Engoncé dans un hoodie sombre dont la capuche embusquait ses oreilles, elles papillonnaient, attentives, quand lui n’était qu’un être fébrile et instable. Aujourd’hui, aurai-je peut-être l’occasion de tuer à dessein personnel songea-t-il, balayant la pièce du regard, ses pupilles s’accrochant nerveusement à celle d’Ash. Tuer. Tuer. Elle ne l’avait jamais vu assassiner. Elle n’avait jamais vu sa lame trancher la chair jusqu’à que l’hémoglobine macule ses vêtements, imprégnant le tissu avant même d’imprégner leurs sens : d’emplir leurs palais de son goût métallique, de couvrir leurs nez de ses atomes acides, de n’être qu’un élément des sens, de la vie, la vie qu’on fauche. Un frisson parcourut son échine jusqu’à hérisser le duvet de sa nuque et animer sa chaire de l’allure volatile. La voix de Park flottait sans atteindre, réellement, ses élucubrations obsédées par la moitié qui siégeait à ses côtés. Nerveusement, sa main glissa sur sa cuisse, sous la table, quand ses pupilles instables, oscillant entre chaque entité, épousèrent Loden. Il était une figure notoire dans cette mission : celui qui menait les fournisseurs dans leurs périples, quitte à abandonner des cadavres dans leur sillage. Il cherchait du réconfort dans la figure muette, comme il l’était tous, à cet instant. Des lèvres scellées accueillant les ordres prononcés avec docilité, chaque information pourchassant ses propres convictions dans cette lutte.

« Enchanté. » lâcha-t-il simplement, sa voix obstruée par tous les mésaises qui en tenaillaient chaque corde vocale à cet instant, quand Park s’adressa à lui. Ses doigts se crispèrent sur cette cuisse qu’il avait tant épousé, quand ce fut au tour d’Ash d’être inclue dans la discussion ; jusque-là, il ne voulait y croire, mais toutes ses terreurs se muèrent en chimères, paradoxalement, réelles. Ashley Carlson pouvait s’éteindre dans cette bataille, et avec elle, leur futur, son futur, celui d’un être incapable de palabrer. Il toisait Park, maintenant, cherchant à déceler les dangers de cette mission qu’ils avaient, tout deux, décider d’affronter ensemble. Il tâchait d’écouter la suite de la mission, malgré la peur dont le voile noir enserrait son aorte fébrile, en cet instant, ces battements semblant irréguliers, comme si la crainte pouvait obliger ses passions, leur organe, à cesser de battre.

Deux armes glissèrent sur la table : une pour Twinky – qu’il ne connaissait guère, une pour Ash’, qui fendit son cœur avec une balle imaginaire, elle avait déjà tiré. Il déglutit, difficilement, en se relevant. Ses jambes étaient fébriles, mais il suivit le groupe qui se mouvait comme un seul, et unique, être vivant. « Comment se déroule la mission ? Devons-nous être discrets ? Ou les affronter, directement ? Devons-nous épargner le plus de personnes possibles ? Ou n'en a-t-on cure des morts ? » Les questions s’étaient éludées de ses lèvres, déliées par l’habitude de la besogne, sans qu’il ne songe à sa moitié. Sur le chemin, il tapota l’épaule de Loden et quand leurs regards se croisèrent, il joint son index et son pouce  lui signifiant qu’il était à ses côtés. Un geste anodin qui remplaçait toute parole, pour cet hybride – qu’il avait entendu, être sourd – , mais entre Déviants, il souhaitait l’épauler. Et ses pupilles inquisitrices se hissèrent jusqu’à Ash’, guettant l’acceptation dans les lueurs de ses yeux, l’acceptation de nouer son destin à celui d’un assassin qui avait affronté le soupirail de plus de morts que de vivants.

Calme et silencieuse, je fixai notre interlocuteur dans les yeux, les bras sous la poitrine et le visage concentré.
Des souvenirs parvenaient parfois à s’immiscer entre les failles de mon attention, le résultat positif du test de grossesse, celui également positif du test de contamination à cette infection qui couraient les rues et se rependaient partout en ville à une vitesse affolante. Nous avions refusé d’y croire au début, avec Alex nous nous disions qu’il y avait eu une erreur sachant la fiabilité toute relative des examens proposés par Unity. Pourtant les crises étaient bien là, les cauchemars aussi et maintenant ces ongles extrêmement pointus et solides au bout de chaque doigt. Pour le moment rien n’était visible, il suffisait d’un gant assez épais et ce n’était ni vu ni connu. Mais avec le temps il n’était pas stupide d’imaginer que cela allait croitre et empirer.
Ce vaccin était plus de nécessaire, autant pour nous que pour notre enfant, et pour toutes les autres personnes dehors. Il était primordial.

