Odeur de mauvais tabac dans la pièce, relent de nicotine dans la gorge. Reste une tasse de café bas de gamme en bord de table, une boite de Modafinil à moitié entamée pour mieux tenir la nuit. Le cadran pointe sur cinq du mat'. Tête renversée vers le plafond, une légère pause devant les tâches qui s’amoncèlent. Il ne compte plus les heures, seul le bruit de ventilation du terminal berce le moment. L'esprit fait pare-feu contre l'extérieur, égaré dans le numérique, il y a que la chair organique qui lui donne un semblant de mimique. Crash fait du zèle pour ne pas être parasité par d'autres pensées, travail acharné au détriment de sa santé. Ses yeux roulent de fatigue, douleurs lancinantes dans le dos. Ne sait plus à quel point le monde lui manque. Identité floutée dans le temps, Crash n'est jamais plus que lui devant un écran. Que ce qu'il reste sur la chaise n'est qu'un reflet persistant. Il porte son nom presque par dépit, que ce n'est que la dernière chose dont il se souvient de sa vie.

Flot de paroles inconsistant, volume sonore peu audible. Crash semble peu social et très discret lorsqu'il s'agit d'échanger. À vrai dire, son cadre de vie lui offre peu d'opportunité de sainement bavarder. Les relations ne sont que discussions à sens unique face à la hiérarchie. Certains n'ont jamais pardonné ses actions, d'autres le regardent naturellement de haut. Toujours au sein d'Humanis il sera en bas de l'échelle. Peur au ventre, essuie colères et reproches, Crash panique, craque comme serveur sous ddos, hystérie et larmes se mélangent à brouhaha et vacarme. Crash c'est le jouet mal paramétré, celui dont les boutons sont cassés, n'a jamais vraiment survécu au camp de redressement.

Malgré cela, Crash doit  sa place chez la BTD grâce à ses talents en informatique et de logique mathématique implacable. Une qualité qui cache des octets de lacunes, c'est un dossier rempli de fichiers vierges, des connaissances torpillées au fond de la mémoire, une naïveté trop tendre, plafond de verre au-dessus du crâne. Résigné au fait de n'être jamais comme eux. Il se contente de rester dans le circuit de ses compétences.

Ni ennemi ni allié, il fuit en couard. Comme dépossédé de sa nature sentimentale, la semblance d’interagir avec un bot. Il y a longtemps que Crash a vendu son égo pour survivre. Son empathie rôde sur le net, là où les chiffrements font ronronnements contre ses cogitations.
Appuie sans cesse sur le bouton : exécution
Lancer programme
Traquer ses hantises

Ouvre les yeux sur figures géométriques, l’impression d’être déjà de trop dans la métrique
Gueule de bâtard, air hagard, l’existence est un traquenard

[Nouveaux mots dans le registre : Maison, Caché, Hybride, Humains]

Un nom donné, des phonèmes cryptés, bruits déformés, ça n’a jamais été lui.
D’autres visages ((distordus)), interconnexion, le sentiment de plus de marcher seul dans cette pénitence. Ils s’appellent frère et sœur, ainés, comme lui, rampent dans le marasme.
Sourires et enfance se marient à précarité et instabilité. L’on apprend que le moindre faux-pas coute une vie de servilité.

Des mains tendues sur ses pommettes dessinent  un sourire en tirant la peau. Il ne reconnait plus ses formes, mais n’a jamais oublié l’affection au fond de ses tripes.

Mère ?

Mère

Maman

[Augmentation du taux de dopamine. Emotion : Bienêtre, apaisement, joie]

Larmes coulent comme pixels sur plasma défectueux, il se tord en sanglots, beaucoup de théâtre pour peu de maux. Source de railleries de sa fratrie, à la moindre contradiction il trouvait la direction des jupons de sa mère.
((Pleurniche encore))
Il suffisait, de quelques promesses soufflées dans le vent, quelques bras délicats pour consoler les caprices.
((Une dernière fois avant de clore les paupières))

Doigts sur un objet technologique, découvrir un autre monde synthétique. L’excitation palpable dans les veines, le dégout de surcroit de voir le destin des siens. Enfance passée à déchirer les machines, coder l’infixe, développer l’inane.

[Taux de ressentiment : 60 %]

.

[Accélération de la simulation]

Maman avait les mains froides,  il lui a déposé une couverture pour la réchauffer.
Frère plein de rancoeur détournait le regard.
Maman avait les yeux fermés, sans doute pour compter au cachecache.
Soeur agenouillée se lamentait en prière.
Courir, à pleins poumons, loin.

