Juwon a toujours eu beaucoup de caractère, ce qui a rendu son redressement après son hybridation compliqué. Finalement, ils ont su briser ses tendances révolutionnaires tout en gardant sa combativité et sa hargne naturelle. Le loup effraye, il intimide de par son regard perçant et sa bestialité à fleur de peau, et pourtant, si Juwon a bien des défauts ; la méchanceté n'en fait pas parti, Juwon ne déverse pas sa colère ou sa brutalité sur ses pairs ou contre les plus faibles, il se montre plutôt gentil en vérité. Une gentillesse timide qu'il ne montre que peu puisque ses interactions sont limitées, le laissant extrêmement seul, mais maintenant, sa solitude ne lui sert plus à composer ou à écrire ses textes ; elle ne sert plus qu'à ressasser la mélodie de ses erreurs.

Ses insécurités ont servi et servent encore de base solide pour être manipulé aisément par ses maîtres, les complexes d'autrefois étaient le poids, aujourd'hui, c'est les performances, car Juwon n'a jamais renoncé à la vie, même après tout ça ; alors la menace simple d'un aller simple pour le Mexique, s'il devient obsolète, est assez efficace pour qu'il continue de se battre.

Loin d'être impassible, son hybridation n'a pas arrangé sa gestion de la colère, Juwon en vient donc vite aux mains, il a toujours eu l'habitude de défendre ceux qu'il aime, et si aujourd'hui plus personne n'est là, ce trait de caractère n'a jamais changé. Comme presque tout ce qu'incarne le loup en dehors du traqueur docile que l'on attend qu'il soit.

Juwon se laisse vivre, il mourra sur le terrain, loin de tout, loin de ses rêves, car les hybrides n'ont pas de rêves.

Aout 2039
C’est le jour de ta naissance, le petit dernier d’une fratrie de quatre enfants. Du moins, c’est ce qui était prévu pour toi, mais tes parents ne pouvaient pas te garder, élever des enfants en Corée lorsqu’on est pauvre, c’est presque impossible. Alors on t’a placé en orphelinat. C’est tabou là-bas, l’avortement, c’est mal vu, et tout ce qui touche aux enfants non désirés, on n’en parle pas.

Septembre 2039
C’est le jour où tes parents t’ont adopté, les seuls que tu considères comme tels, car on ne t’a jamais raconté l’histoire de Kyung-Soo Lim, le petit qui est né au mauvais moment. Tu as eu une sacrée chance, les enfants abandonnés trouvent rarement une famille aimante tant l’adoption est taboue en Corée du Sud. Au point où ta mère à porté un faux-ventre durant des mois, où ton père a fait croire à sa famille que son épouse était trop souffrante pour recevoir de la visite. Alors c’est à seulement un mois que tu découvres tes grands-parents, tes tantes et oncles ainsi que tout le reste de ta jolie famille.

Septembre 2050
Tu entres au collège, tes parents sont plus sévères, entre cours particuliers et cours du soir, tu ressens un manque total d’épanouissement, mais c’est ça que l’on attend de toi. On te demande d’être premier, pas d’être heureux. Alors en cachette, pour survivre dans cette mer d’exigence, comme devrait pouvoir le faire tout gamin de onze ans, tu rêves. Tu rêves éveillé. Tes notes en pâtissent et s’ensuit une longue période conflictuelle avec tes “géniteurs” qui ne veulent rien entendre.

Mars 2051
C’est la première fois que tu sèches pour aller faire ce que tu ne peux jamais faire : t’amuser. Tu découvres des jeunes gens tous plus âgés que toi, mais tu les trouves cool alors tu les observes, perché au sommet de ta cachette. Ils se rassemblent une fois par semaine et se lancent dans des battles de rap, et tu as beau être bien plus jeune, toi, tu t’y vois, tu te visualises dans ces textes, dans ces rythmes puissants qui gueulent une vérité que tu connais bien à ton jeune âge. Chaque Mercredi après-midi, ils sont là dans cet auditorium désert, et toi, tu es dans les entrailles des échafaudages, toujours planqué en hauteur, et tu observes, tu prends des notes, tu retiens les rythmes, les paroles, leur flow et tu copies, tu mimes, tu fais pareil, jusqu’à que tu sois assez imprégné pour te démarquer et faire les choses à ta façon. Leur réalité n’est pas la tienne, alors tu la racontes différemment. Les mots sont si puissants, si forts et si percutants, que ça te donne le courage de vouloir te battre pour la première fois pour une passion dont tu ne soupçonnais pas l’existence jusqu’ici. À tes yeux, le rap, c’est la poésie de la nouvelle génération, la forme est différente, pourtant, tu ne vois rien qui n’égale pas les textes que tu as étudiés pendant des années en littérature.

