Cattleya est en quelques sortes… une maman poule pour hybride. Positive et optimiste, chacune de ses actions à leur égard s’en trouve être teintée de douceur et de tendresse. Malgré le regard qu’elle porte aux humains, elle est d’une nature curieuse et avenante aussi bien avec ce qu’elle connaît que les hybrides qu’elle chérit. Lorsqu’elle a une idée en tête, elle s’en retrouve très motivée et active - qu’elle soit bonne, irréalisable ou morbide.

Susceptible serait un point sur lequel s’accorderait plusieurs personnes de son entourage. Cattleya adore qu’on la flatte, mais supporte mal la critique, même justifiée. Entêtée, elle vous tournera les talons dans le meilleur des cas. Elle boude plus facilement qu’on ne le croit et n’est pas très réceptive aux blagues de second degré.

Néanmoins, attention à l’eau qui dort. Bien que sa maladie l’ait beaucoup affaiblie avec le temps, l’hybride n’en perd point son côté bourrin et violent lorsqu’elle est en colère. Cette dernière déforme son visage à un tel point qu’il en deviendrait horrible - mais heureusement, cela n’arrive pas si souvent.

Cattleya aime chanter et s’exprimer au travers de cette activité. Elle trouve beaucoup de satisfaction personnelle à aider les autres hybrides dans les refuges, que ce soit pour le geste éthique ou par supériorité inavouée et assez malsaine - ce n’est plus elle qui dépend autant d’autrui… Peut-être ?

Depuis petite, il lui arrive parfois de faire des burnouts émotionnels, notamment lorsque la charge émotionnelle quotidienne finit par être trop grande. Elle ne pleure pas. Elle n’a jamais su pleurer. Elle se déconnecte simplement de la réalité beaucoup quelques secondes, quelques heures, voire quelques jours. Lors de ces épisodes, elle ne réagit plus aux stimulations extérieures et montre le regard vitreux.

Quand ce n’est pas la déconnexion qui la frappe, ce peut être ses crises d’angoisse. Il lui arrive d’en faire lorsqu’elle est seule dans une pièce close ou ressent un fort sentiment d’abandon et d’inutilité. Lors de ces brusques changements d’humeur, Cattleya peut souffrir d’hallucinations auditives et parfois visuelles dues principalement à son infection méconnue. Dans les cas les plus extrêmes, elle en vient à la mutilation et subit des changements d’humeur brutaux similaires à une bipolarité instable et aléatoire. L’hybride est généralement méconnaissable, refuse le contact humain et ne fait preuve d’aucune tolérance ou patience, tel un animal blessé. Généralement, Cattleya tente de cacher au mieux ses excès pour ne pas nuire aux autres, mais… Ce n’est pas une chose facile.

On attendait d’elle qu’elle soit aussi belle et pure que la licorne ailée des légendes, elle n’en était qu’une pâle copie sans saveur, rapiécée et défectueuse. Elle était un test, un essai, puis finalement une erreur… Tel Icare s’étant approché de trop près du soleil, cette chose cornue avait brisé bon nombre d’attentes qu’il s’agisse aussi bien de celles des scientifiques ambitieux que celles des commanditaires capricieux.

Une triple hybridation en cuve paraissait presque anodine de nos jours, néanmoins ce n’était pas tant le cas il y avait de cela une trentaine d’année. Certaines apportaient de l’espoir à de futurs projets d’hybridations farfelues, tandis que d’autres rappellaient la dure réalité des faits : les échecs existaient toujours malgré les sommes et le matériel investi…

Le sujet n° 443 n’y échappa point.

Née en 2029 entre les murs blancs du laboratoire de Chroma en Alaska, celle que l’on aura appelée plus tard Cattleya vit le jour dans le creux d’une cuve aux couleurs étranges. La création aboutie du sujet n°443, mais aussi celle d’autres sujets d’hybrides croisés en cuve, apportait un nouveau souffle au laboratoire - notamment depuis la fuite du sujet 0.