L’organisateur de cette aventure des plus risquées était là devant nous, glissant deux pistolets automatiques dans notre direction sur une table de bois. Alex était là aussi, fort et discret comme à son habitude. Je ne le regardais que très peu par peur de trahir notre relation. Avec lui un hybride très grand et stoïque, il n’avait pas l’air commode. Singulièrement il collait bien à l’image que la population se faisait des déviants. Quelqu’un à ne pas embêter. Le troisième membre du groupe était également un hybride – décidemment je suis l’unique représentante de mon espèce – en la personne de Twinky. Une amie d’Unity à travers qui j’avais hélas appris mon infection. Alex et elle étaient les deux personnes au courant, et c’était déjà largement suffisant.

« Ne vous en faites pas monsieur, ce ne sera pas un problème. » Répondis-je à Park sur sa question concernant notre relation avec les déviants.

L’aventure commencera au Red Hook Dock, un coin qui m’était totalement inconnu ayant plus l’habitude des cinémas et des restaurants luxueux que les zones sombres et louches de cette belle ville. Alex saura certainement bien mieux de quoi il était question.
Je pris l’arme, soufflant en silence pour calmer les tremblements. Un coup d’œil aux munitions – pleines – et après m’être assurée que le cran de sureté était bien fixé je le glissai dans une poche de mon jean noir. Grace au père de mon futur enfant j’avais approximativement apprise à m’en servir mais l’expérience n’était vraiment pas au niveau.

« Hum mademoiselle Theresa ? » Demandai-je une fois que nous avions quitter Park pour suivre sa collègue. « Qu’est-ce que vous pourriez nous dire sur cet endroit ? Le niveau de fréquentation, le type de population ou que sais-je ? Peut-être des informations sur l’un des deux protagonistes ? »

Etais-ce un contact de Matt, le mari de ma meilleure ami, membre de cette même Triade ? Est-ce qu’il était lui-aussi dans le coup ? Dans un sens j’espérais que non, Kate ne s’en remettrait pas, ni leur fille. Mais dans un autre sens cela me donnerait la preuve parfaite qu’il n’était pas fiable.
Alex aussi posa ses questions, et Twinky proposa ses services. Seul le dernier hybride n’avait pas ouvert la bouche. Tant mieux, il faisait peur même de dos.

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À l’arrière de la voiture, il avait pris place aux côtés d’Ash, incapable de quitter son âme-sœur de quelques centimètres pour la mission. Ses élucubrations semblaient obsédées par cette figure qu’il ne pouvait s’empêcher de considérer comme sa faiblesse durant cette mission : ses sentiments n’entachaient en rien les racines qui avaient gangréné son aorte, celles du pragmatisme, du sang-froid, ces capacités analytiques cendres de son passé qui s’embrasaient à chaque besogne. Ainsi, à peine Theresa prit-elle la parole, que ses oreilles se redressèrent en papillonnant. Docilement, il écoutait alors qu’une esquisse amusée étirait ses lèvres dès que la reptilienne, s’embusquant derrière ses verres sombres, leurs siffla avec franchise, paradoxalement, quelques taquineries qui détendirent l’atmosphère. Sa main était revenue posséder la cuisse d’Ash brièvement avant de se retirer – craignant de trahir leur relation – pendant que l’autre récupérait le téléphone et qu’il hochait la tête. « OK. » Une réponse brève, adaptée aux railleries, bien qu’il n’ait eu aucune connaissance des milieux scolaires. Pas de quartier : il craignait de faucher une âme devant les pupilles de son humaine, mais qu’importe, elle avait le flingue après tout. Nonobstant les peurs morales, propres à chaque être vivant, une crainte plus viscérale, plus primaire l’agitait. L’index et le pouce se joignirent, encore, pour notifier son accord.

