Au premier abord, Léo est une personne souriante. Son sourire n’est pas faux, mais il n’est pas vrai non plus. Montrant peu d’émotions, son attitude est toujours empreinte d’une certaine retenue. Lui arracher un vrai sourire, un éclat de rire ou une larme relève du défi. La musique est cependant un excellent moyen de l’aider à s’ouvrir. Ses expériences passées ont fait de lui une personne méfiante, il lui faudra bien du temps pour accorder de l’estime à quelqu’un, et plus encore à accorder sa confiance.
Pourtant, Léo n’est pas une personne distante. Il est facile de discuter avec lui, particulièrement une fois qu’il a eu le temps de cerner quelque peu son interlocuteur. Il est assez charismatique et donne généralement envie qu’on l’écoute. Converser avec lui est d’autant plus intéressant qu’il est fondamentalement honnête. Il lui est difficile de mentir, chose qu’il fait cependant lorsque c’est nécessaire.
L’hybride renard est une personne calme, logique et organisée. Lorsqu’il doit réaliser des tâches, il prend le temps de planifier les choses, de manière à être le plus efficace possible. Pourtant, ce trait de sa personnalité l’empêche de réagir rapidement. En situation de stress, il sera bien souvent désemparé, voire même tétanisé. Il est aussi sujet à la rêverie, pouvant rester longuement pensif, ce qui a pu lui jouer des tours par le passé.
Léo est compétent. Le vulpin apprend vite et a une bonne mémoire. Très confiant en ses capacités, il ne restera pas passif s’il a l’opportunité de faire quelque chose pour lequel il voit un intérêt. Cet intérêt est cependant difficile à trouver. Léo peut se montrer curieux, mais rarement intéressé, il est à la recherche d’un objectif, d’un rêve. Ses rêveries l’amèneront d’ailleurs souvent dans un état mélancolique, voire triste. Servir les humains ne lui suffit pas.
Seul la danse ou la hauteur peuvent réellement lui procurer de la joie. Il pourrait se trouver un objectif dans ces centres d’intérêts, mais ceux-ci ne sont pour lui que des passe-temps agréables. Comme il n’a pas de réel but, il ne dira jamais non, même si on lui en donne l’occasion. Léo se contente de très peu, et une personne sans dessin n’a aucune raison de se montrer égoïste, voici son point de vue.
Sur ce blog, j’ai décidé de coucher par écrit ce qui m’est arrivé jusqu’ici, espérant pouvoir retrouver un jour ces textes. De surcroit, cet exercice m’aidera peut-être à trouver la réponse à ma question. Si vous lisez ces lignes, considérez que vous allez découvrir la vie d’un hybride relativement chanceux. Si cela peut vous être utile à quelque chose, lisez donc.
Ma mèreElle est ma seule famille. Ce que je sais de sa vie, elle me l’a raconté. Comme mon existence est conditionnée par la sienne, je vais commencer par parler d’elle.
Ma mère se nommait Élisia Perez. C’était une femme de basse extraction qui dut travailler très jeune pour subvenir à ses besoins. Elle passa la première partie de sa vie comme serveuse dans une chaîne de bars et de boites de nuit à Brooklyn. Les souvenirs les plus heureux qu’elle a pu me transmettre sur cette partie de sa vie, elle les partageait avec une hybride chat. Les deux travaillaient dans le même bar, à la différence que l’hybride était une performeuse, une danseuse sensuelle et superbe, aux dires de ma mère. Elles se lièrent d’amitié et c’est de cette chatte que ma mère apprit à danser. C’est aussi à cause d’elle qu’Élisia devint hybride. Bien que la société donne plus de valeur à la vie de ma mère qu'à celle de cette féline, cette dernière ne manquait de rien, alors que ma mère peinait parfois à se nourrir. Cela ne venait pas que du statut d’esclave de l’hybride, mais aussi de son talent, pourtant ma mère était tentée par cette vie. Elle prit finalement sa décision, après un mois particulièrement difficile, et se rendit aux laboratoires de Chroma. Elle fut hybridée avec un renard et se vit revendre à son ancien patron comme danseuse. Sa vie suivie ainsi les traces de l’hybride féline, qu’elle ne put malheureusement jamais revoir car cette dernière avait été rachetée avant que ma mère ait fini sa transformation.
Devrais-je en vouloir à cette femelle d’avoir poussé Élisia à l’acte ? Me condamnant ainsi à une vie de servitude ? Peut-être. Mais ce serait ignorer le libre arbitre de ma mère dans cette histoire, et les bons côtés de sa transformation. En effet, sa vie d’hybride lui permit de ne plus avoir à se soucier de trouver à manger, ou un endroit où dormir. On lui donnait ce dont elle avait besoin tant qu’elle obéissait. Et ma mère obéissait, elle obéissait bien, très bien même. Je n’ai jamais vu femme aussi belle, aussi virevoltante, aussi pleine de vie que ma mère. Malgré les mauvais traitements qu’elle pouvait recevoir, des clients notamment, je n’ai jamais vu hybride si heureuse que ma mère lorsqu’elle dansait. C’était toute sa vie.
