Enthousiaste ~ Délicate ~ Attachante ~ Sociable ~ Passionnée
Hautaine ~ Manipulatrice ~ Anxieuse ~ Superficielle ~ Dépensière
Le caractère d’une personne se construit au fil de son parcours, des épreuves qu’elle vit. Comment fait-on quand on a l’impression d’avoir vécu mille vies en une ?
Peut-être est-ce à cause de ton métier, peut-être à cause de ton vécu ; mais tu as appris à porter un masque, quoi qu’il arrive. Tu fais partie de ces gens qui mettent les autres dans des boîtes, et tu colles des étiquettes dessus.
Il y a ceux que tu acceptes près de toi, tes
proches et amis, qui sont peu nombreux. Ceux-là connaissent la vraie Anna ; celle qui est douce, attachante, rigolote mais aussi anxieuse et parfois triste. Eux savent comment tu fonctionnes, ils savent lire dans tes grands yeux expressifs ce que tu tentes de cacher au reste du monde. Face à eux tu acceptes d’être vulnérable, d’avoir des failles, de ne pas être parfaite.
Ensuite, il y a ceux que tu nommes
connaissances. Ils ne sont pas méchants, mais tu n’as pas forcément envie d’être trop proches d’eux. Certains te font sentir que tu dois te méfier, au cas où. D’autres te traitent avec le même détachement qu’Adam sur la fin de votre relation, alors tu sens que tu dois te préserver. Et d’autres encore tentent de rentrer dans ta bulle avec tant d’ardeur que tu as l’impression d’étouffer. Face à eux, tu sors ton plus beau sourire d’apparat. Tu es celle qu’ils veulent voir, celle dont ils rêvent ; délicate, sociable et pourtant tellement superficielle et hautaine. C’est peut-être ça, qui les amène à toi. Tu es la lumière qui attire les papillons avides de reconnaissance, d’admiration. Une sorte de façade parfaite qui cache une vérité plus triste.
Et il y a
les autres. Eux ne voient que ce que tu as envie de leur montrer. Tu es le reflet de ce dont ils rêvent, tu es ce qu’ils attendent de toi finalement. Un caméléon, peut-être. Tu t’adaptes, tu façonnes ton image à leur convenance. Face à eux tu donnes l’impression de plier ; tantôt douce, tantôt sauvage. Tu te laisses caresser, puis tu mords la main qui t’offrait de la tendresse. Captivante, envoûtante et pourtant un véritable poison. Manipulatrice pour arriver à tes fins, passionnée pour faire croire monts et merveilles. Oui, tu es ce qu’on attend de toi, rien de plus, rien de moins.
C’est épuisant, et tu te passerais bien de tout ça. Tu aimerais pouvoir être toi-même, mais à croire que ton métier t’a appris à ne jamais t’ouvrir totalement aux gens. Tu as assimilé qu’il faut porter un masque, qu’il faut rentrer dans la peau d’un personnage. Tu es ce qu’on attend, à tel point que parfois, tu ne sais plus qui tu es réellement.
Pourtant quand on gratte, on réalise à quel point tu es une belle personne ; tu es douce, aimante et attentive. Tu as de l’amour à revendre, mais tu souffres cruellement de solitude. À force de vouloir te préserver du monde entier, la jolie fleur que tu es a fini par faner.
- CHRONOLOGIE:
21 mars 2032 : Naissance
2047 (15 ans) : Sa mère la présente à son agent et la fait entrer dans le monde du mannequinat puis du cinéma.
2052 (21 ans) : Grosse dispute avec Ethan, parce qu’il est forcé de rentrer dans la BTD et qu’il lui en veut de ne pas avoir à subir la même chose.
2059 ( 27 ans ) : Alors qu’elle est fiancée depuis un an, elle tombe enceinte. Quelques semaines avant la fin du terme, elle a un accident avec son compagnon ; tous les deux sortent indemnes, mais elle perd le bébé. S’ensuit une longue période de vide pour elle, et son compagnon la quitte.
2062 (30 ans) : Présent
Anna Iseul Campbell. C’est ainsi que l’on t’a nommé quand enfin, tu as décidé de montrer le bout de ton nez. Anna en premier, pour faire honneur au pays qui est désormais ton foyer ; Iseul ensuite, pour ne pas oublier tes origines coréennes bien ancrées. Ce prénom a une si jolie signification ; il parle de rosée du matin, pour la jolie fleur que tu es. Pourtant, tu ne l’as presque jamais donné, car on t’a habitué à t’appeler
simplement Anna.
