Demandez à Sacha de vous parler de lui-même, et il sera tout simplement incapable d’aligner deux mots. La plupart des gens sont incapables de citer la moindre qualité pour les qualifier, ou avec grande difficulté. Pour ce qui est des défauts par contre, il est rare de ne pas trouver une liste foisonnante de ces petits mots péjoratifs. C’est humain, paraît-il.
Habitué à se voir au travers du regard des autres, il a du mal à réaliser à quel point il est une bonne personne. Il suffira de lui répéter un peu trop qu’il est un moins que rien, et il baissera la tête. C’est triste, mais c’est comme ça. Par contre, si au contraire, vous l’encouragez réellement, il se sentira pousser des ailes. Attention à la chute cependant.
Il n’est donc pas surprenant d’apprendre qu’il n’a pas grande confiance en lui, mais qu’il tente de cacher ça derrière son sourire parfait et son regard aiguisé. Adepte des faux-semblants lorsqu’il s’agit de se mettre en avant, il aime se donner des airs sûr de lui qui ne sont qu’une pauvre façade. Rapprochez-vous réellement de lui et vous découvrirez une toute autre personne.
Sérieux et appliqué lorsqu’il s’agit de son travail, il ne laisse aucune faute passer et fera toujours passer la sécurité et la santé des autres avant la réussite d’un plan. Il suffit de voir son arrestation parce qu’il a voulu sauver Dimitri qui était déjà mort.
Il est malheureusement influençable, trop sûrement. C’était un reproche lorsqu’il était enfant, ça l’est toujours actuellement. Voilà comment un jeune médecin militaire sert la cause des déviants et se retrouve désormais dans la mafia… sans même avoir réalisé à quel point il avait la tête sous l’eau.
Il n’est ni colérique, ni borné. Il est ouvert à la conversation mais… ce point ne touche pas tout le monde. Son frère, par exemple : il n’est plus aussi sûr d’être capable de communiquer correctement avec lui.
Et s’il n’a aucun problème à faire usage de la force ou de la violence pour faire entendre sa voix, il ne le fera jamais contre son entourage. Très protecteur des siens, il n’hésitera pas à mettre le monde à feu et à sang pour y arriver.
Chronologie
21 décembre 2035 - Naissance de Sacha.
2050 - Elian quitte la maison pour les USA.
2053 - Fin du lycée, début du service militaire.
2056 - Fin du service militaire - début de formation pour être médecin militaire.
2061 - Départ pour les USA, rencontre avec Dimitri et entrée dans la mafia.
17 novembre 2062 - Attentat d'un fourgon de Chroma pour libérer des hybrides. Dimitri est tué pendant l'attaque, Sacha capturé par l'équipe d'Elian.
22 novembre 2062 - Sacha a pris la fuite pour retrouver le groupe de Dimitri.
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Les prises de mauvaises décisions sont souvent le résultat de mauvais réflexes. Mauvaises habitudes de vie, mauvaises fréquentations, besoin d’approbation ou simplement besoin d’exister. L’humain est de nature influençable. Certains sont simplement bien plus doués que d’autres pour profiter de cette faiblesse. Sacha fait malheureusement partie de la première option.
Ayant grandi en Russie au sein d’une famille aimante, Sacha a toujours été un enfant discret. Bon à l’école, il était du genre à ne surtout pas faire de vague pour ne pas se faire remarquer. Entouré de deux frères et d’une sœur, il était le second d’une joyeuse fratrie. Le plus âgé fut un véritable pilier pour lui, pour se construire. Souvent caché dans ses jambes, il n’y avait bien qu’à lui qu’il confiait ses doutes et ses craintes pour le futur.
Car Sacha n’aimait pas ce qu’il voyait dans le monde, et ne comprenait pas comment il pourrait tolérer de vivre dans un climat pareil. Guerre, attentats, violence à tout-va, scandales avec les hybrides… La Russie, elle, avait choisi son camp : les hybrides n’étaient qu’un tabou de plus dans ce pays à la censure facile. Entre ceux qui les voyaient comme des animaux, et les autres qui les voyaient comme des aberrations… Pourquoi ? Ce ne sont pourtant que des humains qui ont évolué. Ils n’ont pas perdu pour autant leur humanité après tout, non ?