Novembre 2053
Tu rencontres Jisoo, un cadet de deux ans avec qui tu accroches incroyablement bien. Sur le papier, on ne pourrait pas faire plus opposés, dans les faits, on ne pourrait pas faire plus liés. Vous avez un intérêt commun ; la musique. Il est la douceur, tu es la force ; il est la sensibilité, tu es la bestialité. Tu apprends même la guitare avec lui, la guitare électrique bien sûr (plus ça fait du bruit mieux c’est), car ce que l’on ne soupçonnerait pas chez toi, c’est ton amour pour le métal et le rock, tu ne t’en caches pas, mais ce n’est pas la vibe que l’on perçoit en premier quand on te voit. Il est probable que tu saches hurler aussi profondément que les abysses, mais ça, c’est un secret… Bien gardé.

Février 2054
Première audition, tu agrippes Jisoo dans ta quête folle de devenir trainee, et tu le pousses autant que tu te pousses à réussir sur cette voie. Malheureusement ; la vie est injuste. Il est pris et toi non. On demande beaucoup de chant, et tu n’y arrives tout simplement pas. Tu tentes de convaincre Jisoo de rester, qu’il fallait qu’il saisisse sa chance, mais il n’a rien voulu entendre. En y repensant, c’est sans doute la seule fois où tu n’as pas su avoir le dernier mot avec lui.

Avril 2054
Vous réessayez inlassablement, d’auditions en audition et les résultats tombent. Tu es accepté en tant que trainee aux côtés de Jisoo, l’euphorie est si violente qu’elle te donne mal au crâne. Finalement, vous allez pouvoir suivre la voie dont vous rêviez, du moins entamer la prochaine étape, car c’est un label Américain. Un concept différent de celui que tu connais sur le système d’idol en Corée. Cette année-là, tu te mets à danser plus sérieusement, et ça te vient naturellement, tu n’as jamais autant passé de temps à danser qu’à rapper, en revanche, c’est le domaine où tu brilles le mieux à côté de tout ce que tu peux apprendre et pratiquer chaque soir et chaque week-end.

S’il y a le bon, il y a aussi le mauvais. Tes parents te mettent à la porte à tes quinze ans, si tu ne fais pas de vraies études, si tu continues à gâcher l’éducation que l’on t’as donnée, et cracher sur l’argent que l’on a consacré à ton éducation ; alors c’est dehors. Tu t’es toujours battu contre eux, et tu n’allais pas arrêter maintenant. Ton rêve, tu iras au bout, quitte à finir en morceaux. Sans tes passions, tu n’as rien, et si tu n’as rien ; tu ne veux pas vivre. Pourtant, la culpabilité te ronge, tu aimes tes parents, tu voudrais les rendre fiers, mais jamais aucun d’eux n’a pris le temps de t’écouter, de te regarder danser ou de lire tes textes. Ce n’est pas un vrai métier…

Heureusement, tu as pu compter sur Jisoo pour ne pas vivre à la rue, et si tes parents pensaient te motiver à rentrer au plus vite pour finalement abandonner l’idée de devenir un artiste, ce fût tout le contraire. De ta détresse, tu as puisé une force insoupçonnée. Les parents de ton ami t’ont aidé comme leur propre fils, et toi, tu prenais soin de Jisoo en échange. Tu as juré de leur rendre un jour tout ce qu’ils t’ont offert.

Juin 2057
Vous vous envolez pour les États-Unis. Majeur et vacciné dans deux mois, tu n’as pas besoin de l’accord de tes parents qui tu le sais auraient refusé, dans deux mois, tu es libre, ce qui facilite les choses. Tu n’as curieusement aucun stress, tu as juste hâte, et puis tu pars avec ton partner in crime, et Hyeon-Seo, franchement pourquoi est-ce que tu devrais craindre quelque chose ?

Les jours sont difficiles, l’entraînement est rude, tout comme la concurrence et le plus effrayant, c’est d’imaginer rentrer en Corée après avoir consacré plus de trois ans à ta passion, tu as sauté sans filet dans cette aventure, plaquant l’école et ses diplômes ; si tu échouais, alors ta vie était grillée. Dans ce pays, c’est comme ça que ça fonctionne, mais tu as quand même choisi de mettre tous tes œufs dans le même panier, est-ce que cela fait de toi un abruti ou un génie ? Seul l’avenir te le dira.

