Le Bronx. Berceau des êtres inférieurs qu'elle connaît si bien, surtout dans leurs intimités sauvages. L'endroit idéal pour passer des soirées sous haute tension. Un taux d'adrénaline à son paroxysme, de quoi exciter notre cher et tendre Bambi, en manque de challenge depuis quelque temps. Une paire d'oreille de lapin orné son carré plongeant brun -la perruque était de mise-, on aurait dit des vraies. A regarde de plus prêt, oui. C'était de vrai oreille de lapin, acheté au marché noir. Il en valait de même pour sa petite queue touffue. Une commande exceptionnellement réalisé pour ses beaux yeux. Ses connaissances avec la BTD lui avaient permis d'avoir connaissance de leurs pratiques douteuses et donc, de leur demander cette étrange commande. La fête battait son plein dans ce quartier qu'elle n'avait jamais exploré. Accompagnée de deux amis, elle passait de bar en bar, de soirée en soirée. Les verres s'enchaînaient, sans interruption. L'effervescence de tout ce cinéma se faisait ressentir.

Mais la fête était loin d'être finie.

Au alentour de trois heures du matin, ses oreilles pointèrent le bout de leur tête dehors, faisant face à cette fraîcheur printanière. La gueule de bois ? La gueule de rochet, de montagne, de forêt. Son visage était aussi rouge qu'une écrevisse, ses yeux... N'en parlons pas. Pour le coup, deviner qu'il s'agissait de la fameuse Kiana Da Costa relevé du génie. Son mascara dégoulinant sur ses joues et les nombreuses traces de boisson renversées sur sa robe lui permettait au moins, de passer inaperçu. Ce fondre dans la masse était primordiale, mais hybride ou humain, elle restait une femme. Un pauvre être fragile et sans défense aux yeux des carnivores la dévorant du regard. Ses amis ? Ils étaient aussi torchés qu'elle, impossible pour eux de lui venir en aide s'il se passait quelque chose. Elle avait encore un peu de lucidité et après avoir esquivé plusieurs mains baladeuses, elle vint se réfugier dans une allée vide, non loin de la boite de nuit la plus prisée du Bronx. Pour se reposer ? Pas du tout. Son envie du moment ? Vomir tout le liquide qu'elle avait ingurgité en l'espace de trois heures. Malheureusement, l'arc-en-ciel pour la censure n'était pas activé.

« Bordel de merde, ça faisait longtemps que j'mettais pas foutue aussi mal... Beuargh... »

S'essuyant la bouche avec son précieux mouchoir en soie, elle prit un instant pour se caler contre le mur, ne désirant qu'une chose : une cargaison de bouteille d'eau.

« De l'eau... Il me faut de l'eau... »

C'était l’effervescence dans ses veines. Ses yeux pétillaient de mille feux et sa température corporelle était en pleine éruption. Son œsophage et les remontés acides lui étaient insupportables, mais elle ne dirait pas non pour une tournée de shoot bien corsé. Finir à l'hosto serait bien plus sécurisé que de s'endormir dans cette ruelle complètement déserte. Déserte ? Pas tant que ça. Une silhouette élancée s'approcha de l'être fragile qu'elle était. Elle avait beau être ravissante, elle puait l'hybride à plein nez. Kiana avait un certain don pour ça, du moins selon elle. Elle aurait préféré la compagnie d'un chaud lapin plutôt que d'une femme, mais elle allait devoir s'en contenté. Elle puisa dans les quelques forces qui lui restait pour se redresser, venant attraper les doigts de la demoiselle.

« T'es trop mignonne toi... Ça te dis une glace à la menthe ? »

Elle parvint à se relever avant de lâcher l'hybride, venant poser ses deux mains sur le mur qui serait, ce soir, son plus fidèle ami. Puis, elle fit quelques pas chassés, avant de s'arrêter. Une ombre s'approchait d'elles. La brume qui envoûté ses pupilles n'arrivaient même plus à discerné ce qui était devant elle, alors elle s'avança, confiante. Complètement bourrée oui. Aucune personne n'agirait de la sorte, surtout au Bronx et dans son état, mais que voulez vous, Kiana, elle ferrait tout et n'importe quoi pour voir la mort de prêt et lui faire un énorme fuck. Une vraie diva 2.0.

« Hey toi là... Tu veux te battre avec nous?! HAHAHA on va t'envoyer au chinois mon p'tit hyrbide. »

Un rot qui annonça l'arrivé imminent d'un second round. Elle voulait se retenir, mais impossible. C'est sur les chaussures de l'homme au grand air que se déversa le liquide immonde.

« Merde... Désolé mec... Tes pompes sont plus jolies comme ça, tu m'diras, ça va bien avec ta dégaine de clodo. »

Elle ne prit même pas la peine de s'excuser, essayant de chercher du regard la jeune femme qui était avec elle quelques instants plus tôt.

