Tout a pourtant bien commencé dans ton éducation. Avec ton frère, vous étiez voués à devenir de parfait gentleman. Pas difficile lorsque l'on atterrit directement dans une famille aisée. Mais toi, tu n'étais pas comme les autres, tu ne l'as jamais été. Si pour ton frère c'était aisé de le modeler comme vos parents le souhaitaient, pour toi ce fut au final impossible. Rebelle ? Pas tellement. Tu es plutôt calme comme garçon, mais qui refuse que l'on te dise quoi faire et comment te comporter. Tu es un esprit libre, libre de faire ce qu'il veut et de dire ce que tu penses, sans aucune censure. Tu es plutôt directe même si tu sais très bien mentir si c'est pour t'échapper de situations délicates. Lorsque tu parles, tu ne prends pas de pincettes. L'hypocrisie, les belles paroles... Tu les évites comme la peste. Les gens trop propres sur eux cachent forcément quelque chose. Tu es le premier au courant... Et tu ne seras pas le dernier.

Tu es spécial. C'est ce que l'on t'a toujours dit. Et bizarrement, tu prend ça comme un compliment. En fait non. Tu ES spécial, en effet. Ce n'est pas un secret, et pour cette partie de la population tu es tout sauf des leurs. Et cela te convient. Tu as certaines tics qui ne sont pas réellement bien perçus, qui te font prendre pour un taré, peut-être ? Mais tu es loin d'être un idiot. Tu as beau ne pas avoir les critères qu'il faut pour ta famille, tu restes un homme intelligent et qui stock tout dans sa caboche. Tu es capable de te souvenirs de beaucoup de choses... Et c'est marrant de rappeler certains détails lorsque tu veux trouver avoir raison ou gêner la personne en face de toi avec des souvenirs cocasses. Ce n'est pas ce que tu montres en premier, c'est clair. Tu n'as aucune envie de te vanter de tes capacités... Parce que pour toi, ce n'est que du vent, juste des facultés qui peuvent te servir pour certains cas. Cependant tu n'hésites pas à les utiliser lorsque c'est réellement nécessaire...

Tu es surtout très observateur. Souriant, oui. Mais des sourires qui glacent le sang, des sourires malsains. Pourtant, tu ne le fais pas exprès... Tu souris toujours naturellement, même très souvent sans t'en lasser. L'on ne sait jamais si tes sourires sont réels ou si tout est factice. Tu ne le précises jamais d'ailleurs, c'est beaucoup plus drôle ainsi. Tu aimes posséder malgré tout. Ce qui est à toi est à toi. Très difficile de te faire prêter quelque chose à quelqu'un. Possessif, tu es capable de bien des choses pour quelque chose -ou quelqu'un- qui t'appartiens. À toi et toi seul.

Tu es d'ailleurs très taquin. Énervant même... Et qu’est-ce que tu t'en fiches. La vie est trop courte pour ne pas profiter de chaque instant, et profiter de la vie, c'est aussi embêter les autres. Tu n'as jamais vraiment de limites à vrai dire, tu fais ce que te dicte ton instinct et tu ne t'occupes pas du reste. D'ailleurs, tu as aucune notion du danger. Tout est un terrain de jeu, et tu te demandes encore d'ailleurs comment tu as fait pour être encore en vie actuellement... C'est bien parce que le destin te réserve d'autres choses. Le danger, la douleur... Ce n'est pas ça qui te préoccupes le plus. Une tolérance à la douleur qui parfois surprend les autres, et pourtant tu es loin d'être invincible... Tu restes un être humain, un mortel comme les autres. C'est bien dommage...

En parlant de mort. Tu es tellement passionné par l’occulte. Les esprits, fantômes... Tu as découvert ça tôt et depuis tu ne t'en ai jamais lassé. Une passion devenue omniprésente dans ta vie de tous les jours. Un besoin vital de le faire savoir à tout le monde. Tu sais que beaucoup n'y croient pas, qu'ils refusent de l'admettre. D'autres qui en ont peur. Tu ne peux pas les blâmer, beaucoup n'y connaissent rien et ne sont pas aptes à s'offrir à l'au-delà. Contrairement à toi et d'autres qui ont vécu des expériences paranormales. Sauf que dans ton cas, cela t'affecte d'une façon différente... Et ce n'est pas un sujet qui plaît à tout le monde. C'est l'un des seuls où tu n'es pas ouvert à la discussion. Te braquant automatiquement, toujours avec ce sourire, devenant atrocement crispé.

Est-ce que tu es capable de violence ? Oui. Mais cela est très rare. Tu es capable de garder ton sang-froid, ignorer mais tu as un seuil de tolérance pour ça. Qui est certes élevé mais présent. Tu n'aimes pas utiliser la violence, mais tu sais te défendre. Malgré ton physique qui ferait penser que tu es faible. C'est loin d'être le cas, et c'est surprenant lorsque ça arrive. Mais c'est tellement plus drôle de voir les autres s'énerver et les perturber par ton calme olympien. Tu observes, ris du malheur des autres. Si un jour cela t'arrives, ça ne sera que le retour des choses. Tu ne t’apitoies jamais sur ton sort, préférant regarder au-delà.