Ça, c’est la faute de ton père. S’il était pressé de devenir parent, il s’est rapidement lassé du devoir que lui incombait ce rôle. Ce n’est pas grave, ta mère, elle, est un ange tombé du ciel. Et on peut dire que pour le coup, tu n’as jamais manqué de rien.
Tu fais partie de ces gens qui ont eu la chance d’être bien né, comme on dit. Une famille riche, car il n’y a pas d’autre manière de le dire ; un père lieutenant dans la BTD, une mère à la fois mannequin et actrice. Bien qu’elle fut obligée de stopper sa carrière dans le mannequinat lorsqu’elle tomba enceinte, elle n’a pas arrêté le cinéma.
De tes yeux d’enfants, tu l’as toujours vu comme une magicienne ; cette capacité qu’elle avait à changer de casquette, de personnalité pour un rôle, toi aussi tu voulais apprendre. Toi aussi, tu voulais devenir comme maman. Après tout, les enfants reproduisent ce qu’ils voient paraît-il.
Mais papa, dans tout ça ? Absent. Et la naissance de ton petit-frère quelques années après toi n’a rien changé. Enfin, c’est ce que tu aurais voulu, n’est-ce pas ?
Mais lorsque Ethan est né, c’était différent. Ton père est devenu présent, ton père prenait soin de lui. Toi, quand tu lui demandais un peu de son temps, il t’ignorait la plupart du temps, prétextait avoir du travail mais lui… Ah, son précieux petit garçon, l’héritier de la lignée de chasseurs que sont les Campbell, c’est ce qu’il adorait dire. Toi, tu es une fille, tu n’es pas fait pour ce genre de chose. Tu joues à la dînette et à la poupée, et tu te caches dans les jupons de ta mère quand tu as trop peur. Vous n’êtes pas les mêmes.
Et c’est là que votre éducation a commencé à différer ; toi, tu es une princesse. On te met sur un piédestal, on t’offre des bijoux et de belles tenues, on t’apprend à sourire et à être discrète pour plaire. Lui, on l’entraîne dès son adolescence, on l’emmène à la chasse, on lui met rapidement une arme entre les mains, pour l’éduquer comme ton père disait.
Tu n’as jamais jalousé cette éducation, tu n’en aurais pas voulu. Mais tu as vu dans le regard d’Ethan que lui non plus, ne voulait pas de tout ça. C’était trop tard, n’est-ce pas ? Et puis toi, personne ne t’écoute. Et ta mère te demande de ne pas t’interposer ; tu connais les colères de ton père.
Il en a fait une, d’ailleurs, de crise ; quand ta mère t’a présenté à son agent alors que tu n’avais que quinze ans. Bien sûr qu’on t’a tout de suite proposé du travail, tu étais la fille de Choo Campbell, et si elle avait arrêté sa carrière de mannequin pour s’occuper de ses enfants, toi tu avais la plastique pour. Mais papa, lui, n’était pas pour. On n’expose pas sa gamine sur une façade d’immeuble comme il a dit. Est-ce que c’est pour ça que Ethan s’est mis entre vous la première fois ? Mince, tu ne te souviens même plus du pourquoi, mais tu te rappelles encore du bruit de la gifle qu’il a ramassé en prenant ta défense. Après, tu as oublié, parce qu’il y en a eu trop.
Et finalement, ton adolescence n’a été que ça ; shooting photo, crises de ton père. Casting pour des films, crise de ton père. Et à chaque fois, Ethan prenait les coups à ta place.
Pourtant, le maquillage peut effacer les traces. C’est terrible, mais c’est ce que tu en étais venue à penser, en voyant ta mère faire. Tu lui en as voulu, n’est-ce pas ? De le laisser faire, et de se laisser faire. Tu as toujours trouvé ça stupide. Préserver une image alors que tout le monde est malheureux, à quoi ça sert au juste ?