EnfanceDu moins, c’était toute sa vie avant ma naissance. Élisia rendait différents services aux clients du bar. Je suis né d’un de ces services. On se serait sans doute débarrassé de moi si je n’étais pas né hybride. Heureusement, je pris tout de ma mère et étais donc un bien qu’il était possible de rentabiliser. Cette salle souterraine, sombre et humide, pleine d’odeurs de détergents et de sueur, où la musique vrillait déjà mes tympans sensibles, est le décor de mes premiers souvenirs. Je n’ai jamais su exactement comment et où ma mère m’avait eu, pourtant elle était là, dans ce bar sombre mais chaleureux. J’y ai travaillé dès que je fus en âge de porter des verres. Je prenais les commandes, servais les clients, leur tenais compagnie, nettoyais, rangeais... Les tâches étaient difficiles, pourtant j’estime que ma vie dans ce bar fut confortable. Les autres employés me traitaient convenablement, pour un hybride, notamment parce que j’apprenais vite et qu’ils n’avaient pas à trop me répéter les choses. Rares sont les fois où quelqu’un a osé lever la main sur moi. La raison majoritaire était l’influence de ma mère. C’était certes une hybride, mais c’était l’Hybride du bar, Eli comme ils l’appelaient. Beaucoup de clients ne venaient que pour elle et le patron ne voulait surtout pas qu’elle perde en productivité. On me laissait même lui parler ! Je pouvais passer une heure par semaine avec elle, où elle m’apprenait à danser souvent, les plus beaux souvenirs de mon enfance.
VenteJe sus bien vite que j’avais dix-huit ans lorsque les regards commencèrent à changer. Elisia ne comptait plus vraiment les années, ou peut-être ne voulait-elle pas voir ce moment arriver, mais de toute façon d’autres le faisaient pour elle. Tout comme elle, je faisais partie du décor du bar. Beaucoup de clients m’appréciaient, certains le montrant plus que d’autres, mais je n’étais pas pour autant indispensable. Cela me permit de continuer à travailler dans ce bar un certain temps, six mois peut-être. Mais la plupart des employés qui m’avaient éduqué étaient partis à ce moment-là. Alors que le bar traversait une mauvaise passe, le patron décida finalement de me vendre à un habitué qui souhaitait me récupérer. J’appris plus tard que le client en question avait même négocié avec ma mère pour qu’elle accepte de me laisser partir sans esclandre. Il l’avait convaincu qu’il serait un meilleur maitre que celui que j’aurais pu avoir si le patron finissait par m’amener dans une animalerie, ce qui finirait à un moment par arriver : aucun bien n’est éternel. J’eus l’occasion de voir ma mère une dernière fois. Elle faisait bonne figure lorsqu’elle me l’annonça, tout comme je ne fondis pas en larmes, j’avais eu le temps de m’y préparer en écoutant les conversations du bar à mon propos, mais ce fut un moment difficile.
Mon acheteur se nommait Julian Rogers. Il était journaliste. J’avais eu l’occasion de tenir compagnie à ce client à de nombreuses reprises, et connaissais un peu sa vie. Je lui en voulais de m’avoir arraché à ma mère, mais n’avais pas spécialement de haine pour lui. Cependant, je n’avais pas encore vu ce qui m’attendait. Il m’emmena directement dans son appartement, au neuvième étage d’un haut building de Manhattan. L’entrée donnait sur un somptueux séjour et une immense baie vitrée. J’étais déjà stupéfait de contempler le monde extérieur, que je n’avais pu qu’imaginer au travers des descriptions que j’avais entendu au bar. Là, sous mes yeux, s’étendait à perte de vue New York, la ville qui m’avait vu naître. Cette vue, cette hauteur me coupa le souffle. Si bien que j’approcha de la vitre jusqu’à la toucher. Je restais là, à fixer le paysage, pendant un temps indéterminé, lorsque j’entendis la voix de Mr. Rogers. Cette voix n’était pas aussi douce que d’habitude, portait de l’agacement, je n’avais pas entendu ce qu’il m’avait dit. J’allais me retourner lorsque je reçus le coup le plus violent et le plus douloureux que je n’avais jamais reçu. Je hurlais, et tombais au sol.
Julian RogersJe ne hais pas Mr. Rogers. Pourtant ce coup fut le premier d’une longue série. Il m’est arrivé de le détester profondément, mais j’ai depuis compris qui est Mr. Rogers. Il n’est pas foncièrement mauvais, mais n’a juste absolument aucune considération pour moi. Je suis pour lui un être raisonné et intelligent, mais incapable de désir, de haine ou de plaisir. Je suis un bel animal qui doit faire ce qui lui est ordonné de faire. Et les ordres de Mr. Rogers sont absolus. Il est normal que je fasse mieux que ses ordres, le minimum que je lui obéisse, et anormal que je fasse moins que ses ordres. Dans ces cas-là, il me bat. De cette façon, je ne commets jamais la même erreur deux fois. Malheureusement pour moi, cela ne marchait que trop bien.
