Représenter une forme d’autorité, c’est pas ce que je pensais faire au départ. Je me voyais pas devenir enquêtrice criminelle quelques années plus tôt. Sérieux quoi, je suis bordélique. Bien que ce soit un bordel organisé, vu que je retrouve toujours ce que je cherche ! Mais c’était peut-être ma grande curiosité et mon esprit observateur qui m’ont aidée à choisir ce parcours finalement.
Ça ne m’empêche pas de continuer d'apprendre pour améliorer mes connaissances en informatique, mes recherches méticuleuses peuvent s’avérer très utiles pour ce travail. Mais la blague, c’est que je suis quand même pas super imposante avec mon mètre 65. Et pourtant, ma franchise et ma sincérité m'ont rapidement fait devenir connus dans le milieu. Major de ma promotion, mon taux de réussite était pas mal, si on comptait pas les gens qui en avaient rapidement marre de bosser avec moi. J'y pouvais rien après tout, quand je suis motivée pour faire quelque chose, on m'arrête pas, et vu que j'aime le travail bien fait, c'était important d'être minutieuse ! Ça aidait bien pour résoudre les premières enquêtes en plus, même si mon air détaché pouvait en surprendre plus d'un. Il fallait bien distinguer le boulot du reste, sinon, ça pouvait finir par nous bouffer. On voit des choses pas très drôles, alors autant s'en détacher le plus possible.
Mais si je devais demander à mes amis, il y a deux choses pour lesquelles ils me connaissent bien : le Dr Pepper, et mon émotivité. Le Dr Pepper, c’est la meilleure boisson du monde en même temps ! Je pourrais pas m’en passer, c’était mon petit bonheur quotidien à moi. Ce bon goût de cerise, c’était impossible de s'en lasser ! Et puis, ça me faisait une petite sortie d'aller m'en acheter une fois le stock vide, faut dire que j'étais pas trop soirées... mais plus joueuse dans l'âme !
Mais surtout, je suis une grande émotive, et sensible, malgré moi, je reste très professionnel avec les clients et les collègues. Mais on pouvait rapidement en voir de toutes les couleurs, de toute façon, quand je suis butée sur une idée, je n'ai pas toujours le temps de réfléchir avec les autres, c'était de l'instinct, et puis dans ce milieu coincé fallait bien que quelqu'un l'ouvre un peu. Je préfère carrément travailler en solo à cause de ça, mais malheureusement je ne pouvais pas être toujours seule sur une enquête. J'aime pas trop la foule, être au centre de l'attention, et j'avais la dose de pression quand je devais commander une équipe m'accompagnant sur le terrain, ce qui m'empêche pas de n'avoir pas toujours confiance en moi, ni aux autres.
Le plus dur, ça restait de pas mêler le travail avec ma vie personnelle. Elle avait déjà trop empiété dessus avec la mort d'Alex. Je reste une grosse stressée, à vouloir toujours faire le maximum durant mes missions, mais ça devenait difficile avec les tensions actuelles. J'adorais rester des heures devant mon ordinateur ou des consoles, mais maintenant, c'était presque plus que mon travail qui comptait, pour simplement ne pas penser à tout ça.
Assise à son vieux bureau en bois, l'esprit de la jeune femme se perd dans les dizaines de papiers volants éparpillés devant elle. Ça beau être la nouvelle ère du numérique, il est important de garder une trace manuscrite des rapports, au cas où. Peut-être que ça rendait la chose plus officielle ? Les choses étaient ainsi dans les anciennes séries télévisions après tout, pourquoi ça ne marcherait plus ? On ne peut pas pirater du papier. Pensive, la criminologue vient machinalement classer ce qu'il restait sur son bureau, venant alors retomber sur des papiers venant de ses premiers dossiers, parsemés de notes. Étirant un petit sourire, rapidement masqué par de chaudes larmes parcourant ses joues porcelaines.
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Rapport n°1 : Animalerie clandestine. Cible : Animalerie "Little Twins". Commanditaire : Evie Parker et Rose Lam, bénévoles chez Unity.
Plusieurs membres de l'association se sont présentés à mon bureau ce mardi matin de septembre. Ils soupçonnent Chroma ou les Humanis d’avoir ouvert une animalerie clandestine afin d’y vendre des hybrides plus que douteux à Manhattan, leur provenance reste suspecte. Ils me rapportent avoir échangé avec le soi-disant vendeur des lieux, mais les discussions ont abouties sur des échanges de coups.
Après une première visite sur les lieux, je n’ai rien trouvé de suspect. Le gérant avait des papiers officiels, accompagné d'un mot signé par Chroma. Pourtant, quelque chose clochait, les hybrides présentés n'étaient pas en bonne santé, alors que la réserve possédait un nombre important de ressources pour en prendre soin. Je remarque également que la clientèle présente ne semble pas fréquentable, en plus d'êtres nombreux, et bien trop peu intéressés par les hybrides exposés. Mais j'étais encore trop inexpérimentée pour tenter quelque chose seule, et puis je n'étais pas policière, je ne pouvais pas aller les arrêter directement.