« Miss... Je crois que j'ai fait une boulette... Miss? »

Visiblement, elle n'avait pas affaire à quelqu'un de très compréhensible face à son état. Ni une personne qui allait lui permettre de passer une fin de nuit torride. Bien trop vieux. Bien trop baraqué. Bref. Pas son délire du tout. Elle prit tout de même le temps de s'essuyer encore une fois, ses lèvres, retirant les dernières traces de rouge à lèvres qui pouvaient si trouver. Si pure, si blanc, le voilà recouvert d'une couleur ignoble. De ce qu'elle pouvait entendre, les deux zigotos semblaient se connaître, mais elle n'eut pas le temps de s'immiscer dans leur retrouvaille qu'elle termina, tête la première, dans une benne à ordure située à proximité.

Un long silence. Au final, elle était bien ici, avec juste ses jambes qui dépassaient de sa nouvelle maison. Toutefois, l'odeur était insupportable. Elle commença à s'agiter, remuant la benne de gauche à droite pour se renverser sur le côté, se laissant rouler quelques mètres. Elle était enfin libre ! Avec un vieux paquet de chips sur l'une de ses oreilles et plusieurs tâches de gras en plus sur sa robe qu'elle vint redescendre. Un peu de décence quand même !

« Hey ! C'est pas cool mec ! »

Lui cria-t-elle en lui balançant à la chaîne diverses ordures qui étaient tombé sur le sol. Boîtes de conserves, paquets vide, carton, épluchures, tout y passait.

« Miss, tu l'connais ? Il est pas gentil... T'ES PAS GENTIL GROS PLOUC ! »

Elle se rua derrière la belle brune, essuyant sa morve qui commençait à couler sur les vêtements de cette dernière. Des larmes vinrent pointer le bout de leurs nez sur le bord de ses yeux gonflés.

« Miss... Protège moi de ce gros malabar...T'aurais pas de l'eau aussi? J'crève de soif. »

En la reluquant de derrière, elle était plutôt surprise de voir qu'elle était plus grande qu'elle et surtout, avec un fessier plutôt sympathique à dévorer. Elle commença à rire doucement face à cette découverte.

« Ça te branche de venir avec moi en soirée ? Gros nul, t'es pas invité, t'es trop moche. »

Aucun mot assez fort ne saurait résumer parfaitement la situation dans laquelle elle se trouvait actuellement. Une soirée bien trop arrosée, une ambiance électrique et d'un simple clignement de cil, la voilà à dégobiller ses tripes dans la rue d'à côté. Sah quel plaisir. Vraiment, pourquoi se tuer la santé à boire des litres et des litres de ce divin nectar aromatique alors qu'elle pourrait rester en survête-pantoufle à visionner des bons vieux films d'amour en dévorant à pleine bouche un pot d'Häagen-Dazs saveur vanille. Ce petit goût d'aventure, de sensationnelle, voilà ce qui enflamme sa vie. Sauf que là, elle avait poussé le bouchon un peu trop loin. La voilà dans le Bronx, sentant le chacal à plein nez, avec sa dégaine de sans-abri et accompagné en plus de ça, de deux hybrides aux allures de vieux films de mafieux. Tout de noir vêtu. Quelle tristesse. Ils ne désiraient pas qu'on leur mette les paillettes dans leur vie pour continuer à se fringuer ainsi ?! Un débat avec elle-même commençait à naître dans son esprit déjà bien amoché.

« C'est votre rencard ?! Trop mign- »

Une explosion prit l’ascendant sur tout ce qui se déroulait autour d'eux. Le souffle qui accompagnait ce drame mit la pauvre actrice au sol, se cognant par inadvertance le crâne contre le mur juste derrière. Sa perruque chuta durant ce choc, libérant la longue et soyeuse chevelure doré de la demoiselle. Elle ne bougea pas d'un pouce, assommé par tout ce ramdam. Elle percevait des cris autour d'elle, mais ils furent comme étouffés par son état. Elle était encore abasourdie par ce qui venait de se passer. Elle arrivait à distinguer l'homme couché lui aussi au- sol, mais n'arrivait pas à voir la demoiselle qui était avec eux, mais son inquiétude grandi encore plus lorsque une odeur infecte s’immisça dans ses narines. L'épaisse fumée vint entourer le club où elle était précédemment. Ses bras tremblants, elle essaya avec beaucoup de mal de se relever, les larmes coulant à flots sur ses joues.

« Jason … Marc … MARC ! JASON ! Non ! Non ! Sortez de là ! Barrez-vous ! Je vous en prie ! »

Elle hurla de tout son être ces quelques mots à l'attention de ses amis qui eux, étaient encore au cœur de l'action. Elle tenait à eux comme à la prunelle de ses yeux et malgré tout l'alcool accumulé, cette catastrophe avait eu le don de lui faire retrouver un instant de lucidité, même si ses nausées revinrent rapidement prend les commandes de son organisme. Elle plaça sa main devant sa bouche, essayant de toute ses force de contenir un troisième rejet. Elle n'avait pas le temps pour ça, vraiment pas. Ignorant aussi cette sensation d'un liquide chaud coulant sur son front, elle s'accrocha à tout ce qu'elle pouvait pour se redresser, tombant à plusieurs reprise. Il y avait eu une explosion, les gens étaient en panique, mais que faire ?! 

