Recroquevillé, Lumine respirait l’air de la vitre brisée. Il était possible de s’y engouffrer, mais les oreilles de l’hybride s’agitèrent quand il entendit ce qui ressemblait à des bruits de pas. Cette situation l’inquiéta beaucoup, alors qu’il sentit soudain sur sa jambe un bandage qui le fit feuler, avant qu’il ne se rende compte qu’une gentille humaine était en train de prendre soin de lui. Immédiatement, ses yeux se gorgèrent de larmes et il énonça, simplement : « Merci Madame… », la voix profondément meurtrie et blessée, alors qu’il mordit ses lèvres pour s’empêcher de crier davantage alors qu’elle essayait de le soigner.

Mine de rien, Lumine était un garçon endurant. Il souffrait silencieusement, et courageusement, esquissant son sourire d’esclave bien dressé à l’endroit de l’inconnue qui lui prêtait main forte. « Je pense que ça va, maintenant… » Il s’approcha doucement d’elle et vint frotter son nez contre son ventre pour la remercier.

Au loin, un groupe d’hybrides veut tenter sa chance pour sortir. Lumine sort alors sa tête de sous le siège où il s’est caché.

« Madame, j’entends des pas au loin. Cela arrive rapidement sur nous. » Il se releva, et passa la porte le premier pour sortir. « Vous devriez vous cacher, le temps d’être sûr que ce sont bien des secours. C’est ce que je vais faire… »

Et sur ces mots, Lumine disparut une nouvelle fois sous une banquette cassée, la queue repliée entre les jambes.

L'intervention pour sauver l'hybride félin se solde par un rude choc pour le pompier. Celui qui venait précisément de prendre les choses en main. A croire que le destin s'acharne sur eux aujourd'hui. Il aurait mieux valu laisser cet hybride se faire écraser, si c'était pour empirer encore la situation. Thaïs garde cependant la pensée pour elle, l'ambiance est déjà suffisamment tendue comme ça. Malgré l'incident, le plan de sortir voir ce qui se passe semble encore d'actualité. Tous les hybrides jusque là amassés dans le fond du wagon se proposent à les accompagner. Et c'est à elle que revient la décision, en tant qu'humaine désignée par le pompier.

Alors il y a un instant d'hésitation, peu enthousiaste à l'idée de les laisser venir. Les mots du félin blessé ne l'aident pas à se rassurer. Des bruits de pas ? Peut-être que les secours arrivent, ou bien les responsables de cette situation. Difficile de savoir.

-Vous pouvez venir, les hybrides. Passez devant. Mais on ne va pas trop loin. Si il y a vraiment des gens qui viennent par ici, mieux vaut attendre de voir de qui il s'agit.

Si ce sont les secours, ce serait bête de les fuir. Si c'est un danger, ils risquent d'être bloqués dans la rame du métro. Au moins, il y a de quoi se cacher ici. Armée de son téléphone qui éclaire, la jeune femme fait signe aux hybrides de s'avancer un peu.

Résumé:

La radio grésille, laisse son dernier message avant de rendre l'âme. Des mots qui font souffler un nouveau vent de panique dans le wagon. Cette situation est bien un coup des Déviants. Pourquoi avoir bloqué le métro ? Que cherchent-ils ? Thaïs lutte contre sa propre angoisse, pour essayer de rester concentrée. Il faut évacuer, trouver un moyen de s'en sortir. Même avec de la lumière, la vision reste altérée par la poussière. Malgré tout, il est possible de discerner un renfoncement dans le mur.

Ce qui inquiète le plus, ce sont les vibrations de plus en plus fortes. Impossible que ce soient des pas, même un grand groupe de personnes. Si la jeune femme devine le danger, elle préfèrerait avoir tort.

-Ce... Ce n'est pas une autre rame qui nous fonce dessus, si ?

Un choc entrainerait de lourds dégâts, matériels et humains. Le renfoncement semble malheureusement trop étroit pour mettre tout le monde à l'abri. Dans le doute, Thaïs élève la voix comme elle peut.

-Sortez du wagon, et éloignez vous le plus possible !

Puis la lumière de son téléphone vient éclairer le renfoncement, au cas où il y aurait quelque chose à y voir.

Résumé:

Lumine resta particulièrement en proie à ses pensées intérieures. Il ne savait pas quoi faire, alors que les vibrations présageaient le pire. Il ne voulut d’abord pas croire ce qu’il entendait, mais sa queue se hérissa, insensible à la panique extérieure qui s’emparait du wagon. Si tout cela était correct, si tout cela était réel… Le chat miaula lourdement, alors qu’Ephaline se tenait non loin de lui et demandait s’ils pouvaient sortir tous les deux.

