TL;DR
- Spoiler:
Quand Pepsi vous jette son regard en biais, on entendrait presque le bruit de crécelle d’un serpent à sonnette. Rien dans son attitude mutique n’incite à engager la conversation. Ses remarques moqueuses et acerbes n'aident pas au contact. Elle offre sa difficilement sa confiance et considère chaque nouvelle rencontre comme un potentiel couteau dans le dos. Peu familière des concepts d’amitié ou de compassion, elle profite sans état d’âmes de la naïveté et de l’innocence des gens honnêtes. C’est une cynique devant l’éternel et une criminelle de métier, réfléchie et méthodique.
Cependant, elle tolère avec une résignation perplexe ceux que son attitude désabusée n’affecte pas. Son statut d’électron libre la destine à la solitude mais des développements récents l'ont poussée à un altruisme mal assumé, l’exposant à une chaleur à laquelle elle n’est pas habituée.
Les situations de stress intense tendent à déclencher des tremblements qu’elle traite aux anxiolytiques
Son honneur et ses addictions sont ses deux cordes sensibles. Limite lunatique, elle redevient la racaille vulgaire et tête-à-claque de son adolescence lorsque on la contrarie et en vient vite aux mains quand on la provoque. Lourdement sujette aux comportements addictifs, c’est une parieuse compulsive avec un penchant pour la bouteille, la cigarette et la méthadone pharmaceutique. Elle s’ouvre plus aisément dans ces contextes de détente et fait une bonne partenaire de lit, de jeu et de boisson.
– Manhattan – Bureau NYPD 42ème Commissariat
. Casier judiciaire ID : 13A7355 .
Accès autorisé...Pepsi, alias Sevdije Qosja.
Prononcez / Sev.di.é / Josia ou tchosia /. Mais peu importe. Personne dans le milieu ne l’appelle par son prénom albanais. Pour que votre interlocuteur percute, mentionnez « Pepsi ». La faute au logo tatoué en bas de sa nuque.
Autrement, vous avez la liste non-exhaustive de contractions affectueuses, surtout utilisées par les prostituées qui la fréquentent : Sev, Sevie, Jo, Josia, D.J... etc.
Suspicion de meurtre au premier degré, coups et blessures, menace à l’aide d’une arme létale, kidnapping, possession/trafic/consommation de stupéfiants, usure, vol à main armée, vol de véhicule.
Placée sous le statut d'informateur par l'officier E.Contreras
Note vocale interne n°37 – Agent Contreras« Ici Esteban Contreras, je mets de l’ordre dans mes affaires avant mon pot de départ.
Si vous écoutez ce message, c’est que vous êtes tombé sur le dossier Qosja. Je me suis arrangé pour qu’il n’apparaisse pas dans la base de donnée à moins de savoir ce qu’on cherche.
Pourquoi ? Par carriérisme, baby ! Si tonton Esteban est muté sur la côte Ouest, c’est qu’il s’en est donné les moyens. Le terme officiel, c’est “conserver l’exclusivité de ses informateurs”, heheh !
Voyez ce dossier comme un cadeau de ma part. Ce que le Service prend pour une paumée à la botte des Triades, c’est en fait un éléctron libre qui traite avec tout le monde. Une simple fibre du tissu clandestin, mais une fibre à la couture de toutes les organisations opposées de New York. Vous en connaissez beaucoup, des petites frappes qui ont à la fois un lien avec les Triades, les yakuzas, les déviants, le marché noir et qui soient toujours en vie ? Ouais.
Alors gardez-la sous le coude et récupérez au compte-goutte les infos qu’elle pourra vous filer du haut de son rôle subalterne. Et si elle se montre capricieuse, rappelez-lui simplement les charges portées contre elle, ça a tendance à la calmer.
Si vous avez de la jugeote et multipliez ce genre de combines, peut-être qu’on se reverra à San Francisco autour d’un verre pour fêter votre nouvelle promotion.
Si vous êtes du genre à suivre le manuel mais qu’il vous reste du bon sens, refermez ce dossier et oubliez cette histoire.
Si vous êtes du genre à suivre le manuel et que vous transmettez ce dossier au FBI ou a la DEA... J’ai.... comme qui dirait, développé des liens avec cette source que proscrit le manuel susmentionné. Dans ce cas, tant mieux pour vous. Tant mieux pour vous mais priez pour qu’on ne se recroise jamais.
