dit. Tu fais partie de ceux qui restent, qui subissent, qui hurlent silencieusement quand leurs amis disparaissent. Saorsa ne laisse derrière lui qu'une ombre qui ne quitte plus jamais ta cage.... Et ce puissant sentiment d'incapacité qui ronge tes os.

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Ce n'est qu'accrochée à la violence de vouloir rattraper le temps que tu parviens à t'échapper de ton trou. Ta colère te rend intenable, encore plus qu'avant. Ta force brute mêlée à ton instinct te permettent de retrouver en peu de temps celui qui donnait vie à cette même puissance. Il avait survécu : toi aussi. Vous survivrez ensemble. Tes propriétaires avaient commandité une traque à ton nom, mais là encore, vous prenez le dessus, à deux.

C'est là qu'Unity vous repêche et sauve le peu d'humanité qu'il te reste. Réparée comme un pot cassé, tu t'accroches à leurs beaux mots pour ne pas oublier ; pour ne pas tomber dans un cercle vicieux qui alterne entre démence et esprit de revanche. Ils vous cachent, vous donnent accès à la liberté masquée, retirant vos chaînes et ouvrant votre horizon à la clandestinité. Pendant 3 ans, vous apprenez à vivre comme l'humain, à imiter leurs mimiques, à manger, à boire dans la dignité. Vous retrouvez une pudeur, une candeur, un coeur et des rêves. Mais cela se brise de nouveau.

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Il avait fallu un mot, un seul pour que l'apocalypse vous retrouve. Humanis. Un mauvais contact : et votre vie avait été happée de plus belle. Ses pleurs disparaissent dans tes cris ; on t'emporte pendant qu'il s'enfuit.

Humanis achève le travail de Chroma avec brio : Ils avaient fait de toi une bête entière. Ta part d'humain disparait au profil de la peur, sous la torture, de la colère, sous l'injustice, de la folie, dans l'oubli. Petit à petit, tout ce qui avait été bon et chaud était devenu un glacier ensanglanté. On te noyait régulièrement dans des eaux océaniques pour admirer ta capacité à y survivre. Ton apnée était digne des monstres marins, mais ton corps, lui, mourrait à petit feu sous les crocs du froid.

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On t'annonce que ta peine touche bientôt à sa fin; mais quand la porte de la cage s'ouvre, tu ne sors pas, au contraire, tu fais un pas en arrière. Trop habituée à être emmenée pour tester ta résilience, ta capacité à endosser la souffrance. Trop usée et brisée pour avoir confiance à nouveau. L'oubli avait forgé un profil ingrat, perturbé, incontrôlable.

Alors quand on te jette sans délicatesse dans les bras de New York, tu t'y perds.. inéluctablement. En animal brisé, tu caches toute cette rancoeur, obéissant à ceux qui jadis n'avaient nul pouvoir sur toi. Achetée pour une maudique somme par un humain qui avait pour plan de faire fortune d'un commerce de service (évênementiel); tu masques cette pépétuelle envie de t'enfuir par de faux airs. Factice, en regret d'un temps volé : C'est désormais l'ère du cobras, sinueux... tapis dans l'ombre.