Il fallait leur faire confiance. Aujourd’hui était un grand jour, qui allait marquer votre probable petite victoire suite au kidnapping de Béatrice. Elle serait un bon élément à garder pour demander des rançons ou miner le moral du groupuscule mondialement connu. Tu es là pour assister les espions et les protéger de tous les gros bras qui essayeront de les arrêter, rien de plus. Et tu tiendras ce rôle à cœur, pour montrer que les assassins valent le coup et complètent à merveille les deux autres branches.

Et pour y arriver, tu as préféré laisser quelques armes aux autres kidnappeurs, sans oublier les tiennes. Juste de quoi faire, au cas où ça dégénère. Et tu as toujours tes crocs et tes poings pour te faire entendre si la situation est désespérée. Soufflant doucement, tu essayes de guider le groupe vers le stade, en t’arrêtant avant de franchir la limite qui pourrait vous mettre dans la merde.

« On y est. Vous avez réussi à récupérer des plans pour qu’on sache où aller, ou une quelconque information volée ici et là ? Il y a des vigiles partout, je pense qu’on devrait faire gaffe et envahir le côté le moins surveillé. Je les bute, on passe et on continue comme ça. »

Tu comptes beaucoup sur eux, parce que tu n’es pas fort en discrétion. En temps normal, tu as plutôt tendance à foncer dans le tas… Disons que la surprise marche, mais c’est un événement tellement important qu’il n’y a pas que trois péquenauds pour tenter de vous arrêter.

Aujourd’hui on avait demandé à Hanako de prendre part à une mission pour les Déviants : un kidnapping, pour être plus précis, d’une jeune demoiselle dont Hanako avait entendu parler plus d’une fois dans “son” salon de coiffure. Vous savez les gamines ont beaucoup d’idoles, surtout quand les parents vous bourrent le crâne de conneries politiques. Béatrice était excellente dans ce rôle d’idole des jeunes aux parents corrompus. Des humains quoi.

Le groupe était constitué de quatre membres. Le chef des assassins les honorait de sa présence de mâle. Hanako l’avait déjà croisé quelques fois ou vu de loin, mais sans jamais l’approcher. Le second individu était lui aussi un mâle, à vrai dire comme la moitié du groupe ce qui était déjà trop pour le bien mental d’Hanako. Il s'agissait d’un membre des espions des Déviants tout comme elle. Mais elle ne savait pas grand chose sur lui et cela ne l'avait pas gêné jusqu’ici. La seule information qu’elle avait à son sujet était son hybridation. Et pour finir la délicieuse Kaguya : enfin une touche féminine et de douceur au yeux de la renarde. Elles se connaissaient déjà un peu toutes les deux. Hanako lui avait même déjà offert les soins capillaires de son salon mais à domicile.

Hanako, pensant qu’il était mieux d'arriver jusqu'à Beatrice discrètement, avait opté pour une tenue qui cachait plus ou moins sa nature hybride. Cela en coûtait à la fière hybride de se rabaisser à cacher sa nature pour faire passe-partout telle une humaine. Elle portait une longue robe noire qui cachait sa queue rousse et un chapeau large qui écrasait ses oreilles de renarde. C’était gênant et douloureux en plus de réduire l’efficacité de ces dernières. Ajoutez à cela un sac à main où logeait le masque de sa mère qu’elle mettrait quand ils passeraient à l’action.

— Bien le bonjour à tous et tout particulierement à toi ma petite Kaguya.

Qu’on ne lui en demande pas trop : elle faisait des efforts pour le bien du groupe en restant polie avec les mâles.

— Saviez-vous que les enfants sont une mine d’informations dans ce genre de situation ? Au salon de coiffure elles ne font que parler de cela depuis des semaines. Le grand concert de cette hum… femme. Certaines veulent voir leur idole de près et sont prêtes à beaucoup de chose pour cela. Je sais qu’un groupe de jeunes demoiselles va essayer d’approcher avant le concert par cette entrée.

Hanako montra du doigt l’entrée en question. Elle n’allait pas toucher le papier de la salamandre non plus.

— Il reste à savoir si il est préférable d’agir avant l’entrée en scène ou après le tombé de rideau.

Hanako tourna le visage vers l’autre femelle du groupe qui n’avait pas encore pris la parole.

Kaguya se tortillait dans son coin, se sentant tout bonnement de trop au sein de ce groupe. Avec les récents événements, la fébrilité des Déviants n'avait cessé de s'amplifier : il fallait agir contre les humains, retourner la situation actuelle à leur avantage. Sans véritablement réfléchir aux conséquences de son geste, Kaguya s'était déclarée volontaire pour apporter son aide. Naïve, encore toute nouvelle au sein de ce microcosme, elle avait cru qu'on ferait appel à elle pour délivrer des soins mineurs aux hybrides récemment recrutés, aider à la fourniture de ressources de première nécessité mais sûrement pas à kidnapper une fille à papa en plein concert.

