Jacob a un tempérament assez délicat à appréhender : c’est une personnalité fataliste, dans le sens où il n’estime pas que son combat ait un véritable espoir d’aboutir de son vivant ou qu’il y contribue de la bonne façon ; mais c’est un idéaliste, qui voit dans les Déviant-e-s l’émergence d’une société nouvelle, telle qu’elle devrait exister pour l’humanité dans son ensemble. En somme, il a de véritables rêves, bien ancrés dans ses lectures et ses expériences personnelles, soutenus par des références idéologiques telles que le Black Panther Party ou le Bund… mais il est bien trop persuadé de n’être pas capable d’atteindre une telle hauteur, d’avoir trop de violence en lui, et de lutter trop tôt dans cette grande bataille contre Chroma, pour s’enthousiasmer ou croire que sa vie finira d’une bonne façon.
De ce fait, son esprit de sacrifice est grand : après avoir passé la majeure partie de sa vie à mal agir, à être un pion ou un esclave, il n’y a rien qui ne lui paraisse infaisable pour la cause, et il est désireux de faire pour les autres davantage que pour lui-même. Jacob se sent plus à sa place en obéissant plutôt qu’en commandant, et préfère écouter que décider - sa nature taiseuse, son habitude de laisser sa barque voguer au gré des circonstances, l’emportent.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit un grand calme ou un ange de patience : au contraire, il n’aime pas que les choses traînent en longueur. Bien qu’il ne se sente pas apte à décider, il préfère prendre congé pour aller se calmer à faire autre chose que d’écouter des heures de délibération. Les rares choses dans lesquelles il manifeste une vraie capacité à attendre, se concentrer, prendre son temps sont des centres d’intérêt qui n’ont rien à voir avec la cause - le sport, la cuisine, la lecture, la spiritualité.
Jacob s’est découvert sur le tard une ferveur qui est encore en gestation : liée à son identité juive, elle est cependant tardive et assez floue. Il mange kasher, lit les textes sacrés, mais y mêle d’autres influences sans adhérer à un credo précis. C’est l’un des seuls sujets qu’il peut parfois chercher à “imposer” aux autres, surtout si on le lance là-dessus.
Outre la pratique de la boxe qu’il continue avec assiduité, il aime passer du temps en cuisine pour se préparer sa propre nourriture et éventuellement venir en aide aux démuni-e-s. Peut-être en raison de son hybridation, il passe aisément des heures dans un bain chaud en fin de journée.

Jacob Isaïe Kurtzman est né en 2010 dans un quartier difficile de Philadelphie. Enfant unique d’un foyer d’origine juive polonaise, ses parents ne roulent clairement pas sur l’or et subissent de plein fouet les difficultés économiques du début du XXIème siècle.
Sa jeunesse et sa scolarité sont des plus déplorables : souvent violent, habitué aux corrections et aux conseils de discipline, Jacob apprécie bien davantage l’école buissonnière avec d’autres gamins à problèmes comme lui. Il fait assez vite le coursier pour divers gangs tout en multipliant les combines et arnaques pour rapporter un peu d’argent - tout en gardant la majorité de ce pécule plus ou moins honnête pour lui. Il n’est donc guère étonnant qu’il arrête dès 13 ans sa scolarité, malgré le désespoir de ses parents, pour trouver des petits boulots : la situation à la maison est trop précaire pour se passer d’une paire de mains.
Il se retrouve donc employé dans des magasins, assistant mécanicien, livreur en scooter volé, déménageur improvisé - son physique est très vite un sacré avantage pour lui… et en parallèle, il fait le dur au service de divers mafieux juifs ou israéliens de la ville, pour lesquels il va secouer des mauvais payeurs ou casser des vitres. C’est à l’adolescence qu’il découvre la boxe et se lance à corps perdu dans ce sport, jusqu’à devenir entraîneur dans des clubs pour gagner à peu près officiellement sa vie. Il ne devient jamais membre d’une mafia à proprement parler : c’est un genre de mercenaire auquel on fait appel quand on a besoin d’une vraie brute.
Dans ces milieux, il cache très vite son orientation sexuelle, jusqu’à en faire une sorte de jardin secret qu’il n’assouvit que dans la plus absolue discrétion. Encore aujourd’hui, il n’est pas vraiment en paix avec cet aspect de lui-même.