Et si vous êtes carrément du genre stupide, éventez toute cette affaire à votre supérieur. Je me suis fait quelques amis avec des postes intéressants au sein de l’administration fédérale. Ils sauront vous féliciter de votre zèle au sein de cette belle institution qu’est la police de New York. Contreras, terminé. »
Processing… Fichier note vocale supprimé avec succès.
ID : 13A7355_Caractère/Profil CriminelVoilà le tableau.
Sur le fichier V.02, j’ai regroupé des images d’échanges clandestins entre types cagoulés du black market, d’altercations entre la Triade et les Dominicains de Harlem, de yakuzas discutant au milieu d’un parking pour éviter les mouchards. Il y a même de l’audio à moitié corrompu d’une transaction Déviante dans un égout.
Leur seul lien ? Qosja est dessus.
Vous pensez que ça en fait quelqu’un d’important ?
Think again. Je vous apprend rien, les mafieux doivent parfois régler un deal qui risque de mal tourner. Quand l’enjeu est important, il se déplacent en force. Mais quand ça ne vaut pas le coup, ils envoient juste un jetable, un tocard qui ne manquera à personne. Une tocarde comme Qosja. D’habitude, ces jetables ne durent jamais longtemps. Qosja est dans le circuit depuis cinq ans, maintenant. Minimum.
Comment ? Au début, c'était un mystère, jusqu'à ce qu’on recolle les morceaux.
* L’enregistrement de l’officier Contreras coupe et enchaine sur la voix docte et pédagogue de Michael Torque, comportementaliste dans la soixantaine. *« Imaginez du point de vue de la petite frappe nipponne qui attend au point de deal avec ses amis en embuscade. Et qui, au lieu d’une berline pleine de chinois en costard, voit débouler une albanaise en jogging avec la marchandise. Elle s’arrête devant vous, tire une latte et vous tend la mallette. « Vous comptiez pas payer, je me trompe ? » lance-t-elle.
Pendant que vous vérifiez le contenu tout à fait authentique, elle jette un œil derrière les bennes à ordures où se cachent tous vos camarades et s’éloigne avant que vous ayez le temps de comprendre quoi que ce soit.
Le soir même, elle rentre voir les Chinois pour leur confirmer que c’était bien une embuscade.
Le lendemain, plusieurs rixes éclatent entre Triades et Yakuzas, causant de nombreux blessés dans votre camp.
Le surlendemain, vous la croisez, sortant de votre QG par la porte de derrière et vous apprenez qu’elle discutait avec un de vos ainés.
Seulement deux jours après les rixes, vous assistez à une médiation tendue entre votre second lieutenant et l’officier de liaison des Triades. Vous êtes debout dans un hangar rempli de gangsters et l’albanaise est là, mains dans les poches. Et vous surprenez le même regard de mépris dans les yeux des soldats chinois que dans celles de vos frères.
Qosja est une jetable qui a su provoquer l’intérêt des bonnes personnes à temps et s’est attiré leurs faveurs. Les mafieux, en période de calme, s’en servent comme d’un thermomètre, un téléphone rouge, une sorte de courtière dont l’absence d’allégeance est compensée par les informations qu’elle apporte sur le camp d’en face.
Vous me direz, comment une balance si peu discrète n’a toujours pas fini au fond de l’East River ? Qosja n’est pas stupide. Sa survie dépend davantage de ce qu’elle ignore que de ce qu’elle sait.
Et ça n’a pas échappé à certains malfrats. En bas de l’échelle, on fulmine de la voir exister dans ces groupes basés sur la loyauté, le collectif et le respect du code. Alors, un drôle de jeu s’est mis en place entre elle et les sous-fifres des deux camps. Régulièrement, ils essayaient de la rendre témoin d’actes et d’informations sensibles pouvant justifier son élimination.
Malheureusement pour eux, Qosja a un sixième sens. A plusieurs occasions, en présence d’ainés et de certains hommes de main, on peut la voir mettre ses écouteurs et s’écarter alors que l’un d’eux commence à parler. On a des images dans un restaurant de la Triade, agité par une discussion animée. A deux tables de là, Qosja se lève sans finir son plat et quitte tranquillement l’établissement. Trente secondes plus tard, un des cadres se fait étrangler avec une corde de piano par d’autres membres de la Triade.