Toi, tu es vite partie de la maison. Enfin, tu as fui. Quand ton frère a dû rejoindre la BTD, vous vous êtes disputé, fort. Il t’a reproché de lui avoir volé sa vie, alors qu’il n’avait le choix de rien. Toi, mannequin et actrice alors que lui… En tant qu’homme, on a décidé pour lui ; c’est de famille, comme l’a répété ton père. Il aurait préféré défiler sur un podium, et on lui a mis une arme entre les mains.
Alors c’est tout naturellement que tu es partie finalement. Tu as voulu l’épargner, tu as voulu t’effacer, pour qu’il te supporte un peu moins. Tu t’es dit que sinon, il allait réellement finir par te détester. Ta seule crainte était de ne plus être présente pour eux, au cas où.
Car tu sais que les choses ne sont pas allées en s’arrangeant. Ta mère n’a jamais voulu entrer dans les détails, mais ton frère a fini par partir avec son petit-ami, puis tout est devenu flou, et tu as perdu le fil. Ou bien est-ce parce que ta vie à toi aussi, a dérapé ?
Tu l’as rencontré, lui. Adam Johnson, un beau mannequin qui faisait tourner les têtes. Il a posé les yeux sur toi, et tu te souviens t’être dit “Alors, c’est ça le coup de foudre ?”
Ah ma pauvre, tu es tombée si vite amoureuse. Les présentations aux parents, l’idylle parfaite, la demande en mariage avec la jolie bague, tout. Tu as tout eu. Vous étiez mis en avant dans les magazines, on racontait votre histoire, comme un
couple goal.
Tu es tombée enceinte, alors vous avez repoussé un peu votre mariage. Tu as pris une pause, pour te préserver pendant ta grossesse, et il s’est occupé de toi.
Ce jour-là, vous n’aviez fait que sortir pour vous promener. Tu avais envie d’une glace au bord de la plage, parce que tu étais un peu triste. Alors vous avez pris la voiture, parce qu’il a voulu te faire plaisir. L’accident vous aura coûté bien plus que ce que tu aurais pu imaginer. Tu te souviens encore de la violence du choc, lorsque cette voiture venant à contresens vous a percuté de plein fouet. Par réflexe, tu avais placé tes mains sur ton ventre, pour protéger la vie que tu abritais. Celle qui devait naître quelques semaines plus tard à peine. Rose, c’est comme ça que tu voulais l’appeler. Mais on te l’a prise.
Combien de temps es-tu restée à l’hôpital après ça ? Tu ne sais même plus. Quand tu t’es réveillée, ta mère et ton frère étaient là, mais pas ton père. Pas Adam. Tu avais encore du mal à reprendre pied qu’on t’a annoncé la nouvelle : tu avais perdu ton bébé. En réalité, tu le savais avant même qu’on te le dise, tu l’avais vu dans les yeux de ta mère. Elle qui semblait désolée, qui semblait chercher les mots.
Ça ira, c’est promis.C’est un mensonge. Personne ne devrait faire ce genre de promesse, jamais. En la perdant elle, tu as perdu un petit bout de ton âme. Tu es morte, avec elle.
Alors la sortie de l’hôpital n’a rien changé, et ta relation avec ton compagnon s’est détériorée, peu à peu. Il a essayé au début, d’être là pour toi, de prendre soin de toi. Mais finalement, tu n’as fait que le repousser.
Bloquée, c’est ce que tu étais. L’impression d’être morte, mais pourtant bien présente et coincée dans un monde dont tu ne veux pas. Pas si elle n’est pas là. Et lui n’y comprenait rien, car plus tu le repoussais, et plus il devenait agressif, acide avec toi. Ta froideur et ton détachement a fini par envenimer la situation jusqu’à ce qu’il craque, et qu’il parte. Oui, lui aussi, il est parti.
Et là tu as compris, pourquoi ta mère préservait les apparences en restant avec ton père ; parce qu'il faut garder la face pour le bien commun.
Il t’aura fallu plusieurs années, pour surmonter tout ça. Il t’aura aussi fallu affronter les détracteurs et autres journalistes qui te demandaient des comptes, quant à ton retour. Sans le soutien de ta mère et de tes amis, tu ne serais peut-être plus là.
Et si cette épreuve s’est passée il y a quelques années maintenant, tu as encore l’impression de la revivre certaines nuits ; les cauchemars peuvent parfois être si réels que ça en est cruel.
Ça ira, c’est promis.