Les décors s’étaient succédés, des néons peignant la ville de lueurs impressionnistes jusqu’aux ruelles crasseuses et étroites qui menaient aux docks. Ses oreilles se plaquèrent en arrière quand il enfila la cagoule qu’il tirailla dans tous les sens jusqu’à que ses yeux en percent les orifices. Il descendit de la voiture à pas de loup, ses triangles touffues s’agitant d’ores et déjà à la recherche du moindre bruit, ses pupilles avides dévoraient la scène de leur future rencontre. Le terminal bordait, évidemment, les flots. De larges conteneurs multicolores jonchaient le port commercial : des épaisses masses idéales pour masquer des silhouettes. Il s’arrêta au milieu de la ruelle débouchant sur l’entrepôt de fret, attendant Ash, la nervosité dessinant chaque trait sur son visage. « Je te propose qu’on se cache derrière un des conteneurs, proche d’une ruelle qui donne sur les docks : idéal pour fuir. Puis, dès qu’on les voit… On fait diversion. Peut-être que tu pourrais tirer une balle en l’air, pour leur mettre les jetons. Tu en as combien ? Assez pour en gaspiller une ? » Il avait déblatéré son scénario sans césure, songeant au peu de séance pratiquée au stand de tir : perdre des cartouches n’étaient pas une fine idée, mais arriverait-elle à toucher ?

Sans attendre sa réponse, du moins quant à la position à adopter, il prit place derrière un épais conteneur perpendiculaire aux bordures du port. Il saisit le talkie-walkie, appuyant sur le bouton d’un pouce fébrile avant de donner sa position : « Nous sommes placés derrière le deuxième conteneur en partant de la gauche quand vous faites face à la mer. Terminé. » Un léger grésillement accompagnait ses derniers mots. « Comment tu te sens ? » lança t-il à Ash sans quitter la large place entre les bennes et les réservoirs du regard. Le monstre sombre qu’étaient les flots apaisés par les bateaux, crachait son haleine iodée à la face de l’hybride, son odorat aiguisé souillé par les effluves marines trop importantes.

Pourtant les réponses durent attendre que nous soyons tous dans la voiture. Bon sans j’étais la seule humaine à bord, j’en connaissais plus d’un qui aurait tourné de l’œil à ma place. Faisant un pied de nez à l’ordre établi – notamment par Chroma – je me glissai sur le siège arrière, avec Alex à ma droite et Twinky à ma gauche. Bien entourée par tant de créatures semi-animales, je ne pu m’empêcher de sourire à mon aimé quand nous dûmes nous serrer pour fermer les portes.

La reptilienne répondit enfin et j’approuvai de la tête à chaque fin de phrase. Un Zhang, des puces dans une mallette, un scientifique et très probablement beaucoup de garde au point de rendez-vous. Simple sur le papier, immensément plus difficile, complexe et stressant en réalité. Je ne disais mot mais le rythme accélérant de mon palpitant trahissait ma nervosité. Le seul hybride a ne pas avoir encore ouvert la bouche depuis le début de l’aventure nous tendit ensuite un vieux téléphone portable, sur lequel il avait noté le plan à suivre.

« Ah t’as vu il a mis "placerai" au lieu de "placerez". » Chuchotai-je à ma voisine, un léger sourire moqueur aux lèvres.
L’humour étant la meilleure arme contre le stress, même si parfois cela frisait le ridicule. Jusqu’à atteindre la fin du message où il précisait être pratiquement sourd. Cela expliquait donc pourquoi on ne l’entendait pas ! Même s’il n’était peut-être pas muet, parler sans entendre sa propre voix était extrêmement difficile. C’était d’ailleurs pour cela que la majorité des malentendants préféraient rester silencieux.

Je fis un pouce en l’air à l’attention du propriétaire pendant qu’il nous tendait à chacun une cagoule et un talkie-walkie. Nous allions nous scinder en deux duo pour couvrir un plus large panel de possible, et ravie je faisais équipe avec le plus beau de tous. Mais chut, c’est un secret.
Sitôt que tout le monde fut en accord avec le plan et la voiture arrivée à destination, nous sortîmes pour disparaitre dans l’obscurité.
Premier problème, la cagoule pue ! Second problème, il n’était pas une bonne idée d’avoir une crinière aussi fournie que la mienne quand il fallait porter une cagoule ! Troisième problème, ils sont où les trous pour les yeux bordel !? Qu’on lapide la personne ayant inventé cette saloperie !
Avec une main sur l’épaule d’Alex et l’autre aux prises avec le bout de tissu pour tenter d’au moins le positionner correctement, nous allâmes nous cacher à l’abri d’un conteneur. Mon homme-loup avertit nos compagnons de notre position quand enfin je réussi à vaincre cette satanée cagoule.