Mais dans sa famille, on ne tolère pas ce genre de discours. Alors, Sacha a appris à se taire. Il s’est concentré sur ses études pour être rapidement diplômé. Puis, on l’a enrôlé de force pour ce fichu service militaire. Un pied dans ce qu'il avait envie de faire pour le reste de sa vie : médecin militaire. Alors il a choisi la voie médicale, pour apprendre le métier de médecin d'intervention. Être dans l’urgence, dans la panique, pouvoir sauver des vies. Voilà un but noble qu’il s’était fixé depuis son adolescence. Depuis que son frère était parti et l’avait laissé là. Depuis qu’il devait gérer sa fratrie. Lui qui n’a jamais été doué pour l’autorité… Il ne rêvait que de fuir, vite. Très vite.
Service militaire terminé : départ du pays tant attendu. Il ne voulait plus rester ici. Leurs manières de penser, leurs actes barbares et irréfléchis, il n’avait pas envie de ça. Il voulait de la modernité, une manière de penser plus ouverte, à l’opposé total de sa patrie. Il avait motivé ce choix de départ auprès de sa famille par le besoin de continuer ses études dans un pays plus moderne, aux technique plus poussées. Il lui restait encore quelques années à tirer, alors autant le faire loin de tout ça. Et surtout… son frère lui manquait terriblement. Les quelques visites qu’il avait pu lui rendre au fil des années n’étaient absolument pas suffisantes. Il avait envie de plus, tout simplement. Alors, pourquoi ne pas le rejoindre ?
Mais Sacha n’a pas rejoint son frère. Il est bien parti pour les États-Unis, oui. Il avait réellement pour but de retrouver son frère. Après tout, il savait où le trouver. Mais… il n’aimait pas son travail, il n’aimait pas ces gens qu’il servait aujourd’hui. Douze années sans se voir, sans réellement se fréquenter. Quelques réunions de famille ponctuées d'un goût amer d'injustice sur le monde… alors quoi, n’est-ce pas la pire des idées que d’y aller ? Lui, le jeune médecin qui rêvait de sauver le monde ?
Alors il est bien arrivé à destination, mais il n’a absolument pas été là où on l’attendait. Il s’est promené, il est sorti. Mais pas dans les quartiers où on l’attendait, non. Avant son départ, il avait noué des liens avec de mystérieux inconnus de sombre réputation sur des forums divers et variés. Des gens avec de nobles intentions à son goût : libérer les hybrides. Montrer au monde qu’ils ne sont pas si dangereux, qu’ils ne sont qu’une évolution des êtres humains. Lui qui, jusque-là, n’en avait jamais vu en vrai, découvrait tout un monde. Et plus le temps passait… plus il se demandait réellement ce que le monde pouvait bien leur reprocher.
Il a fréquenté des gens dans des associations vouées à aider les hybrides, il s’est montré rapidement indispensable. Même sans avoir continué ses études, il reste médecin en formation, il était présent pour retirer les puces des hybrides. Il n’était absolument pas d’accord avec ce simple principe : pucer, c’est comme marquer un animal. Comment en était-on arrivé là ?
Et voilà comment il a sombré, doucement. Il a commencé à s'intéresser à ceux qu’on désignait comme déviants. Alors il s’est doucement rapproché de personnes de moins en moins fréquentables, finalement. Des idées plus extrêmes, plus violentes. Des idées qui collaient bien plus à sa manière de penser. Parce que les membres d’Unity sont bien gentils… mais ils le sont trop, justement. Il faut agir, n’est-ce pas?
C’est ce que, au fil des jours, des semaines, puis des mois, Dimitri lui a mis en tête. Un hybride faisant partie de la mafia russe. Quelqu’un dont il serait sain de se tenir loin mais… Ah, Sacha a toujours été attiré par les mauvaises choses. Dimitri était le genre d’homme avec un charisme hors du commun. Lorsqu’il entrait quelque part, on se taisait, on le regardait. Il captivait les foules, de par son aura et sa prestance. Il était tout simplement fascinant, finalement. Et il avait bien remarqué la manière dont le petit Russe le regardait. Et il s’est accaparé la jolie créature.