[Concept acquis : mortalité]
[ Inimitié ][ Accablement]
[ Fréquence cardiaque : 125 ]
[ Détresse ] [ Frénésie ] [ ■■■■] [ ■■■■]
[ Taux d’adrénaline élevé] [Taux d’ocyotine élevé] [État mental : Rage]
[ Surchauffe du système]

Erer jusqu’à s’en perdre dans les méandres de la ville.
Réconfort trouvé dans la colère, elle grogne sous le nom de Déviants.
Besoin irrépressible de cogner, dilacérer leurs épidermes, animadversion primale. Ils leurs donnent des armes, des buts, de l’espoir,  une raison d’exister, eux les opprimés. Il faut escalader cet escalier en colimaçon qu’on nomme spirale de la violence.
Impossible de se battre comme ses adelphes.
Il utilisera ses propres outils pour dominer.
Ça débute, par quelques transgressions, tenir les lois dans ses poings.
Quelques infractions, cartes volées, comptes piratés.
Des multinationales sous ses coups de béliers répétés, désintégrer leurs millions spéculés.
Krach boursier
Transformer feux de signalisations en guirlandes scintillantes. Le crissement des pneus et bruit de parechoc qui s’émiettent comme leurs os.
Crash automobile
Les lumières de l’hôpital s’éteignent, les cris de panique couvrent les sirènes, car tout semble planter entre ses doigts.
Crash
Ce nom sur les lèvres. Car ils préfèrent te voir sous cette image . Né dans les entrailles de ses malheurs, Crash comme réfraction du moniteur. L’égo flatté par leurs adulations.

[Cécité] [Naïveté][Orgueil]

Il n’est plus qu’une entité, un pion que l’on bouge sur cet échiquier, une arme pour faire feu.

[Ce n’est pas de ta faute Crash]

Faire écouler leur système, désacraliser leur modèle. Il soutient, supervise les atrocités.

[Rappelle-toi du sang des innocents]
[Doute]
[Doute]
[Envie de pleurer Crash ?]

Le visage sur les avis de recherche, une maigre prime par rapport à certains, le mot criminel placardé contre son nom.
Il leur ressemble , c’est le même liquide carmin qui jaillit de leurs jugulaires. Ils ne sont qu’un cycle voué à se répéter.

[Respiration saccadée][Anxiété avancée]

Son image le dégoute, l’envie de se supprimer des fichiers. Comme si tout cela n’était pas réel.

[Tu te mens encore Crash]

Dissension et protestation contre l’organisation, en vain il essaye de faire souffler un vent contestation.

[Mais personne ne veut te supporter. Ils n’aiment que Crash, pas toi]

À peine étonné quand les agents sont rentrés, armes braquées contre sa nuque

[Ils t’ont vendu. Tes camarades. Ta famille. Misérable]
[Température critique, veuillez contacter un administrateur]

[ Tu ne pourras jamais laver tes pêchés]
[ Mais tu peux encore te souiller de leurs viscères]
[dévore les Crash, sois affreux comme tu le seras toujours]

[Panique  du noyau] [Sujet en état d’alerte]

[Nous sommes ta rédemption]
[Et tu es à nous]

((Voix maternelle))

[Je t’aime mon enfant]
[Je t’aime mon enfant]
[Je t’aime mon enfant]



[Erreur fatale][Fin de la simulation]


Réveil en sursaut, membres engourdis par l’expérience. Il passe les ongles contre son visage, pour savoir si il existe encore. Des nausées quand il relève la tête, l’envie régurgiter tout son être.
Assis sur une chaise, le vétérinaire toise son sujet, comme une scène anodine.
Sa voix perce le silence, indifférent de l’état de Crash

«De nouvelles mémoires te reviennent ? Tu te sens mieux? »

Il peine à trouver ses mots, à poser concepts tangibles, la voix insuffle presque des supplications.

«Non » simple constat

Le regard déjà affairé sur d’autres dossiers, le soignant semble peu concerné par la réponse, l’air de discuter avec un moins que rien

«Très bien, la prochaine séance est programmée pour le mois prochain, tu peux disposer »

Il ne sait même plus quoi à rime ses batteries de tests, il subit sans broncher, quitte la pièce sans une autre réaction. Affaibli, il rase les murs immaculés du bâtiment, même après tant de séances son corps se morcèle. Il rejoint sa chambre, s’écroule,genoux au sol en dépassant le sas d'entrée.
Devant la glace, le visage blafard. À qui appartient-il ? Une chimère numérique, s’il frotte assez fort sa peau retournera-t-elle sur la toile ? Il se sent comme Crash, comme ce qu’il était, comme l’image que les autres veulent voir, comme un téléchargement étranger dans son enveloppe charnelle.

Choisir entre répondre dignement devant la justice de ses crimes ou être gracié pour rejoindre ceux qu’il traquait. Le témoignage de se lâcheté, car pour rien il ne lâcherait se matérialité. ((traumatisme))
Brisé par le camp, il a cadenassé émotions sous mot de passe
erroné
L’adresse de récupération est
introuvable

Il ingurgite une flopée des médicaments aux consonances exotiques, c’est pour mieux soigner les questions complexes ils ont dit.
L’esprit va voguer, sur des rivages numérisés. Ersatz de sa liberté, il a croisé dans les étoiles chiffrées, les figures de ceux déplorés.