Au final, nombreux sont ceux qui se moquent de toi. Te prennent pour un idiot fini. D'autres  se méfient de toi comme la peste. Peu connaissent réellement tes motivations, à quoi tu penses réellement. Tu es un mystère à toi tout seul, et c'est sûrement pour ça que l'on est rarement enclin à vouloir t'approcher de trop près.

« - Tien toi bien bon sang, tu ne vois pas que l'on nous regarde ?
- Ca va, ca va... Je te rappelle que tu m'as obligé à venir. »

Toutes ces soirées se ressemblent. C'est de grands monsieur et de grandes madame bien habillés, propre sur eux, qui parlent que de banalités en tenant des verres de champagne à la main. En tournant la tête droite, l'on voit une large table avec dessus des plats, des apéritifs et des sucreries. À gauche, on y voit une piste de danse. Tout autour, ça brille, tout est factice. Tout ça, il en est allergique. Mais il ne peut jamais sire non à son frère, qui aime bien passer à ces soirées et faire connaissance avec le beau monde. Bien sûr, pour Hadès, c'est tout l’inverse. Il y vient seulement pour le buffet, et regarder les pingouins se trémousser sur la piste comme s'ils avaient un balai logé dans le derrière. Il ne peut s'empêcher de toujours faire un commentaire sur la tenue de l'un et du comportement de l'autre. Tout est si ridicule. 

« - Lui, je suis sûr que sa femme le trompe.
- J'en sais rien... Bon, je reviens. »

Le voilà aller faire la cours à une demoiselle. Tout aussi pourrie gâtée que ses parents celle-là. Avec ses bouclettes d'or et ses grands yeux bleus. Sans son maquillage elle est sûrement horrible. Son regard tourne sur chaque invité, et voit ses parents pas très loin. À lécher les bottes de quelqu'un comme à leur habitude. Il détestait ça. Ils sont pourtant tous les deux de grandes personnes, un avocat et un médecin, tout eux venant de grandes familles... Et pourtant ils ne peuvent s'en empêcher lorsqu'ils croisent quelqu'un de plus « important » qu'eux. Tout est dégoûtant ici. Pourtant, ça sent bon, tout est propre. Mais c'est pourri de l'intérieur. Son costume le gratte et sa cravate le serre beaucoup trop. Lui, il ne sait pas faire semblant alors dès qu'il en a l'occasion, il dit ce qu'il pense. C'est mal perçu, et il s'en fiche.  

Plus tard dans la soirée

« - Je la comprends pas. 
- Tu penses vraiment qu'elle va te laisser la toucher ? Tu parles. Elle veut juste profiter de toi et de l'argent familiale. Comme si elle n’en avait pas assez....
- Arrête. D'ailleurs, toi j'imagine que de ton côté c'est aussi le néant ?
- J'ai une tête à ça ?
- … Oui, pas faux. Mais tu devrais y penser...
- J'ai pas que ça à faire. »

Et puis quoi encore ? La descendance, ils pourront compter sur son frère pour ça. Ils ont à peine trois ans d'écarts, il est le plus grand. Il était très bien partit pour devenir un grand médecin et continuer à dorer le blason de la famille, tandis que Hadès, s'ennuyait et ne faisait pas tellement d'efforts pour être à son niveau. Il ne pense qu'à ses livres d’occultismes qui sont soigneusement rangés dans sa chambre. Il n'y a que ça qui compte pour lui. Son frère semble oublier toutes ces fois où ils se sont confrontés aux expériences paranormales. Lui était sûr qu'un esprit habitait la maison.  La soirée touchait à sa fin et, bien que sa cravate était déjà dénouée, il l'enlevait complètement, s'amusant à l'enrouler autour de sa tête.

« - Ils te prennent réellement la tête avec ça ?
- Oui. Après je ne m'en plains pas, je finirais bien par trouver. »

Pourquoi étais-ce si important de se trouver une femme, faire des enfants et avoir un chien ? Ça n'a absolument aucun sens.


Pendant vingt ans la même rengaine. Bien que peu à peu, ses parents abandonnaient de le faire devenir comme son frère. Il ne s'est jamais réellement senti comme chez lui. L'ennui était largement palpable, les jours se ressemblaient, lorsqu'il ne faisait pas ce qu'il aimait réellement. La médecine était quelque chose qu'il arrivait à peu près à gérer, mais il sentait que ce n'était pas une passion. Une obligation familiale, de devenir médecin ou avocat. Une sorte de coutume débile, certainement pour garder une certaine richesse et une fierté au sein de la famille Oswald.  


« Comment ça tu veux abandonner tes études en médecines ?! »

C'est toujours la même chose avec ces parents. Lorsque l'on décide de ne pas vouloir faire comme les autres, ignorer ce qui s'est toujours fait avant soit. Lorsque l'on défie l'autorité parentale, même lorsque l'on est en âge de s'occuper de soi-même sans avoir ses parents derrière. C'est l'heure de la confrontation, d'enfin tout envoyer en l'air et de décider de penser par soi-même. Découvrir d'autres chemins et décider de son propre avenir. Peu de gosses de riche le font, de peur de perdre leur héritage, tous leurs privilèges. Et à ce moment précis, il s'en fichait.