Sacha a quitté son petit appartement dans un quartier calme pour rejoindre le Queens. Dimitri ne voulait pas le mettre en danger en l’installant dans le Bronx ni prendre le risque de l'installer dans le même logement que lui, il fallait faire les choses progressivement. Habituer Sacha à la violence, en lui répétant encore et encore que tout ça n’était que la faute d’Humanis, et de leurs idées extrémistes. Après tout, tout le monde a le droit de vivre, non ? Ils ne sont pas des animaux. Cependant, ce n'était pas une raison pour l'exposer à un risque inutile : leur histoire devait rester secrète pour leur entourage. Sacha serait une cible trop facile si ça venait à se savoir. Alors même si ça l'attristait... il ne dirait rien.
Le blond s’est impliqué de plus en plus. Il aidait les hybrides à se procurer des armes grâce à la mafia qu’il avait rejoint pour être aux côtés de son bien-aimé, il soignait quand les interventions tournaient mal, il aidait à les cacher, à les faire fuir… Il était très impliqué. Trop, impliqué. Trop amoureux. Trop idéaliste. Trop exposé au danger, finalement.
Dimitri n’était qu’une enflure qui avait bien calculé son coût. Si au début il n’avait vu en Sacha que le moyen d’avoir un médecin, et de quoi gérer les blessures graves et le dépuçage rapidement, le blond n’a pas tardé à tomber sous son charme et à lui confier le moindre petit secret sur sa vie. Y compris la présence de son grand-frère au sein d’Humanis. Il ne l’avait pas récupéré pour rien, non. Il avait pris soin de lui retourner la tête, de lui faire embrasser sa cause, de lui montrer à quel point le monde est injuste pour les créatures telles que lui. Et pour salir encore plus le nom de Makarov, il a poussé quelques transformations physiques chez le blond, car il savait que le jour où il reverrait Elian, ça ferait son petit effet.
Ça a commencé par des tatouages, pour marquer son appartenance à la mafia qu’il servait. Puis il lui a fait poser des prothèses définitives sur ses canines. De jolis crocs pointus qui allaient divinement bien à Sacha notons le. De quoi montrer un peu plus son allégeance à son bien-aimé, à son but. L’amour rend aveugle, il paraît.
Il était passé de simple médecin à terroriste. Il a multiplié les interventions avec Dimitri, bien qu’on lui demandait toujours de rester en retrait par mesure de sécurité. Et puis, ce n'était qu'un humain, il n'avait pas à s'impliquer directement dans leurs affaires. Il fallait qu’il soit capable d’intervenir, d’évacuer les blessés au plus vite. Normalement, son rôle se limitait à ça, mieux vaut prévenir que guérir.
Mais le 17 novembre 2062, une attaque tourna mal. Avant même de partir, le groupe était nerveux. Il ne s’agissait pourtant là de rien de plus qu’une libération d’hybrides, rien qu’ils n’avaient pas l’habitude de faire. Mais quelque chose semblait clocher, quelque chose semblait les travailler.
Si d’ordinaire il restait en retrait, on lui demanda cette fois de s’impliquer un peu plus. Ils n’étaient pas assez, l’entreprise était plus périlleuse. Ou bien était-ce un test ? Armé, caché à attendre le signal, il ne quittait pas Dimitri des yeux, qui se trouvait de l’autre côté de la route. Lorsque le camion arriva, tout se passa si vite… Il avait eu l’habitude de les voir faire de son point d’observation, mais le vivre en première ligne était totalement différent.
Il y eut des coups de feu, des hurlements. Les portes du camion furent ouvertes et il se rua à l’intérieur pour libérer ce qu’il voyait comme des otages. Mais à l’extérieur, la violence redoublait, et son instinct lui disait de se dépêcher. Il fallait qu’ils partent tous d’ici, au plus vite. C’était trop risqué, ça n’allait pas.