L’homme me donna cependant les moyens de le servir au mieux. Le lendemain de mon achat, il m’envoya à Staten Island. On m’y apprit à lire, à écrire, les mathématiques et à me servir d’un ordinateur. Cela dura six mois pendant lesquels je logeais dans un complexe de formation avec d’autres hybrides. Je n’eut que peu d'occasions de partager avec d’autres membres de mon espèce. Nous devions apprendre, assimiler, retenir. Ces six mois me laissèrent exténué, je n’avais jamais eu autant d’activité intellectuelle en si peu de temps.
En revenant chez Mr Rogers, j’appris finalement les raisons pour lesquelles il m’avait acheté et donné ces enseignements. Ce qui me surprit le plus, en revanche, ce fut la servilité qu’il m’imposa. Au bar, j’étais un employé. Un employé sans droits, mais un employé. Pour Mr. Rogers, j’étais un animal, purement et simplement. En sa présence, je devais systématiquement m’agenouiller à côté de lui, et attendre. Je dormais à ses pieds et n’avais le droit de parler que lorsqu’il m’était demandé de le faire. S’il me parlait, je devais l’écouter, simplement. Heureusement, il était peu présent et je passais plus de temps seul dans son appartement qu’avec lui.
Tous les travaux qu’il me donnait devaient être réalisés en son absence, lorsqu’il dormait sans le déranger, ou parfois le weekend, les rares fois où il était présent toute la journée. Mes tâches principales étaient d’entretenir son appartement, et de faire des recherches pour l’aider dans son métier de journaliste. Il me donnait un sujet, qui pouvait aller de l’histoire à l’actualité, en passant par les sujets de société ou les informations cachées, et je devais fouiller les réseaux pour trouver le plus de donnée possible. Cela fait, je devais les organiser de façon à ce qu’elles soient le plus exploitable possible rapidement. Ce fut difficile, les informations étaient pauvres ou la restitution brouillonne, il fut très souvent insatisfait. Mais je finis par m’y faire et réaliser ce travail proprement, au bout de quelques mois. Tout comme je m'habituai à ses demandes impromptus exigeant une exécution rapide. Pour lui, j’appris seul à : repriser des vêtements, utiliser un logiciel de retouche d’image, monter un ordinateur, nouer une cravate, gérer du linge, me faire à manger… Me faire, à manger car la seule chose que je ne faisais pas pour lui était ses repas. Il se faisait tout livrer, toujours. Sa cuisine ne servait qu’à me nourrir moi, la nuit où dans la journée lorsqu’il n’était pas là. Je fus souvent désemparé au début et, s’il m’expliqua quelques petites choses, il était visible qu’il avait toujours été servi et je dus le plus souvent me débrouiller. Toutes les fournitures liées à toutes les tâches citées ici, je devais les acheter moi-même. Ce fut la principale chose qu’il fit avec moi la première fois, notamment pour me montrer le chemin du supermarché. J’étais perdu en dehors de mon monde souterrain. Par la suite, je dus m’en occuper seul, avec une somme d’argent qu’il me fournissait.
Ces sorties étaient la seule tâche qui devait être réalisée en sa présence. Il ne me fournissait pas les clés de son logement. Je n’avais qu’une heure et demi de sortie par semaine qui devait être utilisée pour acheter toutes les fournitures nécessaires à mes tâches. Ces moments à l’extérieur étaient pour moi des bouffées d’air frais. J’appris rapidement à m’organiser pour me libérer du temps libre durant cette heure et demi, que j’utilisais le plus souvent pour monter en haut d’un immeuble et observer la ville. Il me fallut un certain temps pour trouver des endroits où je pouvais grimper sur les toits des immeubles bas, mais je finis par trouver et devenir un plutôt bon grimpeur. Les hauteurs me grisent. La vue de son appartement est également superbe, mais atteindre soit même le point élevé est toujours plus satisfaisant.
ConclusionAujourd’hui, je suis toujours à son service, mais plus pour très longtemps. Mr. Rogers a commandé un hybride spécial. Je ne sais pas exactement de quoi il s’agit, mais il doit le recevoir demain, et je sais que cela sonnera la fin de mon existence auprès de cet homme. Il m’emmènera sans doute dans une animalerie, j’ai bien compris que cet homme n’avait qu’un seul hybride auprès de lui. Il aura été détestable et la façon dont il me traite me dégoûte toujours, mais j’aurais au moins beaucoup appris à ses côtés. J’y aurais passé quatre ans de ma vie.
Je me demande à quoi je vais être utile, au final… Je finirais bien par trouver.
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