Malheureusement, et bien que sa création en tant que telle restait un exploit indéniable, d’apparence, le nourrisson semblait n’avoir assimilé que deux de ses trois hybridations initiales. Du narval, elle en avait la corne. Du frison bâtard à la robe blanche, elle en avait les oreilles et la queue. Néanmoins, qu’en était-il de ses attraits avec la belle grue du Japon ? Les scientifiques avaient-ils fait un oubli ? Le gène avait-il disparu lors du croisement en cuve ? Cette erreur était incompréhensible et quelques premières opérations pour en déterminer l’origine furent menées. Sûrement dûe à une mauvaise manipulation, ils y trouvèrent l’adn d’un petit oiseau chanteur : le rossignol.

A défaut d’une licorne ailée, Cattleya conservait néanmoins des attributs proches de l’étalon légendaire cornu. Peut-être resterait-elle un projet présentable. Une hybride “licorne” belle et docile, de quoi faire rêver les amateurs de fantaisie... Tout du moins, si la croissance du sujet n°443 n’avait pas autant posé problème.

Les années passant, l’enfant présentait des comportements étranges dans sa cellule. Elle oscillait entre crises agressives et moments d’absence lorsqu’elle n’était pas assez stimulée. Sa vision baissait et elle souffrit même de problèmes de mâchoire bloquée ou mal positionnée à ses cinq ans, l’empêchant de se nourrir. Sa corne fragilisée tombait, elle aussi, en lambeau.

A chaque anomalie, à chaque comportement jugé inapproprié, des tests, des piqûres, des tortures furent menées sur son corps frêle. Cattleya avait mal, elle hurlait et criait si souvent qu’il lui arrivait d’en perdre la voix. Elle développa petit à petit des troubles anxieux et du comportement, sans compter une stéréotypie très marquée dans son box.

Désirant vouloir étudier un peu plus ce sujet au comportement étrange, Cattleya servit par la suite de cobaye pour de multiples expériences. Elle y laissa son oeil droit ainsi que de multiples cisailles plus ou moins profondes au niveau du ventre, témoins de la disparition d’un rein - paraîtrait-il “pour sauver une autre personne” - ainsi que des éléments de son appareil génitale. Des pertes de mémoires occasionnelles vinrent ensuite s’ajouter à la liste des défaillances connues. Ses crises finirent par être plus rares et le sujet se calma peu à peu, sans doutes brisé mentalement depuis trop longtemps...

Après une deuxième expertise et au vu de son comportement désormais calme et docile bien que défaillant sur quelques points, il fut finalement décidé de mettre en vente la licorne dans une animalerie à ses 16 ans comme il l’avait toujours été convenu chez Chroma.

Transférée dans une animalerie à Brooklyn, loin du froid d’Alaska, cette hybride ne portant désormais ni nom et ni numéro mais simplement une puce intégrée à sa nuque, faisait des allers et retours dans son box, attendant patiemment la venue d’un potentiel adoptant. Elle n’eut guère le temps de s’ennuyer qu’au bout d’une semaine à peine, l’animalerie se fit braquer par des Hommes armés et les hybrides, kidnappés. Enfermée dans une caisse en bois, elle ne revit la lumière du jour que lorsque ses ravisseurs eu fini d’installer leur campement dans le Bronx.

Son tout premier acquéreur, voleur et maître fut un directeur de cirque ambulant et macabre, constitué essentiellement d’hybrides malades ou maltraités, présentant des problèmes psychologiques ou des difformités visibles. Ce fut ce même humain qui la nomma d’abord “Red Rose” par manque d’originalité et en raison de ses cheveux bruns aux reflets carmins.

Outre la beauté que le directeur se ventait d’avoir désormais en sa possession, il avait notamment été attiré par le regard borgne et vitreux de Cattleya. D’un maquillage surfait, il avait peint son visage. D’une Cattleya artificielle et de ronces piquantes, il combla son oeil manquant. Et d’une robe rouge de diva déchirée, il l’avait habillée. A coup d’insultes et de coups de fouet, Cattleya la Red Rose s’était improvisée. Elle chantait de sa belle voix, réalisait bon nombre d’acrobatie farfelues et valsait devant le public conquis par la monstruosité de ce cirque.