Les hybrides furent dehors, et il s’extirpa en dernier du camion. Il n’eut que le temps de tourner la tête au son d’un coup de feu pour voir Dimitri s’effondrer au sol. Tétanisé, Sacha resta planté là pendant cinq bonnes secondes, à le regarder se vider de son sang. Son cerveau ne comprenait pas ce qu’il voyait. C’était comme si tout était ralenti autour de lui. Les attaquants qui s’échappaient, les forces de l’ordre qui tiraient et Dimitri au sol. Lorsqu’il se reprit enfin, il se jeta sur lui le plus rapidement possible pour tenter de le tirer de là, en vain. Il aurait dû fuir pour sa survie, mais il a foncé tête baissée pour récupérer l’homme qu’il aimait et qui mourait sous ses yeux. Celui qui l’avait mené jusque-là. Celui qui lui avait insufflé cette flamme, pour qui il se battait jour après jour.
Il y avait tant de bruit autour de lui qu’il n’était même plus sûr de crier. Il sait qu’il l’a appelé plusieurs fois. Il a tenté de faire pression sur ses blessures, mais le sang coulait abondamment. Il n’arrivait plus bien à distinguer son visage tant ses yeux étaient baignés de larmes. Cependant, il se souvient encore parfaitement de la sensation de son corps arraché à lui, lorsqu’on l’attrapa de force pour le redresser et le menotter. Il y avait tant de détresse en lui… et tant de rage. Et ce fut pire lorsque son regard se posa sur ce qui lui servait de frère. Là, à quelques mètres de lui, à le regarder avec surprise et mépris. Il venait de perdre l’homme qu’il aime. À cause d’eux.
Il fut emmené sans ménagement, sans sentiment. Ils n’avaient pas été beaucoup à être attrapé par chance, mais Sacha était un élément important qui aurait dû éviter sa capture à tout prix, et il paierait sans aucun doute cette bêtise. Les déviants ne sont pas tendres, plus encore quand ils se sentent trahis. Il avait été capturé, et bien plus impliqué qu'ils ne le pensaient vis-à-vis de Dimitri. Tout se paye un jour.
Menottes aux poignets, il fut traîné en salle d’interrogatoire où on le fit patienter pendant bien trop longtemps. Il scrutait ses mains couvertes du sang de l’homme qu’il aimait, et qu’il n’avait pas été capable de sauver. Il ne pleurait plus, il n’y arrivait plus. Son cœur lui faisait si mal qu’il n’arrivait plus à penser correctement.
Lorsque les enquêteurs arrivèrent, il resta mué. Il releva les yeux pour observer son frère, posté là dans un coin, silencieux. C’était comme si Sacha n’entendait pas ce que les hommes lui disaient, qu’importe le fait qu’ils haussent le ton où qu’ils tapent sur la table. Et ils n’auront rien obtenu de lui. Perdant patience, ils décidèrent de le détacher pour le ramener en cellule. Sacha fut de nouveau animé d’une once de vie, juste ce qu’il lui faut pour cracher aux pieds de son frère en l’insultant en passant.
Et jour après jour, le même rituel : les interrogatoires, le silence, le retour en cellule. Jusqu’à ce que la donne change. Puisqu'il ne voulait pas parler, on lui annonça qu'il allait être transférer. Décidément, son frère ne lui faisait pas le moindre cadeau. Depuis qu'il était enfermé ici, il avait assisté au moindre de ses interrogatoire, mais lui non plus n'avait jamais ouvert la bouche. Et maintenant, le transfert ? Alors quoi, on balançait sa propre famille dans la fosse aux lions ? Soit.
Il ne dit mot, et grimpa dans ce fichu camion. Le regard dans le vague, il ne prit même pas la peine de s'intéresser à ses camarades autour de lui. La route se fit en silence, dans le calme... jusqu'à un certain point. Lorsque le camion pila, se stoppant net au milieu de la route, Sacha se raidit. Il y eut beaucoup de bruit, et les portes qui s'ouvrirent à la volée. Et là il compris. Lorsqu'on les sortit du camion et qu'on coupa leurs liens, Sacha ne se fit pas prier pour simplement s'enfuir le plus vite possible de son côté. Il ne pouvait pas se permettre de rester avec les déviants, c'était trop risqué pour lui. Dimitri n'était plus là, et il se retrouvait seul. Il devait retourner chez lui, retourner dans son clan, tâter le terrain pour voir comment les choses se sont déroulées en son absence.
Aujourd’hui, il est sans aucun doute toujours recherché, son frère est sans doute très en colère… mais il a promis à Dimitri qu’il continuerait jusqu’au bout, quoi que ça lui coûte.