Au Service, on a rapidement su que c’était une liquidation dans le contexte d’une lutte de pouvoir interne. Qosja n’en a jamais rien su, en tout cas, elle n’en a pas été témoin et ça a dû lui éviter de gros ennuis.
Tout cet exposé pour répondre à une question «Comment diable Sevdije “Pepsi” Qosja est-elle toujours vivante ?» En résumé : Instinct situationnel, connexions, chance mais surtout impassibilité face au danger.
Je sais, ça sonne « qualité de héros de film » mais en fait, c’est plus prosaïque que ça. On parle là de problème psychique. Une dissociation de la réalité. Pour utiliser un gros mot, un dérèglement du système nerveux sympathique.
Si la plupart des gens ont une réaction
fight or flight face au danger, Qosja aurait ce que j’appelle le
Stand and stare, un calme anormal face à un danger de mort.
Cette dissociation apparaît souvent suite à des événements forts ayant entraîné un traumatisme. Il est problématique lorsque l’organisme ne produit pas les hormones nécessaires pour fuir un danger. Il peut être précieux dans le monde criminel lorsqu’on regarde au fond d’un canon de 9mm pointé droit sur soi. Le calme voire l’indifférence sous la menace d’une arme a souvent pour effet de déstabiliser un agresseur. C’est également une attitude qui commande le respect au sein de la pègre. »
* Le comportementaliste achève son commentaire et l’enregistrement de l’agent Contreras reprend *« Sa relation avec les sous-fifres de la mafia n’a pas évolué en cinq ans. Qosja est une tête-à-claques de première. Qu’importe la personne en face, elle ne laisse passer aucune provocation sans lâcher une remarque assassine, souvent suivie d’un majeur en l’air et une insulte en albanais. La castagne qui s’ensuit finit rarement en sa faveur. Plusieurs fois, je lui ai demandé pourquoi elle déclenchait des conflits contre plus nombreux ou plus important qu’elle. Et à chaque fois, elle me montrait son poing en récitant
Vdekja para çderimit. La mort avant le déshonneur. »
C’est tiré du Kanun, un code d’honneur désuet de son pays natal. Le truc typique du gangster : Honneur personnel, rectitude, hospitalité bla bla bla...
Mais sur ce point, je la crois. C’est son honneur qui la fera flinguer. Un jour, elle lèvera son majeur contre la mauvaise personne et ce sera game-over. Heureusement, le type des Triades à qui elle doit une fortune est suffisamment dérangé pour s’amuser de ses insultes.
Ses hommes de main surnomment Qosja « le jouet de Xiùyīng »
Ce type la terrifie. Un cadre influent des Zhang. Un type en surpoids, toujours tiré à quatre épingles, rasé de près, cheveux gominés et parfum de marque. Il lit en elle comme dans un livre ouvert et a bien saisi ses plus grands cauchemars : l’humiliation et la servitude.
Qosja s’est retrouvée à sa merci dès l’instant où elle a posé les pieds sur le continent. L’argent qu’elle lui doit est presque impossible à recouvrer par elle-même, mais Xiùyīng trouve une satisfaction jubilatoire à la voir danser au creux de sa paume, tentant chaque mois de rassembler son versement.
Les fois où son retard de paiement a dépassé la limite se comptent sur les doigts de la main. Il sont, pour la plupart, survenus peu de temps après son arrivée à New York. Je lui ai demandé comment Xiùyīng avait réagi à ces retards. Son expression et son silence valaient bien un long discours.
Surtout quand on rappelle que le type est connu pour ses déviances sophistiquées, qu’il gère un nightclub dans Chinatown et qu’il en a réaménagé le sous-sol pour ses activités personnelles.
Plus tard, elle m’a lâché qu’il envisageait aussi de la transformer en hybride si elle prenait trop de retard. Qu’il en avait les moyens. Je suis persuadé qu'il bluffe. Mais le fait qu’elle semble prendre ses allégations au sérieux me laisse perplexe. Là aussi, elle a refusé de m’en dire plus.
Transition idéale vers son rapport aux hybrides : Si on doit trouver de l’inconstance chez Qosja, c’est bien ici.
Page 7 du dossier, je couvre son passé de prostituée en Albanie. Ça pourra vous aider à piger les enjeux de ce paragraphe.