Bien sûr, une longue discussion de sourds avait suivi cette exclamation. Un très mauvais moment à passer, où tout se brisa. Parce que le grand frère lui, réussissait sa vie. Il avait fini par trouver une compagne. Il est comme eux. Il est l'heure de partir, quelque part. Où, il ne sait pas encore, mais c'était décidé.  

« - Et tu comptes aller où ? Même à moi tu ne vas pas dire ce que tu vas faire ?
- Je ne sais pas.
- Comment ça, tu ne sais pas ? Tu abandonnes tes études, part de la maison familiale sans même savoir ce que tu veux faire ? T'es inconscient ma parole !
- Je ne sais pas qui est le plus inconscient entre nous deux. Oh bien sûr monsieur le marquis, si ça te plaît de vivre dans l'hypocrisie, le mensonge et le regret, c'est ton problème, pas le mien. Il y a vraiment de mauvaises ondes ici, je ne vivrais pas une minute de plus ici, entouré de mauvais esprits. Autant vivants que morts d'ailleurs...
- Tu es fou, complètement fou.
- Peut-être. »

La valise est bouclé. La relation avec son frère aussi, sûrement.


Cela fait quelques mois qu'il erre, sans vraiment de but. Par chance, il a gardé assez d'économies pour vaguer d’hôtel en hôtel, sentant sa santé mentale doucement chuter. La solitude qui le frappe de plein fouet. Le changement brutal de situation. Mais au fond, il ne regrette pas. Il ne regrette pas d'avoir quitté cette famille toxique, et cet environnement faux et agaçant. Mais il est seul. Seul dans cette pièce qui n'est pas à lui. Il finit dans le noir, en boule. Un courant d'air. Des bruits qui le font frissonner. Au fond, il sait qu'il n'est pas seul. Mais les esprits, ne parlent pas, eux. 


La nuit commence à tomber. La brise est glacée, la neige commence à tomber. Ce soir-là, le destin décide qu'il est temps que son chemin croise celui d'une autre personne. Son regard se tourne lentement vers un vaste cimetière, qui doucement se fait recouvrir de la neige, devenant de plus en plus épaisse. Il a froid. Mais il entre dans le cimetière, et regarde les tombes, parcours les allées. Son corps tremble.

« … Bonsoir ? Vous allez bien ? »

En se retournant, il est nez à nez avec un homme. Il semble être vieux, presque à la porte de la retraite. Il tient une pelle, est habillé chaudement. Son nez est aussi rouge que le sien, mais son sourire est de loin celui le plus chaleureux qu'il ai vu depuis fort longtemps. Alors il est perturbé. Il parle quelques secondes à l'homme avant qu'il l'invite à rentrer se réchauffer un peu. Et c'est là qu'il passa une soirée qu'il n'a pas oublié de sitôt. Ce fut comme une évidence, lorsque l'homme lui raconta son métier, ses anecdotes et tout ce qu'il a vécu. Une affaire de famille. Des heures à parler, sans sentir d'agacements dans la voix de l'homme. Captivant. Rassurant. Lorsqu'il parlait d'occultes, aucune grimace ne traversa le visage de l'homme. Il posa même des questions, plutôt ouvert au sujet. C'était bien la première fois qu'il s'était senti aussi bien depuis longtemps. 


Il le vu une deuxième fois, puis une troisième fois, quatrième fois... Toujours avec cette petite excitation. Puis le jour arriva où il se fit embaucher. Travailler dans un cimetière, jamais ses parents auraient accepté. Vivre constamment près des morts, ce n'est pas le trip de cette charmante famille. Mais lui se considérait comme orphelin. Il apprit aux côtés de cet homme et quelques autres personnes du même métier. Ses études en médecines ne servaient pas à rien finalement... Il avait quand même des connaissances.

Et le temps passe.

Le temps passe, et le vieil homme décède. Hadès se retrouve à son enterrement et constate qu'effectivement, peu de personnes viennent. Alors il fait en sorte de rendre la cérémonie à la hauteur de l'homme. Il se retrouve seul à travailler dans ce cimetière, mais ce n'est pas grave. Il a repris confiance. S'est construis, épanouit comme il le voulait vraiment. Il sait qu'il ne sera jamais normal mais après tout... Qu'est-ce que la normalité ? Il était bien content de ne pas l'être au final. Face à ce monde où les hybrides fleurissent de plus en plus dans les rues et magasins. Il a vu la naissance de ces créatures, au cours de sa vie, sans vraiment s'en occuper jusque-là. Il observe le monde devenir fou à son tour, tout commence à s'obscurcir au fil des années. L'odeur de la révolte flotte dans l'air, la guerre est pour bientôt.

Et son rôle dans tout ça ?

Enterrer les corps.

Il n'y aura plus que ça à faire.