Ta respiration rapide reprend peu à peu un rythme normal, tes pupilles bleues fixent un corps qui ne bouge plus. Pendant un instant tu te demande s'il a quitté ce monde mais son torse se bombe et redescend faiblement, l'humain en face de toi respire encore. Tes poings sont recouverts de son sang. Ce n'est pas la première fois qu'une rencontre avec l'un d'entre eux se finit ainsi. Le pro-déviant a croisé le chemin d'un chien de chasse. Un qui n'aura aucun remord à exécuter les ordres les plus cruels. Tu est froid et brutal envers ceux qui se tiennent sur ta route. Tu as été conçu et formé pour te salir les mains. Tu ne te plains pas de cette situation. Tu ne sais rien faire d'autre après tout et tu ne pourras peut être jamais t'échapper sans le payer cher.

Les autres chiens qui que tu connais depuis ton enfance sont tout ce que tu as, ta meute, ta famille. Rien d'autre ne compte. Pas même cette ville ou tu vis ou même tes propres créateurs. Seuls quelques amis font exception et tu les sélectionnes méticuleusement. Cela ne te rend pas associable pour autant, tu peux être très curieux et aventureux parfois. Acquérir ta confiance est juste plus difficile.  Tu considères ta méfiance comme une protection. Sous tes sourires se cache un grand pessimisme, tu préfères toujours t'attendre au pire, c'est mieux qu'être déçu. Et tu ne prend pas les trahisons très bien. Tu ne les oublie pas, tu refuses de laisser partir un traître sans qu'il en paie le prix. Mais tant que ça n'arrive pas, tu sera toujours un protecteur, généreux et à l'écoute.

On dit que les chiens apprennent de leur maître. Que la violence n'existait pas chez leurs ancêtres. Après tout les bêtes ne suivent que leur instincts dans la nature. Je ne sais pas si c'est vrai pour eux mais pour toi... On a de quoi se poser des questions. Tu te souviens de cette nuit ? Celle ou tu as retrouvé le corps inerte de ton frère ? Tué par ces hybrides avides de liberté. Toi avec ta meute, j'ai vu vos yeux cette nuit là. S'il y restait quelque chose d'humain, c'était probablement juste de la colère et de la cruauté. Mâles et femelles que vous étiez ne faisaient que vous acharner sur un de ces déviants. Le seul qui n'avait pas réussi à s'enfuir après votre attaque, un des alliés du meurtrier. Ou peut-être pas, franchement ça vous importait peu pas vrai ? La vengeance passait en premier. Alors vous vous mettiez à crier contre votre supérieur, un agent haut-gradé de la BTD, vous refusant votre dû.

Pour lui vous n'étiez qu'une gêne en dehors des combats. Ton rôle venait de s'arrêter, alors tu devais te taire. Mais t'as pas écouté tes ordres, tu refusais de t’asseoir. Tes frères et sœurs aussi. Les cris se transformèrent en aboiements rapides. Personne n'a pu vous arrêter lorsque vous vous êtes rués sur le déviant. La rage a effacé la moindre trace de pitié. Chacun d'entre vous vouliez enfoncer vos crocs profondément dans sa chair pour le dépecer vif. Vos poings et vos pieds martelaient votre victime qui se tordait de douleur, assez pour faire rouler son corps sur le sol. Ses hurlements et grognement incohérents, puis étouffés, vous motivaient à frapper plus fort. Votre sang bouillonnait, la vengeance devait être plus terrible encore. L'horreur du spectacle augmentait même après la mort du déviant. On vous ordonnait d'arrêter une énième fois, pas question. Ceux qui vous approcheraient allaient souffrir également. Ils restaient à distance, impuissants. Le cadavre quand à lui devenait un jouet. Ceux qui ont connu son propriétaire n'en retrouveront que des pièces détachées. La plus vicieuse d'entre vous sortit un couteau, prête à exécuter la phrase à la lettre. Et elle a presque tenu parole, une flèche fraîchement plantée dans son cou l'a interrompue. Tu as senti quelque chose aussi sur ton épaule mais tu t'écroulais avant même de pouvoir prévenir ta meute.

Évidemment après cet épisode tu te réveillais en cage. Avec un mal de tête mais calmé. La BTD ne vous a pas euthanasiés. Après tout aucun humain n'a perdu la vie, aucun suspect important aussi, mais votre supérieur vous menaçait quand même. Il ne voulait plus aucune désobéissance, même si rien ne disais qu'il serait forcé à travailler avec vous une autre fois. En tout cas une prochaine erreur avec lui vous coûtera sûrement cher. Mais l'un de tes frères te regardait toujours avec son sourire confiant, il ne regrettait rien. Toi non plus. Plus tard, une sœur te parlait et te rappelait des souvenirs. Ils remontent à l'époque ou vous étiez encore des chiots innocents. Elle te parlait d'une de vos éducatrices, celle que vous considériez comme une mère. La seul qui pouvait porter un tel titre.  Joueuse et attentionnée, elle vous a empêché de devenir  uniquement des armes, elle t'as aidé à traiter les autres chiots autour de toi comme une famille. Mais cette famille, tu n'avais pas réussi à la protéger. Tu comptais l'avouer seul devant sa tombe. « Talya Traynor », c'est le nom gravé sur la pierre devant toi, lorsque la BTD avait enfin accepté de vous laisser partir. Toi et ta meute comptiez enterrer votre frère près d'elle. Évidemment ce souhait n'a pas été exaucé. Le cadavre a été incinéré et les cendres introuvables.

On ne vous disais jamais rien, juste la cible à éliminer, les infos indispensables et ça n'a pas changé. Sûrement pour éviter que l'ennemi en apprenne trop. Même les raisons de votre création vous ne les connaissez pas vraiment. On vous a juste dit que vous étiez créés pour vous battre, parce que ce serait impossible à cacher. Tu penses que tu étais sûrement créé pour finir à l'armée de base mais toi et ta meute furent choisis pour être envoyés à la BTD pour une raison ou une autre. Et un jour ils t'envoient à New York, parce qu'ils ont besoin de ta meute là bas, pas d'explication, juste du boulot. Tout ce qui compte c'est de massacrer plus de déviants.