Kaguya n'avait aucun atout physique, ni aucune connaissance théorique pouvant réellement servir. Ses maigres compétences se résumaient à savoir servir docilement et à user d'un phrasé raffiné. Elle avait ainsi opté pour dénicher une tenue somme sobre, un tailleur uni modeste, qui lui donnait des allures de domestique. Autant arborer sa nature plutôt que tenter de la cacher : Kaguya craignait trop d'être découverte. Simuler une fausse nature ne ferait que lui apporter des ennuis.

Les oreilles tendues, elle écoutait l'échange, se pencha au-dessus de la carte tendue par Wen. Tant d'entrées, tant de possibilité. L'intervention d'Hanako apporta quelques précisions. Percevant le silence qui se formait, Kaguya comprit qu'on attendait son apport d'informations.

— Je... Sais-t-on à quelle heure ce groupe doit venir ? On peut user d'elles comme diversion en alertant la sécurité sur leur présence, profiter de la cohue pour s'infiltrer. Ou je peux les attendre et leur permettre d'entrer pour mieux en user comme appât à l'intérieur.

Pour la suite, ils aviseraient sur place. L'improvisation pouvait avoir du bon.

Tu les laisses se présenter, et chacune de leur présentation t’arrache un petit sourire. Des nouvelles têtes, évidemment. Et une un peu plus familière, mais qui saura probablement faire ses preuves. D’ailleurs, il commence super fort, avec ce plan probablement volé. Tant mieux. Tu la regardes d’un air un peu mauvais, alors que tu restes là, méfiant et prêt à foncer dans le tas. Tu leur adresses un sourire forcé, comme pour apprécier leurs présentations.

« C’est pas vraiment mon fort, le repérage. Je peux toujours en crever un isolé et on se faufile par-là, l’air de rien. »

Scrutant les entrées un peu plus loin, tu as l’air d’avoir remarqué quelque chose d’intéressant, mais il te faut encore un peu de temps pour comprendre si ça valait le coup ou non. En tout cas, ces enfoirés de la BTD est là pour vous mettre des bâtons dans les roues. Et ils ont probablement des gilets pare-balles, ce qui rend tes armes quasi inefficaces.

« Le mieux serait d’agir avant qu’elle entre en scène. Les gens penseront à un retard, et on se sera déjà évaporés dans la nature. »

Tes yeux s’arrêtent un long moment sur Kaguya. La pauvre… Cela risque vraiment de ne pas être facile pour elle, mais tu seras indulgent. Puis tu te redresses doucement, pour observer tout ce beau monde se faisant fouiller, avant de baisser les yeux vers l’enfant pleurant à chaudes larmes, t’arrachant un sourire agacé.

« J’ai repéré quelque chose dans cette direction. », dis-tu en pointant un endroit bien spécifique. Mais ta vision semble te faire défaut à cet instant, probablement la vieillesse… « Et je suppose que vous avez tous entendu cet enfant pleurant à l’entrée. Franchement, il m’agace. Mais mon gros pif est placardé dans les bases de données des gens pas très gentils, on risque de me reconnaître en deux secondes. Ça vous dit qu’on aille chercher une porte dérobée ? »

Bavard, bavard, mais l’envie de crever un vigile est forte. Ceci dit, tu ne dis pas non pour te faufiler ailleurs. Mais tes mains crèvent d’envie de crever et de causer du tort, encore et encore. Les voix fusent dans ta tête, et tu essayes de les contenir derrière un sourire figé et extrêmement gênant.

Tu les suivras, qu’importe la décision qu’ils prennent ; mais tu leur as fait comprendre ce que tu veux. Enfin… Tu l’espères.

Hanako soupira sans dire un mot de plus. Agir vite, agir vite, mais aucune action d’engagée. C'était bien des mâles tiens : plus de blabla entre eux qu’autre chose. Hanako regarda en direction de l’enfant.

La seule réaction qu’elle eut fut un claquement de langue. Une humaine, comme si elle n’en fréquentait pas déjà assez. Apparement il ne fallait pas compter sur le sexe opposé. Ils n’avaient pas vraiment l’air motivés pour s'occuper de la gamine.

— Je m’occupe de la gamine. Si quelqu’un a envie de venir qu’il le fasse. Je me ferais passer pour une foutue humaine et l'amènerais aux gardes pour entrer ou faire une diversion. Avoir un hybride docile pourrait aider à calmer la méfiance du garde.

Sans un mot de plus Hanako se dirigea vers l’enfant pour essayer d’en savoir plus et de voir si quelqu'un la suivait pour plus de facilité.

La tension était palpable et autour d'eux régnait l'effervescence propre à ce type d’événements. Les oreilles aux aguets, écoutant les discours des membres de l'équipée, Kaguya observait les environs, nota que la fouille n'était pas si bien réglementée que cela. Le protocolaire avait ses limites. Déjà des avis divergeaient, chacun tentant de faire entendre sa voix, créant une fissure au sein de la fine cohésion qui unissait ces éléments disparates. La misandrie d'Hanako avait fini de créer une fracture : électron libre, elle s'élançait sur scène sans aucune préparation, non sans émettre des insultes qui arrachèrent un frisson à Kaguya. Reste de son ancienne maîtresse : les mots orduriers lui causaient des nausées.

