Roman est depuis toujours très silencieux. D’un calme à - presque - toute épreuve. Il en est si silencieux que de nombreuses fois dans le passé on a oublié son existence. Il parle clairement, mais doucement, d’une voix linéaire. En réalité, il est même assez réservé. Il parle peu de lui-même. Ce n’est pas quelqu’un qui se laisse submerger par ses émotions même si cela peut arriver de temps à autre. Malgré cela, avec ses proches il se montre très compréhensif. Il ne remet pas en question leurs émotions et prend soin d’eux quand il le peut. Au fond de lui, notre détective est quelqu’un qui se prend pour un justicier. Il est persuadé d’agir pour le bien du monde et de ses proches. Roman veut un monde ordonné et calme, où les hybrides aux tendances ravageuses seraient punis. Pour le bien de la société. Et il est très loyal à ses convictions et ceux qui les partagent. Il ne se remet pas en question.

Au travail et dans son quotidien, Roman est quelqu’un de très autonome. Il vit et s’organise seul. Il n’hésite pas à prendre des décisions. Impliqué, il est très efficace dans ce dans quoi il se lance. Il est du genre à travailler jusqu’à ce que le travail soit bel et bien terminé. Et il ne fait pas dans le bâclé : travailleur et habile, il s’applique avec précision sur chaque chose. Ajoutons à cela que son côté observateur et réfléchi font de lui un bon élément dans son travail.

Pour autant cette partie calme de lui, ainsi que son côté impliqué sont souvent au second plan aux yeux de ses pairs. En effet, son aura stricte et très travailleuse le rend assez difficile à approcher. On le qualifie souvent de rigide et sévère, au point qu’il peut en irriter certains qui diront de lui qu’il est un rabat joie. Autoritaire et direct, on dit de lui qu’il se croit supérieur aux autres. Il a une assurance et une certaine confiance en lui qui lui permettent d’être assez direct et ferme dans ses échanges. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il est  irrespectueux.

Pour finir, si il est plutôt conscient de ce qui a été dit plus tôt, certains aspects de sa personnalité lui sont inconnus. De ce fait, il ne remarque par exemple pas à quel point il est rancunier. Amertume qui pourtant l’a poussé à devenir “justicier” en premier lieu. Roman ne pardonne pas. D’autant plus que notre cher détective est très borné. Autant vous dire que se réconcilier avec lui n’est pas chose aisée.

C’est l’histoire de Roman et son ami Nono. Une grande histoire d’amitié qui démarra dès les deux ans de notre petit blond. Rien ne pouvait les séparer, pas même les autres amis que ses parents lui achetaient. Et l’univers savait à quel point Roman était gâté. Une amitié si forte, où chacun comprenait l’autre sans même avoir besoin de parler. Une relation sans limites ni peurs. Nono était le seul avec qui Roman se sentait à l’aise. Fragile et peu à l’aise en public, il passait le plus clair de son temps isolé. Il écrivait et Nono le lisait. Ils inventaient de magnifiques histoires ensemble. Loin du monde, loin du danger. Le petit blond s’en fichait bien d’être faible dans un monde cruel tant qu’il avait son ami à qui raconter ses histoires.

Un jour, un tout nouveau genre d’ami arriva à la maison. Le père et la mère de Roman le présentèrent comme leur serviteur. Un adolescent avec des oreilles et une queue de husky. Le petit blond avait déjà vu des hybrides, et il s’en fichait bien au fond de ce nouvel arrivant. Comme on le lui avait appris, ce n’était qu’un esclave à ses yeux.

Mais Roman et Nono n'avaient pas l’habitude de côtoyer d'autres personnes - avec ou sans oreilles de chien. La maison était d'ailleurs très vide. Alors, petit à petit, la curiosité fut trop forte pour qu’ils n’essayent pas de s’approcher de ce nouvel arrivant. Roman était très timide, il avait beaucoup de mal à parler. Mais son ami était toujours là pour le pousser à prendre son courage à deux mains. Petit à petit, ils se mirent à saluer le jeune chien. Il était bien plus costaud et grand qu’eux, et plus énergique aussi. Il était très fort, ce chien du nom de Mael. Mais il n’était pas méchant, pour une entité à moitié sauvage. Roman se prit même à penser qu’il était d’accord pour qu’il soit leur serviteur préféré, à Nono et lui.

Les années passèrent et tout allait bien pour le blond aux yeux bleus et son ami. Cependant, le ciel était plus gris pour Maël. Alors qu'il n'avait que quelques années de plus que Roman, il se faisait déjà très souvent gronder et réprimander. De plus en plus souvent, de moins en moins gentiment. Roman ne comprenait pas pourquoi Maël était si indiscipliné. Il passait son temps à avoir des sauts d’humeur et à mal faire son travail voire à ne pas le faire du tout.

Cela dura plusieurs mois, jusqu’au soir où Roman cru voir une bête sauvage face à lui. Après que son serviteur se soit fait sévèrement punir, Roman et Nono étaient allés le voir pour lui demander s’il allait bien. Les yeux écarquillés, ils constatèrent que leur ami était devenu fou de colère. Il leur cria d’horribles choses au visage. Il hurlait qu’il détestait sa vie, les humains et les gamins comme lui. Le blond pleurait en l’écoutant, ne comprenant pas pourquoi il s’en prenait à lui alors qu’il était le seul à être gentil avec un serviteur. Il ne voulait pas se fâcher avec lui, alors il lui proposa de se calmer en serrant Nono contre lui. Il était très confortable après tout. Mais cela agaça d’autant plus le jeune chien, qui déchiqueta dans une violence incommensurable son ami, puis s’enfuit de la maison.

Roman pleura longtemps sur les restes de son meilleur ami depuis toujours. Il pleure toujours au fond de lui, plus de dix ans après. Il en veut plus que tout à ce chien qui lui a enlevé la douceur de son enfance et qui l’a plongé dans la réalité du monde. Il en veut plus que tout à ces hybrides qui deviennent sauvages et détruisent le monde parfait qu’il imaginait avec Nono.




“..-man ! Roman !”, interpella une voix mélodieuse mais sévère au téléphone.

Le jeune détective du Bureau de Traque des Déviants sortit de ses pensées en relevant la tête. Serrant son téléphone de sa main droite, il se déplaça jusqu’au balcon de son appartement. Il y observa le monde qu’il tentait tant bien que mal de reconstruire puis soupira.

“Pardon, tu disais ?”, Inutile de lui dire ce à quoi il songeait.

“Je la jette cette peluche ou pas ?”, répondit sa mère avec impatience.

Roman se massa l’arrête du nez. Devait-il abandonner son ami d’enfance pour passer à autre chose ? En était-il même capable ? Il avait tant de souvenirs avec cette peluche… Il prit un temps de réflexion puis, après un dernier soupir, répondit à sa mère.

“Je passerais la chercher après le travail.”