« Hey... Hybrides de malheur… C'est vous qui avez organisé cet attentat ? »

Son regard, empli de larme, vint s'intensifier. Avec le sang qui coulait sur le côté de son visage, elle aurait décroché tout les castings pour les films d'horreurs.

Elles regardaient les deux intéressés avec un mépris immense. Dans le feu de l'action, cette conclusion lui semblait la plus probable, car après tout, pourquoi deux hybrides, qui se connaissent, se serait retrouvé à cet endroit précis, à cette heure précise juste avant une explosion. Une coïncidence ? Ce n'était pas possible pour Kiana, surtout que la vie de ses amis était en jeu. Le chrono était lancé.

Pourquoi a-t-il fallu que ce spectacle explosif arrive aujourd'hui ? Pourquoi fallait-elle qu'elle soit mêlée à ce drame ? Pourquoi elle devait se coltiner ces êtres répugnants ? Pourquoi tout ça ? Bordel. Elle aurait largement préféré se retrouver en coma éthylique sur le bord de la route et être amené aux urgences que dégobiller ses grands morts dans une ruelle immonde. Comme si ce n'était pas assez, voilà qu'un crabe à talon venait faire son entrée. Elle avait abusé des UV ? Aucune idée, mais ce qui était sûr, après ses dires, c'est qu'elle était à l'origine de ce feu. À l'origine de la mort de centaine de personne. À l'origine de sa colère grandissante. Elle sera les dents, endurant du mieux qu'elle pouvait tout ce qu'elle déblatéré, sauf que Kiana, elle est pas net. Kiana, devant le danger, c'est Simba. Elle se rit du danger HA HA HA. Elle a la rage. Elle voudrait lui sauter dessus, lui arracher son sourire, la rouer de coups à coup de Louboutin. Faire un pas était déjà un exploit, alors réaliser cette agression, impossible. La seule parade pour lui montrer que son action est risible ? Se foutre dans la merde, mais lui montrer qu'elle n'est rien face à elle.

« Blablabla on est trop fort les Deviants, on fait tout péter. On voit rouge. Bordel, mais ferme ta gueule. Vous savez faire que ça de votre vie, exploser tout ce que vous pouvez, pour qu'on porte un peu d'attention a votre petite personne. C'est quoi ça encore ?! Un traumatisme de l'enfance, car personne daignait vous accorder de l'importance. Grandi un peu ma belle, t'as plus quatre ans. »

Elle avait réussi à sortir tout ça, s'en avoir de relan. Ce qui était un exploit en soit. Elle n'avait, de toute évidence, que les mots pour provoquer, pour se défendre. Elle avait beau être hors d'elle, à bouillir de l'intérieur et surtout, à ressentir une forte douleur au niveau de son crâne, elle voyait bien que même cette folasse était pas là pour rigoler, qu'un coup de poing, voir pire, pouvait vite partir. Un moment de réflexion pour Kiana qui, devenant de plus en plus intime avec ce mur qui l'a vu sous tous ses angles, avait beaucoup de mal à tenir debout. Malgré tout, elle regardait atour d'elle, n'ayant qu'une chose en tête : retrouver ses amis. Vivants, de préférence. Organiser des funérailles, ce n'était pas spécialement son délire. La chaleur était de plus en plus pesante, étouffante. Ses yeux se plissèrent, essayant de rester éveiller du mieux qu'elle pouvait.

« De toute évidence, tu n'as pas l'air de comprendre grand chose à la vie. »

Un déclic. Bien qu'elle avait perdu sa perruque et ses oreilles qui, par chance, étaient dissimulés grossièrement sous les ordures, elle avait toujours sa queue et au vu de l'attitude de l'écrevisse, elle n'avait toujours pas compris qu'elle n'était pas comme elle, qu'elle était la personne la plus importante ici. Kiana, il était temps de montrer tes talents d'actrice avant de mourir.

« On a été créé pour et par ceux que tu détestes, ceux que t'as fais sauter. Sauf que faut que t'ouvre les yeux cocottes, t'es au Bronx, t'as plus de chance d'avoir fait explosé des hybrides, des potes à toi qui s'la donnait dans ce club, que d'humain. »

Elle se tourna, prenant une légère impulsion pour se propulser au milieu de la ruelle, faisant face à la Deviante, avec toutefois, une bonne distance de sécurité.

« Aucun humain sensé viendrait foutre les pieds dans ce quartier de merde. Va faire exploser tout Manhattan si t'y arrive, tu toucheras plus de monde. Personne en à rien à foutre de notre gueule. Un club du Bronx prit dans un attentat ? Des hybrides morts ? Ils en ont rien à foutre. Ils seront plus intéressés de savoir quelle star a couché avec qui plutôt qu'accorder une seule minute à cet incident dérisoire. »

Sa main tremblante se posa sur son front. Sa respiration se faisait lourde, elle n'allait pas tenir bien longtemps. Il fallait qu'elle sorte de ce merdier et vite. Son téléphone ! Oui. Même si c'est le Bronx, la police, surtout avec ce cirque, allait rappliquer. Elle devait gagner du temps pour le retrouver, le chercher du regard.

Pourvu qu'elle ne me pète pas la gueule, j'ai un shooting demain.