La lapine se retrouvait tout bonnement partagée. Diviser le groupe n'était pas la meilleure idée, loin s'en faut. Mais laisser l'une des leurs seule, non plus. Kaguya tapa du pied, troublée par toute cette situation.

— Je vais aller l'aider. Désolé. Kaguya s'inclina, sa chevelure se déversant devant son visage avant qu'elle ne se relève, rejetant les pans en arrière de ses longs doigts. On va s'occuper du petit, ça devrait occuper les gardes si on leur demande leur aide pour trouver sa mère. Ce devait être elle que le petit cherchait en déversant ses larmes. Profitez-en pour vous faufiler. On essaye de se retrouver à l'intérieur.

Ni une, ni deux, Kaguya sautilla en direction d'Hanako et du petit qui avait cessé ses vagissements, intrigué par cette dame qui se tenait devant lui. Kaguya pouvait déjà imaginer d'ici l'expression qu'arborait la renarde : ses lèvres formant un pli de dégoût face à un humain couplé au chromosome Y.

Théorisant sur le fait que l'enfant devait être issu d'un milieu fort peu modeste, et partageant probablement les pensées d'Humanis, Kaguya se présenta à lui en pliant les genoux afin de se mettre à sa hauteur.

— Bonjour, petit maître. Vous m'avez l'air perdu. Auriez-vous besoin de mon aide et de celle de ma maîtresse ?

Parler ainsi lui remémorait nombre de souvenirs amers, mais c'était pour la cause. Cela valait bien de sacrifier un tant soi peu son égo.

Tu vas laisser les filles faire, en hochant la tête. Non pas qu’elles attirent un peu ton envie de les mépriser, mais si leur technique marche, il ne restera plus qu’aux hommes d’entrer à leur tour. Le groupe va se séparer, et elles ne vous laissent pas trop le choix. Tu soupires, entraînant avec toi Wen dans ce qui semblait être un aller sans retour.

« On les attend, tu penses ? Vu la gueule de l’endroit où on est, on ne pourra que les retrouver si on monte. »

Tu pestes, parce que tout aurait pu bien se passer, si elles ne s’étaient pas mis en tête d’aller aider le petit humain. Bon sang… Quelle merde. Mais peut-être qu’elles parviendront à se faire passer pour une maîtresse et son hybride ? Après tout, c’était le but. Toi, tu dois rester dans l’ombre, alors que tu t’avances déjà pour monter les escaliers en toute discrétion, histoire de voir où vous allez atterrir.

« On doit faire gaffe, et les retrouver dès que possible. Je suis là pour les crever si on vient nous emmerder. »

Reniflant bruyamment , il ne cesse de répéter « Je veux retrouver ma maman... », mais effrayé par les deux personnes ne dirigeant vers lui, il recule de quelques pas. Peut-être que quelque chose peut l’amadouer ? Les enfants aiment les surprises. Les gardes, ennuyés de devoir faire rentrer tout le monde commence à presser les retardataires en agitant leurs armes de service, pressés.

— Je veux retrouver ma maman…

Bien évidemment. Kaguya conservait son sourire aimable, celui qu’elle avait appris à construire auprès de Madame pour tenir face aux clients, aux coups durs de tous les jours. Personne ne lui avait appris à s’occuper d’un enfant, à sécher les pleurs, à calmer la peur. Se haïssant de faire cela, de se tourner en ridicule face à un humain, Kaguya fit bouger ses longues oreilles de lapine. Les appendices se baissèrent et se relevèrent captivant le regard du garçon qui renifla à grand bruit.

— Retrouvons-la ensemble à l’intérieur. Ma maîtresse la connaît peut-être. Elle nous aidera.

Elle ne sut pas ce que Hanako répondit, placée qu’elle était dans son dos. Peut-être hocha-t-elle brièvement la tête. En tout cas le garçon agrippa la manche de Kaguya, s’y accrochant avec la force du désespoir. L’hybride le laissa faire, se relevant pour mieux obliquer vers l’une des entrées du bâtiment.

Les hommes chargés de la sécurité pressaient l’avancée des spectateurs. Croisant leur regard, l’hybride pointa du doigt, expliqua sa présence : aider l’enfant à retrouver sa mère en compagnie de sa maîtresse, Hanako, qui se tenait près d’elle. Un des hommes secoua la main, l’invitant à avancer. Le petit agrippé à sa manche, Kaguya fut emportée par le flot et se retrouva, recrachée, au sein du stade. La foule se clairsemait lentement, se dispersant dans les couloirs, chacun en quête de sa place dûment achetée.

— On va aller voir une dame à l’accueil. Ta maman t’y attend sûrement.

Le petit renifla en guise de réponse. La chance sembla sourire à Kaguya puisque, effectivement, quelqu’un attendait au comptoir.

— Maman !

L’enfant s’arracha à Kaguya qui, immédiatement, fit volte-face. Du coin de l’oeil, l’hybride aperçu un plan accroché au mur. Faisant mine de se rapprocher des toilettes toutes proches, la lapine détailla les inscriptions. Avisant où se trouvait les loges, Kaguya amorça quelques pas en leur direction. Le reste de l’équipée devait s’y trouver.