Les pattes de l’hybride commencèrent à trembler. Il désirait avoir tort, par-dessus tout. Il sortit ses dents de sa bouche. Il eut le temps d’un deuxième miaulement, sortant de sa banquette alors que le mouvement de panique reprenait après l’appel de la radio. Il voulut ouvrir la bouche quand ses yeux se perlèrent de larmes.

Tout le monde allait mourir ici. Cet endroit allait être leur sarcophage. En soi, ce n’était pas si grave bien sûr. Ce n’était pas si grave de mourir, mais volé à son Maître par ces dégénérés de déviants, cela lui décrocha une larme. Il regarda alors Ephaline, et l’empoigna extrêmement fermement, au point de lui faire mal.

Comment choisir ses meilleurs mots ?

« Sortez, vous allez mourir… Un autre métro… Partez tout de suite ! »

Il prit alors la décision la plus étrange de sa vie. Pour alerter cette humaine du danger, il lui mordit l’’épaule. Assez sévèrement pour que cela fasse très mal, mais pas assez pour lui infliger une blessure touchant le nerf. Il fallait qu’elle comprenne qu’elle devait partir. Il puisa enfin dans ses dernières forces, d’une voix criée et déchirée, sachant qu’il allait mourir à cause de sa cheville cassée.

« J’entends un autre train, qui va percuter ! Dehors ! Dehors ! Dehors ».

Puis il mit ses mains sur ses oreilles, et ferma les yeux, attendant la mort.

Personne ne l'écoute, sa mise en garde n'est pas prise au sérieux. Elle-même préfère douter, imaginer que ce n'est pas vrai. Un autre wagon ne peut pas leur foncer dessus. Si leur rame est à l'arrêt, les autres devraient l'être également. C'est cependant l'alerte de l'hybride félin qui provoque enfin une réaction, un mouvement de foule. Thaïs reste tétanisée devant le geste de celui-ci, la vision de la morsure lui rappelant un désagréable souvenir. Incapable alors de réagir, ce n'est qu'après coup qu'elle comprend ce qui vient d'arriver.

Le choc, une explosion, et puis le chaos. On entend des cris, des pleurs, la foule qui s'agite. Les humains à présent plus nombreux que les hybrides, parmi les chanceux à avoir échappé à la collision. La jeune femme remarque le pompier, le malheureux touché par un extincteur plus tôt. C'est grâce à lui qu'elle a pu en réchapper.

-M... Merci...

Ses jambes tremblent encore, elle peine à se tenir debout. Il faut encore un instant pour que son cerveau traite l'information de ce qui vient de se passer.

Résumé:

Lumine avait compris avant tout le monde, mais cela n’avait rien changé. Le destin était d’une cruauté exemplaire, et il n’y avait rien à faire. Il avait accepté l’idée de mourir, si bien qu’il prit le geste du pompier comme une dernière tentative de se protéger d’une tragédie inéluctable. Ses oreilles, elles, ne firent que s’agiter. Lumine s’urina dessus peu avant l’impact. Les cris, la terreur, l’odeur de mort, ses oreilles vibraient, elles allaient comme exploser, il crut qu’il ne survivrait pas. Il ferma les yeux et tressaillit. Son cœur battait si vite. Une dernière pensée alla à son Maître, Evan Grey, alors qu’il hurla de terreur au moment de l’explosion où le train percuta leur wagon à l’abandon.

Dans la violence de l’impact, le garçon se réfugia dans son monde intérieur. En fait, la violence du bruit lui avait ôté l’audition pour un moment, et il avait perdu connaissance quelques secondes, se serrant très profondément au pompier, son sauveur. Pourquoi ? Ce fut la première question qu’il se posa, alors qu’il refusait d’ouvrir les yeux. Il ne fallait pas qu’il ouvre les yeux, parce que s’il les ouvrait… Pourrait-il supporter la vue qui s’offrirait à lui, pour ce garçon qui avait toujours vécu dans la soie ?

Pourrait-il supporter de voir ses maîtres morts et écrasés « comme des lasagnes », pensa-t-il béatement et stupidement, dans le peu de rationalité qu’il avait, ses sens désorientés et désactivés. Lumine n’avait aucune idée d’où il était.

Il entendit à peine la voix d’Hypnos qui le ramena à la réalité, de loin. Il bredouilla alors : « Hypos… tu as pris ton sac… ? » Complètement hors du temps.