Commença alors un quotidien au rythme effréné, les représentations s’enchaînaient sans réelle pause et chaque hybride devait partager sa cage avec un autre, par soucis de place et au bon vouloir du directeur. L'hygiène y était désastreuse. Ils n’étaient que de simple amusements n’ayant que pour originalité leurs malformations, leurs hybridations hors norme, leurs tocs ou leurs blessures, dont le simple but était de divertir un public des plus sordides.

Cattleya détestait ce cirque… Mais en même temps, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine fierté à l’acclamation du public et elle appréciait tout autant ses collègues. Des hybrides que la vie n’avait point épargnée, comme elle. Elle était touchée par leur histoire et par la solidarité qui naissait dans le coeur de certains - pas de tous malheureusement, le monde aurait été trop beau si certains membres du cirque ne se chamaillaient pas à coup de dents ou de griffes pour une poignée de pain. La jeune hybride se lia alors d’amitié avec certains et s’éprit d’un premier amour naïf avec l’un : celui avec lequel elle ressentait une étrange connexion et qui lui avait donné le doux nom de Cattleya…

Bien qu’il attirait les foules, le cirque fut victime de son propre succès et finit démantelé après neuf mois d’activité par les forces de l’ordre. Le directeur abandonna les hybrides, préférant les laisser errer dans le Bronx telles des âmes en peine plutôt que de payer leur réhabilitation en animalerie. Cattleya avait eu la chance d’avoir son amant à ses côtés et de ne pas se retrouver livrée à elle-même, mais aussi la malchance d’être la victime du mal qui le rongeait.

Un soir, sans crier gare, l’hybride se laissa glisser dans une rage folle et s’attaqua à Cattleya. Il la mordit de ses crocs aiguisés au poignet gauche et à la nuque, lui arrachant un peu de chaire au passage et décrochant une partie de sa puce avec tellement d’aisance qu’on pourrait croire qu’elle n’était pas si bien attachée que ça. Souffrant de cette infection qui faisait tant parler d’elle aujourd’hui, il venait de blesser grièvement Cattleya à ses dépens, aggravant un peu plus la maladie qui la rongeait depuis sa naissance. Lorsqu’il revint à la réalité et vit le corps ensanglanté et à moitié conscient de Cattleya, il courut dans les rues du Bronx jusqu’à la frontière du Queens en tenant la jeunette dans ses bras, ne cachant guère le sang qui séchait au coin de ses lèvres. Il la déposa devant la porte de la première association pro-hybrides dont il put déchiffrer l’enseigne avant de disparaître dans l’ombre de la nuit. Autant dire que la bénévole présente sur place ne s’attendait pas à recevoir un pareil colis après une sonnerie à 2h du matin.

Bien qu’Unity n’existait pas encore à l’époque et que les quelques refuges et associations se remplissaient progressivement, Cattleya fut prise en charge et soignée d’urgence. Sa puce à demi-retirée la faisait atrocement souffrir au point de se gratter à sang et d’essayer d’enlever l’objet par elle-même malgré la douleur. Le risque d’une surinfection de la plaie et d’une paralysie des membres la menaçaient fortement. Les raisons médicales furent, heureusement, en faveur du retrait total de la puce « ancienne génération » par un vétérinaire spécialisé de l’association. Malgré la loi, le docteur pris le risque et la liberté de ne pas lui imposer une nouvelle puce, l’hybride n’étant pas en état de subir à nouveau une opération de cette ampleur. Par ailleur, son infection, propre aux hybrides, ne fut point décelée à cette époque.

La convalescence prit beaucoup de temps, mais la confiance demandait bien plus de patience. Cattleya craignait les humains, bien plus que son agresseur. Ils étaient systématiquement violents et avides de supériorité qu’elle commençait à en avoir assez d’être sous leur joug. Sa naïveté l’avait gagné de nombreuses fois, mais maintenant, cela s’avérait compliqué… Bien qu’elle n’avait guère le choix pour sa survie et sa santé que de rester dans les locaux de l’association, elle fut plusieurs fois tenter de fuir.