« Comment tu te sens ? » Demanda-t-il.
« Nerveuse, pas franchement dans mon assiette mais ça ira. Il va bien falloir de toute façon, on ne peut plus vraiment faire machine arrière. » Répétant les gestes que lui-même m’avait apprise je checkai le contenu du pistolet mis à ma disposition. « Onze, pardon douze. Douze balles, c’est moins qu’à l’entrainement donc je pense que quitte à faire feu, autant les viser eux plutôt que le ciel. De toute façon je ferais de mon mieux tu le sais. »

Le silence s’installa quelques courtes minutes, avec le vent qui s’engouffrait entre les conteneurs, l’océan qui frappait à un rythme régulier les quais, et nous deux au milieu de tout ça, seuls et sur le point de faire quelque chose de totalement illégal.

« Tu sais quoi, ça me rappelle un truc. » Vins-je lui chuchoter en me blottissant contre son dos. « La toute première fois que Kate a fait ta connaissance. Ça date maintenant. Le soir-même elle m’a assurée que tu n’étais pas la personne qu’il me fallait, que tu allais m’attirer des ennuis et m’emmener dans les pires endroits possibles. Hihi, visiblement elle avait raison. Pourtant je préfère mille fois être ici avec toi mon amour, que m’ennuyer dans une petite vie paisible et sans vague ni rebondissement. » Par réflexe je lui déposai un baiser à l’arrière du crâne mais la cagoule gâcha tout. « Mmh pas pratique … Allons mettre la main sur ce scientifique de malheur, notre famille en dépend. Ce serait bien cependant de chopper le mafieux aussi, mon petit doigt me dit qu’il détient pleins d’infos croustillantes. »

Arme au poing, de longues respirations pour rester calme, toute de noir vêtue je ne pouvais plus qu’attendre l’arrivée de notre cible. Derrière nous les docks et des conteneurs à perte de vue, un véritable labyrinthe où disparaitre si la situation venait à mal tourner.

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L’accalmie baignait les lieux, à tel point qu’il lui semblât qu’entendre son aorte s’agitant, les paroles d’Ash obstruées par ses propres pensées. Elles atteignirent ses oreilles à la deuxième sentence. Le vent sifflait. L’océan frappait. Ils s’apprêtaient à frapper, eux-aussi, exécutant la sentence qu’on réserve aux dictateurs, à certains monarques, à ceux qui bravent Dieu par leur omnipotence. Son corps était rigide, sa tête n’osant se mouvoir, les muscles de ses jambes bandés, même la chaleur de son humaine ne fit fondre la glace qui le paralysait : chaque pan de sa vigilance devait être tourné vers l’objectif de la mission, vers les quais. Nonobstant ces règles qui dictaient son comportement lors des missions, il faiblit quand les propos caressèrent ses oreilles, quand le tissu de la cagoule frotta sa nuque. À la placidité céda la culpabilité : lui-même préférait partager cette vie à n’importe quelle autre, qu’une naissance humaine lambda, qu’un amour idyllique sans perturbation, que richesse et bienséance dans un monde de pauvreté et d’horreur. Il préférait cette vie car elle était avec lui, à ses côtés, peu importe la situation. Il n’eut le temps de répondre que le ronronnement d’un moteur se fit entendre, suivit de celui de portières qui s’ouvrent, de talonnettes qui claquent sur le béton nu.

Le talkie-walkie grésilla avant de libérer la voix de l’hybride à la chevelure immaculée. Depuis le début de la mission, elle s’était montrée plutôt discrète, mais elle tint son rôle à la perfection. Il pressa le bouton sur le côté de l’appareil. « Je m’en occupe. Terminé répondit-il avant de tendre sa main ouverte vers Ash. Le flingue, s-il-te-plaît. Finalement, je vais en avoir besoin. » Le métal froid lui fit l’effet d’une brûlure dans la paume. Il préférait l’utilisation des armes blanches à celles des armes à feu : plus discrètes, plus concrètes quand il évinçait des vies, lui permettant une certaine proximité avec sa victime, il pouvait l’épouser et sentir son corps se vider de l’hémoglobine jusqu’à sentir les derniers tressautements des nerfs. Fort heureusement, il avait tout de même bénéficié d’un entraînement intensif au semi-automatique. Sa main dominante empoigna la crosse quand de l’index de l’autre, il tira le chien vers l’arrière dans un claquement annonciateur de mort.