Le plus dur, c’est de voir des amis s’en aller, des gens que l'on apprécie échouer et de fondre en larmes comme si tout était fini et… Dans l’industrie immonde et sadique de la K-pop, c’est un peu ça ; tout ou rien. Tu continues, tant que Jisoo est là, tu avanceras, vous vous pousserez mutuellement.

Mai 2058
Une fan pas tout à fait comme les autres entre dans votre cercle privé, du moins celui de Jisoo qui est par extension le tien… Tu n’as pas pour habitude de juger au premier coup d'œil, elle n’avait rien de mauvais autour d’elle. Mais forcément quand on fait un métier comme le vôtre… On est obligé de se méfier, et Jisoo reste naïf et bien plus jeune qu’elle. Son statut d’hybride ne change rien à ça, tu le mets simplement en garde avant de finalement faire la connaissance de Mia à ton tour. Vous n’êtes pas très proche, mais tu en vois assez pour comprendre qu’elle n’est pas mal intentionnée du tout. Tu es content de voir Jisoo se lier à de nouvelles personnes, alors tu les laisses flâner ensemble quand ils le peuvent, ne souhaitant pas t’accaparer son amie ou t’immiscer entre eux tout simplement. En-tout-cas, tu dois reconnaître qu’elle est cool sur sa moto, ça te donne envie d’essayer. Mais le manager t’enfermerai probablement jusqu’à vos débuts pour éviter que tu ne te casses quoi que ce soit. Parce que oui, on rigole on rigole, mais le groupe (en fait, toi spécifiquement) est interdit de certaines activités (notamment sauter comme un débile de canapé en canapé) pour ne pas se retrouver (comme toi) avec une entorse.

Juillet 2059
Votre premier showcase, vous débutez à huit. Soudés, entraînés et pourtant simples novices encore sur le chemin de l’apprentissage, vous faites briller le nom de Clouds of Madness des États-Unis à la Corée. Le rythme est intense, les enregistrements, les entraînements, les premiers concerts, tout s’enchaîne extrêmement vite, si bien que vous n’avez même pas le temps de vous disputer.

Mars 2060
Descente aux enfers. Tu as répondu à la mauvaise personne, tu as bousculé la mauvaise personne, et cette mauvaise personne a bousillé ta vie, le lendemain de la dispute, tu as été évincé de MAD sans préavis. Plus encore, tu as été vendu pour être hybridé, et tout ça a été placé sous silence au vu de ton statut, le label a voulu préservé son titre au détriment de ta vie, et tout ça uniquement basé sur une seule personne que tu n'as pas laissé te marcher dessus.

Juillet 2061
Ton hybridation terminée, tu perds définitivement ton humanité, on te retire même ton nom de famille, tu es une bête qui servira à l'homme désormais. Un an a suffi à t'effacer de MAD, Jisoo est reparti en Corée, il a dû être dévasté de ta disparition, il a peut-être cru que tu l'avais abandonné. Tu n'en sais rien au final, tu n'as jamais pu lui dire au revoir, tu n'as rien pu lui dire, ni à lui, ni aux autres... Et pourtant, ce n'est que le début, car tu es envoyé à la BTD et tu seras entraîné pour être un chien de chasse. Tout a été difficile, toi qui craignais le service militaire en Corée, tu regrettes de ne pas y être allé, là, c'est l'enfer.

On t'as brisé puis remodelé comme on l'attendrait d'un bon hybride de traque, matin et soir, et si manger était un traumatisme à l'époque, là tu mangeais tant que tu le pouvais faute de quoi, tu t'effondrerais avant la fin. Ton corps a continué de changer, la masse musculaire, mais aussi des attributs du loup à crinière sont apparus ; des oreilles, une queue, des crocs et surtout une meilleure agilité.

Mars 2063
Tu as officiellement rejoint les rangs, et si tu es novice, tes caractéristiques ont impressionnés, car tu étais au-delà des espérances de ce qui était attendu. Ici, personne ne te connaît, personne ne t'a reconnu surtout. Tu n'as pas encore de maître, et honnêtement, ça te convient, tu n'en veux pas ; toi qui aimais ta liberté, toi qui ne rendais de compte à personne, tu refuses de servir quelqu'un qui te traitera comme de la merde.