Enquête de voisinage, récoltes d'indices, inspection des lieux souvent scènes de violence... Après plusieurs mois d’enquête, j’avais finalement eu mon résultat : Il y avait bien une animalerie clandestine, dissimulée sous une trappe derrière le comptoir. Une fois le soir tombé, les habitués venaient en nombre pour acheter des hybrides rares importés des autres pays, le plus souvent attrapés pendant les contrôles douaniers, présentant des signes d'infection.
Après avoir remis mon rapport à la centrale avec mes preuves, l’endroit fut fermé et le groupuscule de chasseurs démantelé. Mais je compris bien vite que tout cela n'était que temporaire. Quelques semaines après, j'appris que l'endroit avait simplement déménagé, et l'affaire étouffée par le gouvernement, qui semblait tirer bien du profit de ces hybrides acheminés jusqu'ici. Je pouvais pas lutter contre ça, je devais me contenter de fournir simplement ce qu'on me demandait et pas jouer les héroïnes.
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C’était sa toute première enquête après avoir obtenu son diplôme. Installée à Brooklyn pour démarrer dans un district qu'elle connaissait, les débuts n'ont pas été faciles. Après un parcours scolaire chaotique soutenu par des parents absents, elle avait finalement trouvé sa voie. Le bac en poche, la jeune femme s'est rapidement dirigée vers une faculté d’informatique, mais a rapidement décroché vu les perspectives d'emploi… Elle a donc décidé de partir sur toute autre chose en apprenant l'informatique de son côté, étant attirée par les enquêtes et les recherches d'indices. Fouiller, trouver une solution, c'était aussi méticuleux que l'informatique après tout. Peut-être que c'était à cause de toutes les séries qu'elle regardait, à se dire que certaines personnes pouvaient faire changer les choses avec leurs actions, décidant de suivre ce nouveau chemin.
Major de sa promotion, elle pouvait choisir dans quelle zone exercer. Mais durant toutes ces années, elle avait vu la ville se dégrader, et surtout, avait une vue plus proche des petites magouilles entre la police et Chroma. Mais qu'importe, étant son propre patron, elle était libre de travailler comme elle le voulait. C'est d'ailleurs à cette époque qu'elle rencontra Alex, un scientifique travaillant dans les laboratoires de Chroma, enfin, même si elle ne l'a su qu'en piratant son compte. Ils s'étaient déjà croisés par hasard à l'université il y a quelques années, et se retrouvent alors lors d'une visite à Staten Island, le caractère direct de la jeune femme lui avait plu, et elle avait succombé sous son charme.
Rapport n°39 : Empoisonnement. Cible : Josh Flemming. Commanditaire : Ethan, Deviant.
Comment pouvait-on souhaiter faire du mal à quelqu'un ? Malheureusement, c'était chose courante. Si la police recevait ça tous les jours, recevoir une demande en personne d'un hybride ayant tout perdu avec sa famille par un humain ce n'était pas banal pour moi. Mais surtout, parvenir à récolter des informations en sachant que ça ne pouvait pas aboutir par la suite, c'était tout autre chose. Ce n'était apparemment pas le seul crime des environs, les cibles semblaient choisies par le bourreau. Il y avait aussi le même mode opératoire, le poison, un mélange chimique presque indétectable dissimulé dans des bouteilles d'eau. N'importe quel hybride manquant de moyens ne pouvait pas refuser une telle offrande, surtout d'un humain. Le suspect travaillait proche du quartier, et se baladait souvent dans cette même zone.
Les hybrides n'avaient pas le pouvoir ici, et se faire justice soi-même était une mauvaise idée. L'hybride travaillait plus de 15 heures par jour, et il avait retrouvé femme et enfant décédés en rentrant chez lui. L'humain allait s'en tirer, et le pire dans tout ça ? C'est que lui aussi était dans la police, c'était bien ironique. Et le pire, c'était que ce genre de crime était de plus en plus commun.
Quelques jours d'enquête avaient suffi, vu que le coupable avait apparemment lui-même avoué en interrogatoire, et en était fier. La raison principale était qu'ils prenaient trop d'espace, et que la femelle avait déjà été arrêtée pour vol de nourriture, mais c'était simplement par plaisir. Avec les preuves rassemblées, un jugement eut lieu, mais le plaignant n'eu que de l'argent comme gain de cause. Il disparut de la ville peu après cela.