Il y a un an et jusqu'à aujourd'hui, Xiùyīng l’a chargée de faire garde-chiourme dans une de ses maisons de passes, perdue au nord de Harlem : Le Camélia. Un placard insalubre où toutes les filles sont des hybrides échouant à remplir les standards des établissements Zhang, ou dont leurs propriétaires veulent se débarrasser.
Elle trouve absurde de devoir traiter comme égales des créatures conçues pour servir la race humaine. Elle méprise leurs efforts à fuir ou lutter contre leur condition.
Cette mentalité en faisait donc une bonne candidate pour ce travail.
Ainsi, son employeur l’a soudainement propulsée au milieu de ces hybrides. Et lentement, progressivement, elle s’est rendu compte qu’elle avait plus en commun avec ces filles que n’importe qui dans cette ville. Elle s’est vue à travers elles, comme dans un miroir déformant. Des êtres qui vivaient ici l’existence qu’elle avait cherché à fuir, il y a des années. Des créatures nées et destinées à servir plus puissants qu’elles pour le reste de leur existence.
Xiùyīng est un tordu à part entière. En l’assignant ici, il a subtilement fait comprendre à son « jouet » que, d’un claquement de doigt, il pouvait la pousser de l’autre côté du miroir, et que ce reflet déformé de son passé pouvait devenir sa nouvelle réalité hybridée. A tout jamais.
En tout cas, c’est ce qu’il prétend.
Fréquenter des hybrides a provoqué chez elle de nombreux changements qu’elle refuse d’accepter. Par exemple, un instinct de protection qu’elle s’efforce de réfréner. Pour la première fois, elle détient un fragment d’autorité sur autrui. Et elle s’est forgé un semblant de réputation dans les cercles illégaux de New York. Alors une part de sa conscience lui crie d’aider les personnes similaires à celles dont elle a autrefois partagé le destin, maintenant qu’elle en a les moyens.
Malgré tout, dans une de nos dernières conversations, elle a prétendu que sa vie serait réussie le jour où elle achèterait, je cite, “une de ces bestioles pour lui faire la cuisine et lui passer sa serviette en sortant de la douche.”
Elle enrage contre ces créatures qui parviennent à fissurer cette armure qu’elle s’est construite toute sa vie. Elles mettent à nu des fragments de son humanité, l’endroit où l’on frappe en premier dans le monde criminel.
Alors elle utilise cette colère pour tenter de combler ces fissures. Au Camélia, elle endosse une façade glaciale et impulsive, ne laissant sa conscience s’exprimer avec les filles qu’en l’absence de clients ou d’hommes de main.
Depuis, Qosja lutte plus que jamais pour rembourser sa dette et enfin s’arracher à l’emprise de Xiùyīng. Malgré certains retards de paiement, il n’a jamais dévié de ses « pénalités habituelles » et s’amuse toujours beaucoup du mélange de haine et de terreur qu’il inspire chez l’albanaise.
Elle voit toujours son corps comme un outil de travail, comme un moyen d’arrondir les angles ou d’obtenir ce qu’elle veut. C’est l’homme de terrain qui parle.
Heh, Plusieurs fois, des lèches-bottes de Xiùyīng ont pensé exercer le même jeu de domination que leur patron en lui réclamant une pipe, surpris de la voir accepter sans ciller. Ces minables ont dû perdre leur mandarin, une fois leur froc baissé au niveau des chevilles, un couteau à cran d’arrêt calé derrière les bijoux de famille.
Tu parles d’un jeu de pouvoir. Vous lui demanderez de ma part ce que ça fait de pomper une statue de sel.
Qosja est plus que jamais motivée par l’argent. La fréquence et la variété de ses délits s’en est ressentie.
L’albanaise n’a jamais eu d’états d’âmes quant à l’origine de ses revenus. Mais récemment, je sais qu’elle s’est rapprochée des fournisseurs Déviants et du marché noir dans des affaires de rapt et de trafics. Je n’ai pas de preuves cela dit.
Je serais vous, je continuerais à creuser. La hiérarchie mouille son froc à la moindre piste solide sur les Déviants, j’en sais quelque chose.
Malgré son endurance, ce quotidien a eu un impact durable sur sa santé. Elle est prise de tremblements depuis des années. Elle prend des anxiolytiques alors qu’elle est toujours sous méthadone pour contrer les effets du sevrage à l’héroïne.
Soyez sympa, envoyez moi de ses nouvelles, hein ?