Son autre main vint recouvrir la première, avant qu’il s’approchât de l’extrémité du conteneur. Les deux hommes discutaient, leurs regards avides arpentant chaque parcelle des quais. Il attendit que les mouvements de tête inquisiteurs cessent pour sortir légèrement de sa cachette. Les bras tendus, il ajusta le guidon avec la visière avant de pointer le canon vers le torse de l’homme armé : la tête était une cible bien trop limitée à cette distance et pour un amateur comme lui, il aurait plus de chance en visant le haut du corps, le poitrail plus large. À peine eut-il ajusté son tir que le chien fut libéré, la balle fendant l’air dans un sifflement commun alors que le tire l’obligea à reculer sous la pression. Ses muscles étaient toujours bandés, préparés à s’activer pour s’enfuir ou, au contraire, poursuivre l’étrange couple. Les craintes qui l’agitaient quant à Ash s’était effacées avec ses paroles : peu importe si face à elle était accroupi le tueur froid et non le tendre amant, à la manière d’un xiphopage, il était un seul et même être, le monstre qui partageait sa vie.

Le vent frais qui gagnait en puissance en se faufilant entre les structures métalliques massives se chevauchant provoquait irrémédiablement des frissons et un début de chair-de-poule. Un son de moteur retentit peu après, une berline luxueuse de laquelle sortit deux hommes. Sans aucun doute une partie des commanditaires prévus pour l’échange. Impossible d’entendre d’ici leur discussion mais ils avaient l’air impatients. Et qui dit impatient dit aussi tendu. Est-ce qu’ils ne risquaient pas d’être aux aguets ?
La voix de Twinky retentit soudainement, déformée par la qualité misérable du talkie-walkie. Je me souviens qu’à l’époque mon paternel en avait une paire de la marque Marshall, aucun grésillement, aucune transformation de voix, de la très haute gamme. De toute évidence les moyens financiers n’étaient pas les mêmes ici. Le plan reçu plusieurs modifications et la plus grosse, s’occuper des deux-là avant que le reste n’arrive. Pas bête, si en plus le muet et Alex avaient la possibilité de prendre leur place dans leur costume, cela serait d’autant plus facile de kidnapper le scientifique.

« Tiens, mais fait attention à toi. » Lui chuchotai-je en lui tendant mon arme.

Je n’avais plus qu’à rester recroqueviller dans mon coin et le regarder agir. Moi qui avait plus l’habitude de l’observer peu habiller, ou dans des situations nettement plus classiques de la vie quotidienne, le voir dans ce genre de situation me perturbait grandement. Bien sûr je me doutais qu’il faisait des trucs louches quand nous n’étions pas ensemble. Peut-être des petits larcins, écouter aux portes ou voler à l’étalage aussi discrètement qu’une ombre. Après tout nous avons tous notre jardin secret.
Mais là il semblait étonnamment calme. Presque trop à l’aise avec un outil conçu pour ôter la vie, au point que j’en vienne à me demander qui était en réalité cet hybride qui avait conquis mon cœur et mon corps ?
Je le vis s’agenouiller à la frontière du conteneur et tendre les bras armés vers nos cibles. Que faisait-il ? Si l’ont voulait prendre la place des deux mafieux pour capturer le scientifique il ne faudrait pas les abimer. Au moins pas leur tenue. Le temps de comprendre il était trop tard.

« Non Alex ! » M’écriai-je involontairement en me jetant sur lui.

Le coup de feu retentit pratiquement en même temps, couvrant ma voix et brisant totalement le silence qui régnait sur les quais. S’il y avait d’autres personnes dans les parages il était évidant maintenant qu’ils n’étaient plus seuls. Peu habituée au son tonitruant du pistolet, et à l’écho provoqué par toutes les surfaces métalliques, je m’écroulai au sol les mains sur les oreilles sifflantes et les dents serrées.