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La jeune femme avait peu d’affaires joyeuses, et avec son statut, elle avait eu l'autorisation de porter une arme pour sa défense, surtout dans les quartiers sensibles. On lui faisait bien savoir qu'elle devait s'en servir, et sans hésiter, ce qui ne la met pas à l'aise quand elle est en service, et qui malheureusement est restée comme mauvaise habitude. Elle s’y attendait de toute façon, même si elle était plus haut placée que d'autres, elle est l'une des seules formes d'autorité que les hybrides allaient voir sans trop de crainte. Zelda acceptait volontiers de les aider, étant l'une des seules, même si malgré tout, la société la forçait à les considérer que comme domestique. Pourtant, elle n'avait même pas d'hybrides et en parlait rarement à Alex, qui était aussi pas très réceptif sur le sujet.
Même si on la laissait libre de ses mouvements, elle savait bien que ce n'était qu'une illusion, ses choix sont surveillés par les Humanis, comme les autres, tous ceux s'approchant de près ou de loin à la justice, la loi. Elle avait d'ailleurs bien vu cette tendance, c'était souvent le personnel dans le juridique, le financier ou bien le sien qui pouvait faire les pires vices, vu qu'ils ne seraient pas inquiétés. Pouvant facilement voir le parallèle entre les différents clients qu'elle avait. Les humains avaient souvent un souci avec un hybride, ou avec un autre humain, mais les hybrides, c'était toujours pour des affaires de violence, de vol, d'homicide. Pourtant, ça, ce n'était pas son travail, devant renvoyer la majeure partie d'entre eux vers un service plus adapté, souvent avec de la peine pour eux. De son côté, Alex semblait de plus en plus mal avec son travail. Malgré leur vie très prenante, ils se sont fiancés très rapidement.
Rapport n°98 : Accident au laboratoire Chroma. Cible : Alex Frye. Commanditaire : Zelda Ledger.
Il est mort.
Un accident a eu lieu au laboratoire Chroma de Staten Island. Après un nouveau test visant à améliorer encore l'ADN animal implanté, les hybrides sont devenus fous, comme perdant la conscience humaine au profit de l’instinct animal. Alex fut l'une des premières victimes. La vidéo surveillance a eu quelques défauts, mais j'ai pu récupérer en secret les images du jour de l'incident, la mémoire des appareils fixés pour ne garder que 24 heures en mémoire que le jour même et la veille chaque jour.
Les employés étaient interrogés, l'emploi du temps vérifié, comme si ils s'attendaient à une attaque extérieure. Alex ne me disait rien à la maison, et les policiers chargés de l’enquête ne voulaient rien me dire non plus. Les produits injectés tardaient à dévoiler leur composition, et j'appris que l'aile du bâtiment concerné par l'accident était totalement réhabilitée. Chroma étant hautement sécurisée, il n'était pas possible à notre échelle de pouvoir parler à toutes les personnes présentes, de regarder toutes les caméras de surveillance et de se rendre sur place. Nous avons donc dû passer la main aux services concernés.
L'annonce avait d'ailleurs été faite de façon officielle. Un scientifique du laboratoire était venu en personne nous prévenir de l'incident, une autre équipe plus proche avait été dépêchée sur place pour neutraliser les hybrides. Rien d'autre ne filait sur l'affaire de la bouche de l'homme, et presque aucune information ne circula dans les actualités. Même les explications restaient floues, on parlait d'erreur de génétique et non pas de manipulation aux médias. La cérémonie pour les défunts fut également très privée et non divulguée.
Fouiller, essayer, examiner, calculer... je devais continuer, encore et encore. Plus vite je terminerai d'affaires, plus j'aurai de chance de trouver un rapport, une similitude, un indice pour comprendre ce qu'il s'est passé, pourquoi il était mort en vain, pourquoi il était mort à cause de Chroma.
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Les explications officielles sont une énorme blague. Elle n'était même pas mise sur cette opération en premier lieu. Savait-on sa relation avec Alex ou voulait-on simplement ne pas qu'elle puisse remarquer quelque chose de plus important ? Les preuves vidéo étaient de mauvaise qualité, et avec cette mise tardive sur l'affaire, Zelda n'avait accès qu'aux preuves ramenées. Bien sûr, on lui avait conseillé de prendre des congés, de partir quelque temps histoire de faire le deuil, mais cette demande fut refusée.
Le comportement de la jeune femme devenait imprévisible, entre sautes d'humeur et acharnement profond sur ses enquêtes, elle s'approchait dangereusement du burn-out. Perdant ce qui lui était de plus cher, elle essayait de garder ce qu'il pouvait lui rester : le travail, même si son compagnon lui manquait terriblement. La criminologue se retrouvait souvent avec de nouvelles équipes, la plupart ayant une promotion et étant proche des Humanis, promotion qui ne lui avait jamais été proposée d'ailleurs. Mais elle allait tout faire pour trouver la vérité, même si elle ne devait compter que sur elle-même.