Arrivant sur la vingtaine, il se lance à la fois dans la compétition amatrice de boxe, jouant sur ses contacts dans ce domaine, et dans le crime organisé à plus haut niveau. Durant une décennie environ, il participe sous les ordres de mafieux israéliens ou russes à plusieurs braquages dans d’autres Etats du pays. Son physique imposant, son attitude de brute et ses scrupules inexistants font merveille, et il en profite pour mettre sa famille à l’abri des ennuis financiers. Malgré ses forfaits, il reste un petit poisson parmi les meutes de requins du crime organisé, aussi attire-t-il assez peu l’attention sur lui… jusqu’à une erreur fatale qui va transformer son existence de fond en comble.
En 2041, Jacob est impliqué dans une attaque à main armée en Virginie qui tourne au plus mal : dans la fusillade, il abat deux policiers chargés de son arrestation avant d’être interpellé. Condamné par une cour locale à la peine de mort, il est incarcéré à Richmond en attendant son exécution. Dans cette prison, il sympathise avec d’autres détenus, en particulier des Noirs qui vont lui faire prendre conscience d’un grand nombre de choses : d’abord prisonnier récalcitrant, il se découvre une passion pour la lecture, apprend l’histoire du Black Panther Party, de son propre peuple en Europe, enfin du socialisme juif… et plus largement, l’immensité des discriminations raciales. Dans un tel contexte, il commence à prendre un peu conscience de la place des Hybrides dans la société contemporaine, et débute une remise en cause de ses préjugés.

Vers 2046, Jacob est acquis par l’entreprise Chroma en compagnie de plusieurs autres détenus du couloir de la mort : il est transformé, dans un laboratoire de Virginie, en un hybride voué aux travaux de force. Son mélange inclut des gênes de rhinocéros blanc et d’hippopotame, deux espèces connues pour leur robustesse et leur puissance physique. Le passage par la Section Education anéantit une bonne partie de ses acquisitions intellectuelles, et il est finalement vendu à des entreprises de construction autour de 2047.
Pendant une dizaine d’années, Jacob sillonne la côte Est pour diverses missions : excavations, travaux miniers, construction, transport de charges ou emploi sur les docks… Son corps puissant est lourdement mis à contribution et son esprit est fracassé par le travail épuisant. Son entreprise le déplace avec ses camarades sur ses multiples chantiers, ou bien il est sous-traité à d’autres firmes. Son existence misérable s’accompagne d’un mépris social absolu : il n’est qu'un manœuvre, un Hybride méprisable s’il y en a un, une simple bête de somme affublée d’un visage humain.
C’est vers l’année 2055 qu’il bénéficie pour la première fois des actions humanitaires d’Unity, et qu’il est en même temps mis en contact avec la propagande des Déviant-e-s : il lui faudra cependant deux ans pour retrouver peu à peu sa personnalité, ses souvenirs, pour réaliser ce qu’il a subi et ce qu’il a perdu. En 2057, avec plusieurs autres et nanti de contacts avec les Déviant-e-s actifs dans le Bronx, il s’évade.

Caché dans une clinique clandestine, il se fait retirer sa puce et se retrouve contraint de rester sur place. De 2058 à 2060, il s'intègre parmi les Déviant-e-s, au nom desquels il renoue le contact avec des connaissances de sa vie précédente : des malfrats, des truands, devenus pour certains des pontes dans le milieu mafieux. C’est en réalisant l’intérêt pour la cause d’avoir des gens capables de fournir armes, médicaments, planques, faux papiers, argent… dans la poche que Jacob se lance dans la fonction de Fournisseur.
C’est aussi une période de renouveau spirituel pour notre Déviant : il s’ouvre petit à petit à l’histoire de sa famille et de son peuple, se confrontant à la dure réalité de cette existence secrète. Jacob commence à élaborer ses convictions personnelles, y mêlant religiosité et culture politique. Même si ses comparses n’y comprennent rien, lui a la sensation de mettre du sens dans sa vie pour la première fois.

Quand en 2060 le Bronx passe aux mains des Déviant-e-s, qui s’allient à Unity, Jacob est toujours sur place et a acquis une certaine réputation dans les milieux criminels de la Big Apple. Il s’est établi dans le quartier comme une sorte de travailleur social : tantôt cuisinier bénévole, tantôt entraîneur de sport, tantôt homme à tout faire, il s’échine à devenir une clé de voûte de la communauté Déviante du Bronx et continue sa recherche intérieure… Avec bien sûr, de temps à autre, un convoi clandestin ou une transaction malhonnête sur un dock obscur.