Les mois passèrent, les saisons aussi… Ce ne fut qu’au bout d’une longue année de rééducation, d’écoute et de soins que Cattleya commença enfin à faire confiance au docteur Evans, un vétérinaire bénévole engagé aussi bien dans la cause animale que dans celle des hybrides maltraités. Il fut pendant longtemps son seul repère et la seule personne à qui Cattleya souhaitait bien parler. Il s’occupait principalement des interventions chirurgicales pour sa nuque et lui fabriqua une prothèse pour sa corne de Narval. Pour des raisons purement administratives et pour éviter son retrait de l’association, le docteur Evans se porta comme “garant” ou “maître” de Cattleya, bien qu’il ne la traitait point comme son animal de compagnie.

Peu à peu, la cattleya s’ouvrit à nouveau aux autres hybrides, puis à quelques humain.e.s qu’elle croisait assez souvent pour estimer ne pas être mauvais.e.s. Elle observait souvent ce beau monde lors de mission et s’en retrouvait inspirée. Elle admirait l’entraide et le soin apportait aux hybrides. Une lutte pacifique et paraissant inutile, mais qui faisait tant de bien au coeur les plus blessés. Comment un endroit pareil pouvait exister ?

A 20 ans et toutes ses dents, Cattleya décida de rejoindre les rangs de l’association, mais cette fois en tant que bénévole active. Bien qu’elle ne prônait pas l’égalité entre hybrides et humains - continuant de craindre ses derniers - elle souhaitait de tout coeur apportait son aide à la cause des hybrides. Pour ses frères et soeurs, pour les plus malheureux et les plus démunis, pour leurs droits.

Malgré sa santé désormais fragile et son infection toujours inconnue à ce jour, Cattleya était de plus en plus investie au fil des ans. Elle apprit à lire, à parler couramment anglais, mais aussi à écrire un peu. Ses réflexes d’anciennes acrobates et ses bons réflexes servaient lors de missions sur le terrain, tandis que son écoute et son efficacité dans les tâches des refuges lui permettaient d’accompagner les hybrides en détresse et de leur apporter soutien et réconfort.

Ce fut trois années plus tard qu’Unity vit le jour et quatre années plus tard que les déviants firent leur apparition. New York commençait à bouger de manière étrange et violente… Une nouvelle page de l’histoire se tournait. Néanmoins, bien qu’elle se projetait énormément au travers des Déviants, elle ne décida point de les rejoindre. Elle ne souhaitait pas tuer ses compères qu’ils soient considérés comme des traîtres ou non. Ce simple fait indiscutable tranchait son opinion.

Ces dix dernières années se ressemblaient sans pour autant être pareilles. Cattleya récolta une identité à part entière sous le nom d’Evans et le droit de disposer de son propre studio, à proximité du QG d’Unity. Au sein de l’organisation, elle était chargée de tâches administratives simples et se présentaient dans divers refuges du Queens pour y prêter son aide en fonction des priorités. Ces passages lui permettait de transmettre des informations directement au QG. Elle pourrait travailler et gagner son propre argent, mais elle préférait investir tout son temps au profit d’Unity et éventuellement se pencher sur une formation thérapeutique ou d'assistante sociale. Tout le monde était si débordé...

Depuis maintenant trois ans, Cattleya organisait des concerts caritatifs pour Unity afin de récolter des fonds, même minimes pour l’organisation. Elle y était très investie et y chantait de sa belle voix entre quelques sketchs humoristiques. Une manière naïve de sensibiliser sans faire de mal et contre laquelle, toute attaque du parti adverse serait sans doute malvenu et frustrerait l’opinion public.

Quant à l’infection qu’elle portait depuis si longtemps en elle sans le savoir… Sa place à Unity et son passé psychiatrique avait repoussé jusqu’alors toute analyse et prise de sang, ses sautes d’humeur ayant toujours existées. Cependant, depuis que ses mains commençaient à se changer en serres d’oiseau et les nouvelles de ces derniers mois, Cattleya se questionnait. Elle tremblait. Elle avait peur…

Cattleya n’était qu’une goutte dans l’immense océan d’hybrides et d’âmes qui parcouraient la Terre. Cependant, elle tentait malgré sa maladie, malgré son passé, d’espérer et de participer à la construction d’un monde meilleur.